Le Moniteur universel - Saturday, April 13, 1895

La petite salle de Bow-Street était hier trop petite pour contenir la foule des curieux qui occupait les abords de la cour.

Sir Edward Clarke explique que, suivant son opinion, un nouvel interrogatoire des témoins, déjà entendus samedi dernier, ne pourrait contribuer en quoi que ce soit à la défense d’Oscar Wilde.

En conséquence, il déclare qu’il ne procédera pas à un nouvel interrogatoire.

Mais M. Newton, avocat de Taylor, demande à poser un certain nombre de questions à quelques uns des témoins de samedi, et notamment à deux jeunes gens, Parkes et Atkins.

Leurs réponses ne laissent aucun doute sur l’exactitude des faits reprochés à Oscar Wilde.

Quelques autres témoins, de peu d’importance, donnent quelques explications qui n’ajoutent rien à la triste clarté, suffisamment complète, d'ailleurs, des faits déjà révélés.

Sir John Bridge ajourne l’affaire à huitaine et refuse de laisser les deux prisonniers en liberté sous caution.

L'Intransigeant - Saturday, April 13, 1895

Londres, 11 avril.

L'instruction du procès Oscar Wilde continue. On entend les témoins. Un prévenu est assis à côté de Wilde : Taylor, accusé d'avoir été le pourvoyeur du poète.

On introduit le témoin Parker.

C'est dans une entrevue qui eut lieu au Saint-James-Restaurant que Parker vit Taylor. Il n'avait jamais commis aucun acte d'indécence contre nature avant de connaître Oscar Wilde. Ce dernier lui demande de l'accompagner au Savoy Hotel, en présence de Taylor.

Deuxième témoin: Atkins comédien, interrogé par M. Gill, répond ainsi: - J'ai vingt-deux ans. Au mois de novembre 1892, je fus invité à dîner au restaurant de l'hôtel de Florence.

Là, il rencontra Oscar Wilde, Taylor et deux autres personnes.

C'était la première fois qu'il voyait Oscar Wilde. Celui-ci lui demanda d'aller à Paris avec lui en qualité de secrétaire particulier.

Ils partirent deux jours après, descendirent dans un hôtel du boulevard des Capucines où il prirent deux chambres contiguës.

Le lendemain, après avoir déjeuné dans un café, Wilde le conduisit chez un coiffeur, où il lui fit couper et friser les cheveux.

Ils soupèrent ensemble dans la soirée.

C'est le meilleur souper que j'aie fait de ma vie! s'écrit le témoin à ce souvenir.

Ensuite Oscar Wilde lui donna un louis avec lequel Atkins alla s'amuser au Moulin-Rouge.

Quand il entra à l'hôtel, il trouva Wilde déjà couché avec quelqu'un.

Il alla se coucher de son côté.

Plus avant dans la nuit, Wilde vint le trouver dans sa chambre et, après un instant de conversation, voulut entrer dans son lit.

Mais Atkins l'en empêcha.

Wilde lui donne, à Paris, un porte-cigarettes en argent et, quand ils furent de retour à Londres, il lui fit don de trois livres sterling, en débarquant à la station de Victoria.

Dans la suite, Wilde lui écrivit d'aller le voir. Il y alla en effet.

D. - Etait-ce une femme ou bien un homme qui était couché avec Wilde lorsque vous êtes rentré à l'hôtel? R. - C'était un homme.

Un autre témoin, Shelly, raconte qu'il fit la connaissance de Wilde chez un éditeur, où il était employé.

Wilde lui écrivit d'aller le voir à l'hôtel Albermale. Ils dînèrent ensemble, et après le dîner, où ils burent beaucoup, ils se rendirent dans le salon particulier de Wilde qui, vers une heure du matin, invita Shelly à venir se coucher; ce qu'il fit.

Wilde, en le conduisant dans la chambre à coucher, l'embrassa à plusieurs reprises.

Shelly admirait beaucoup le poète Wilde, et il était très flatté que Wilde montrât tant d'affection pour lui.

Plusieurs femmes ayant habité dans les mêmes maisons que Parker et Taylor déposent et racontent leurs soupçons.

On demande à l'une d'elles: - Est-ce que Taylor ne recevait jamais de femmes? - Oh non! répond-elle.

Les détectives entendus ensuite racontent l'arrestation des prévenus. Ils trouvèrent huit pantalons chez Taylor.

Les détails qu'ils donnent sont tellement immondes que je renonce à vous les télégraphier, par respect pour les lecteurs de l'Intransigeant.

Quelques autres témoins de peu d'importance donnent quelques explications qui n'ajoutent rien à la triste clarté, suffisamment complète d'ailleurs, des faits déjà révélés.

Sir John Bridge ajourne l'affaire à demain en huit et refuse de laisser les deux prisonniers en liberté sous caution.

Highlighted DifferencesNot significantly similar