L'Indépendence Belge - Thursday, April 18, 1895

Grand émoi parmi les gens de lettres à la suite d'une chronique de M. Jules Huret dans le Figaro sur les amnitiés littéraires que le trop fameux Oscar Wilde avait à Paris. Cette chronique, qui n'était, cependant, qu'un peu malicieuse, a été fort mal prise par les personnalités visées, tant est profonde la répugnance qu'inspire le poète anglais. M. Huret a reçu depuis deux jours démenti sur démenti et les témoins même ont marché de part et d'autre.

Aux témoins que lui a envoyés M. Marcel Schwob, M. Huret a déclaré qu'il ne prendrait la responsabilité d'une offense, qu'il n'a ni voulue ni faite, que si M. Marcel Schwob, par une intérpretation personnelle, lui en suggérait le devoir. S'en référant, d'ailleurs, aux termes mêmes de sa chronique, il tient à faire constater qu'il n'y a traité que des rapports littéraires établis entre M. Oscar Wilde et quelques-uns de nos écrivains, et il serait aux regrets qu'on eût pu attribuer à son information aucune intention malveillante.

Avec M. Catulle Mendès les choses ont marché d'une façon moins conciliante.

M. Catulle Mendès, relevant les allusions faites à ses relations avec Oscar Wilde, avait adressé à M. Huret la dépêche suivante:

Monsieur, Si vous avez voulu faire du reportage, vous êtes bien mal informé; Si vous avez voulu être plaisant, vous êtes un imbécile. CATULLE MENDÈS 13 avril 1895.

M. Jules Huret a répondu par la voie du Figaro:

Monsieur, J'arrive à l'instant de la campagne, et je trouve votre dépêche. Dans ma Petite Chronique des lettres de samedi je n'avais cru parler que des rapports littéraires établis entre M. Oscar Wilde et vous. Puisqu'il vous plaît de les interpréter d'une façon plus large, je ne saurais m'élever contre une opinion dont vous savez mieux que moi le fondement: vous êtes un homme d'esprit. JULES HURET.

Cette polémique entre MM. Catulle Mendès et Jules Huret a reçu aujourd'hui la solution qui était inévitable après cet échange de lettres.

Une rencontre à l'épée a eu lieu ce matin, dans les environs de Paris, entre l'aureur de Méphistophéla et le reporter du Figaro.

Les témoins de M. Catulle Mendès étaient MM. Georges Courteline et André Corneau; ceux de M. Jules Huret étaient MM. Gaëtan de Méaulne et Guérin.

Le duel a eu lieu à 3 h 1/2 de l'après-midi, à l'Ermitage de Villebon, au bois de Meudon.

A l'heure où nous mettons sous presse, on n'en connaît pas, à Paris, le resultat.

La Démocratie - Wednesday, April 17, 1895

Je m’imagine bien que nos querelles, nos potins et nos cancans du boulevard sont indifférents à toute cette population bizarre vivant dans les roulottes, à ces colosses, à ces nains, à ces femmes-torpilles. Ces bruits ne sont pas toujours très amusants et il en est de tristes, quoiqu’ils soient à coup sûr le produit de malentendus. C’est ainsi qu’on parlait, hier soir, d’une affaire entre notre excellent confrère Catulle Mendès et un reporter du Figaro, M. Jules Huret qui, dans un article d’informations littéraires, avait dressé une liste, fantaisiste sans doute, des personnalités littéraires que voyait Oscar Wilde quand il venait à Paris. Parmi ces personnalités, M. Huret a placé Catulle Mendès qui a aussitôt écrit le billet suivant à M. Huret :

Si vous avez voulu faire du reportage, vous êtes bien mal informé ; si vous avez voulu être plaisant, vous êtes un imbécile. Catulle Mendès.

Résultat : envoi de témoins et toute la suite.

Ajoutons que le Figaro s’était empressé de publier un écho qui essayait de réparer ce que la note avait de désobligeant pour l’éminent auteur des Contes du rouet.

Espérons que tout s’arrangera et qu’il sera possible d’éviter à l’avenir de pareils malentendus qui naissent du désir de parler de choses qui, en somme, ne regardent pas le public et dont le public se soucie fort peu au demeurant.

Quoiqu’il en soit, comme le disait le Figaro, M. Catulle Mendès est bien au-dessus de pareils racontars et il est bien bon de s’y arrêter, c’est du temps que l’on fait perdre à un des poètes les plus raffinés du Parnasse contemporain dont Mendès a été un des fondateurs avec mon vieil ami de Ricard et François Coppée qui vient de publier la troisième série des Francs-Propos, un régal pour les lettrés : je vous le signale.

Jean-Bernard.

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