Le Jour - Friday, April 12, 1895

L'affaire Oscar Wilde est revenue aujourd'hui devant le tribunal de Bow-Street. Le juge sir John Bridge avait choisi la plus petite salle du tribunal pour y tenir audience. Aussi n 'y avait-il que quelques privilégiés qui aient pu assister aux debats. Néanmoins la foule était nombreuse aux abords du tribunal et la police avait toutes les peines du monde à contenir les curieux.

Oscar Wilde a comparu devant le juge en compagnie du fameux Taylor, accusé de lui avoir procuré des jeunes gens dans un but que la loi réprouve. On sait qu'au tribunal de Bow-Street on ne juge pas les procès quant au fond. Dans l'affaire d'Oscar Wilde et de Taylor, le magistrat doit simplement décider si les deux inculpés doivent être renvoyés devant la cour d'assises.

Bien que dans le cours de l'audience de samedi dernier on eût déjà procédé à l'interrogatoire de plusieurs témoins, le magistrat, sir John Bridge, a de nouveau autorisé l'avocat de Taylor à questionner ces mêmes témoins.

Ce nouvel interrogatoire a été accablant pour les deux inculpés. Voici, entre autre, un rapide résumé de la déposition d'Atkins.

Le témoin a vingt-deux ans. Au mois de novembre 1892, il fut invité à dîner au restaurant de l'hôtel de Florence. Là, il rencontra Oscar Wilde, Taylor et deux autres personnes.

C'était la première fois qu'il voyait Oscar Wilde. Celui-ci lui demanda d'aller à Paris avec lui en qualité de secrétaire particulier. Ils partirent deux jours après, descendirent dans un hôtel du boulevard des Capucines, où ils prirent deux chambres contigues.

Le lendemain, après avoir déjeuné dans un café, Wilde le conduisit chez un coiffeur ou il lui fit couper et friser les chevaux. Ils souperent ensemble dans la soirée. « C'est le meilleur souper que j'aie jamais fait de ma vie! » s'écrie le témoin à ce souvenir. Ensuite, Oscar Wilde lui donna un louis avec lequel Atkins alla s'amuser au Moulin-Rouge. Quand il rentra à l'hôtel, il trouva Wilde déjà couché avec quelqu'un. Il alla se coucher de son côté. Plus avant dans la nuit, Wilde vint le trouver dans sa chambre et, après un instant de conversation, voulut entrer dans son lit. Mais Atkins l'en empêcha.

Wilde lui donna à Paris un porte-cigare en argent, et quand il furent de retour à Londres il lui fit don de trois livres, en débarquant à la station de Victoria.

Sur la demande du magistrat, Atkins précise que la personne couchée à l'hôtel avec Wilde était un homme.

Mais c'est surtout la déposition du témoin Shelly qui est édifiante.

Ce témoin fit la connaissance de Wilde chez un éditeur où il était employé.

Wilde lui écrivit d'aller le voir à l'hôtel Albemarle. Ils dînèrent ensemble, et après le dîner, où ils burent beaucoup, ils se rendirent dans le salon particulier. Wilde, vers une heure du matin, invita Shelly à venir se coucher; ce qu'il fit. Wilde, en le conduisant dans la chambre à coucher, l'embrassa à plusieurs reprises.

Shelly raconte qu'il passa toute la nuit avec Wilde, couché dans le même lit. Ils se rencontrérent le lendemain de nouveau et visitèrent plusieurs restaurants et cafés.

Le témoin assure qu'il a détruit toutes les lettres que Wilde lui a écrites.

Shelly admirait beaucoup le poète Wilde et il était très flatté que Wilde montràt tant d'affection pour lui.

On a ensuite entendu plusieurs femmes qui pèsent sur les inculpés.

Puis les inspecteurs de police ont raconté les circonstances de l'arrestation de Wilde et de Taylor. Ils ont signalé un détail curieux. Au cours de leur perquisition au domicile de Taylor, ils trouvèrent huit paires de pantalons; les poches de sept de ces pantalons étaient complètement décousues.

La culpabilité des accusés paraît dès maintenant tenant sérieusement établie. Toutefois sir John Bridge a ajourné l'affaire à huitaine pour le jugement, mais il a refusé de laisser les deux inculpés en liberté sous caution.

L'Intransigeant - Saturday, April 13, 1895

Londres, 11 avril.

L'instruction du procès Oscar Wilde continue. On entend les témoins. Un prévenu est assis à côté de Wilde : Taylor, accusé d'avoir été le pourvoyeur du poète.

On introduit le témoin Parker.

C'est dans une entrevue qui eut lieu au Saint-James-Restaurant que Parker vit Taylor. Il n'avait jamais commis aucun acte d'indécence contre nature avant de connaître Oscar Wilde. Ce dernier lui demande de l'accompagner au Savoy Hotel, en présence de Taylor.

Deuxième témoin: Atkins comédien, interrogé par M. Gill, répond ainsi: - J'ai vingt-deux ans. Au mois de novembre 1892, je fus invité à dîner au restaurant de l'hôtel de Florence.

Là, il rencontra Oscar Wilde, Taylor et deux autres personnes.

C'était la première fois qu'il voyait Oscar Wilde. Celui-ci lui demanda d'aller à Paris avec lui en qualité de secrétaire particulier.

Ils partirent deux jours après, descendirent dans un hôtel du boulevard des Capucines où il prirent deux chambres contiguës.

Le lendemain, après avoir déjeuné dans un café, Wilde le conduisit chez un coiffeur, où il lui fit couper et friser les cheveux.

Ils soupèrent ensemble dans la soirée.

C'est le meilleur souper que j'aie fait de ma vie! s'écrit le témoin à ce souvenir.

Ensuite Oscar Wilde lui donna un louis avec lequel Atkins alla s'amuser au Moulin-Rouge.

Quand il entra à l'hôtel, il trouva Wilde déjà couché avec quelqu'un.

Il alla se coucher de son côté.

Plus avant dans la nuit, Wilde vint le trouver dans sa chambre et, après un instant de conversation, voulut entrer dans son lit.

Mais Atkins l'en empêcha.

Wilde lui donne, à Paris, un porte-cigarettes en argent et, quand ils furent de retour à Londres, il lui fit don de trois livres sterling, en débarquant à la station de Victoria.

Dans la suite, Wilde lui écrivit d'aller le voir. Il y alla en effet.

D. - Etait-ce une femme ou bien un homme qui était couché avec Wilde lorsque vous êtes rentré à l'hôtel? R. - C'était un homme.

Un autre témoin, Shelly, raconte qu'il fit la connaissance de Wilde chez un éditeur, où il était employé.

Wilde lui écrivit d'aller le voir à l'hôtel Albermale. Ils dînèrent ensemble, et après le dîner, où ils burent beaucoup, ils se rendirent dans le salon particulier de Wilde qui, vers une heure du matin, invita Shelly à venir se coucher; ce qu'il fit.

Wilde, en le conduisant dans la chambre à coucher, l'embrassa à plusieurs reprises.

Shelly admirait beaucoup le poète Wilde, et il était très flatté que Wilde montrât tant d'affection pour lui.

Plusieurs femmes ayant habité dans les mêmes maisons que Parker et Taylor déposent et racontent leurs soupçons.

On demande à l'une d'elles: - Est-ce que Taylor ne recevait jamais de femmes? - Oh non! répond-elle.

Les détectives entendus ensuite racontent l'arrestation des prévenus. Ils trouvèrent huit pantalons chez Taylor.

Les détails qu'ils donnent sont tellement immondes que je renonce à vous les télégraphier, par respect pour les lecteurs de l'Intransigeant.

Quelques autres témoins de peu d'importance donnent quelques explications qui n'ajoutent rien à la triste clarté, suffisamment complète d'ailleurs, des faits déjà révélés.

Sir John Bridge ajourne l'affaire à demain en huit et refuse de laisser les deux prisonniers en liberté sous caution.

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