Le Phare du Littoral - Thursday, April 4, 1895

Londres, 3 avril, soir.

Le procès du marquis Queensbury, accusé d'avoir porté une accusation diffamatoire contre M. Oscar Wilde, le dramaturge bien connu, a commencé aujourd'hui devant la Cour criminelle.

La salle d'audience était bondée de curieux.

On a entendu les témoins à charge, qui ont révélé des faits scandaleux.

La suite des débats a été renvoyée à demain.

Le Mot d'ordre - Saturday, April 6, 1895

Londres, 3 avril.

Le procès du marquis de Queensberry, accusé d’avoir porté des imputations diffamatoires contre M. Oscar Wilde, le poète et dramaturge bien connu, a commencé aujourd’hui devant la cour criminelle et en présence d’une foule considérable.

Le marquis plaide non coupable et affirme que ses accusations sont fondées et que c’est pour le bien général qu'il les a rendues publiques.

Sir E. Clarke, en ouvrant les débats, établit que l’accusé a laissé au cercle fréquenté par M. Wilde une carte sur laquelle étaient inscrites les accusations les plus outrageantes contre M. Wilde.

Dans sa défense, le marquis a cité les noms de plusieurs personnages éminents qui se seraient rendus coupables, avec M. Wilde, des faits qu’il reproche à ce dernier, et déclare que son but en agissant ainsi a été de soustraire son fils, lord Alfred Douglas, à l’influence de M. Wilde.

Les rapports de ce dernier avec lord Douglas remontent à 1891 et depuis cette époque il est devenu l’ami de la soeur et de la mère du jeune homme.

En 1894, un individu nommé Wood, à qui lord Douglas avait donné quelques vêtements, vint trouver M. Wilde et lui dit avoir trouvé dans une poche dos lettres de lui à lord A. Douglas.

M. Wilde lui remit 15 livres sterling en échange de ces documents, mais Wood avait conservé une lettre qu'il supposait importante. Dans la suite, un nommé Allen essaya également de vendre à M. Wilde une de ses propres lettres dans laquelle se trouve un passade assez singulier, pouvant donner lieu à des interprétations diverses et qui se termine par les mots: « Toujours vôtre avec un amour impérissable. Signé : OSCAR. »

On entend les témoins.

Le portier du club d'Albermarle dépose crue la carte mentionnée plus haut lui a été remise par le marquis, avec ordre de la porter à M. Wilde.

M. Oscar Wilde est alors appelé.

Il raconte la visite que lui fit Wood. A Allen qui vint aprés, il parla en ces termes :

Je suppose que vous venez à l'occasion de ma superbe lettre à lord Alfred Douglas.

Si vous n’aviez pas été assez stupide pour en envoyer une copie à M. Beerbohmtree (l'acteur bien connu en Angleterre), je vous l'aurais volontiers rachetée pour une somme considérable. Je considère en effet cette lettre comme une œuvre d’art.

Allen partit avec quinze livres, et quelques instants après un autre homme apporta au témoin la lettre en question qui, depuis, est restée en sa possession. M Wilde décrit alors une entrevue qu’il eut chez lui avec le marquis. Ce dernier soutient que M. Wilde et lord Alfred Douglas avaient été jetée à la porte de l’hôtel de Savoià a cause de leur conduite scandaleuse. M. Wilde affirme que cela est faux, ainsi que toutes les allégations contre leur conduite.

Sur une interrogation qui lui est faite, M. Wilde reconnaît n’avoir pas ignoré que le marquis désapprouvait les relations de son fils avec lui, mais il a continué à être très intime avec lord Alfred Douglas.

Jusqu’à présent, il a résidé dans plusieurs hôtels avec le jeune homme et a retenu des chambres pour lui.

M. Carson, avocat du marquis de Queensberry. — Vous êtes d’avis, Monsieur Wilde, qu’il n’y a rien de tel qu’un livre immoral ?

M. Wilde. — Oui.

M. Carson. — Est-ce que cet article vous semble immoral ?

M. Wilde. — Pire que cela, il est mal écrit. (Rires dans l’auditoire.)

M. Carson produit alors un volume de M. Wilde et, après en avoir lu quelques passages, ajoute :

Je puis donc penser que, d’après vous, il importe peu qu’un livre soit immoral ; c’est un bon livre s’il est bien écrit ?

M. Wilde. — S’il est bien écrit, il produira une impression de beauté, et s’il est mal écrit, un sentiment de dégoût.

M. Carson. — La lettre que vous avez rachetée d’Allen, la considérez-vous comme une lettre ordinaire ?

M. Wilde. — Certainement non !

M. Carson. — Etait-ce là une façon naturelle et convenable de s’adresser à un jeune homme ?

M. Wilde. — Vous faites la critique d’un poème. Vous pourriez aussi bien me demander si les sonnets de Shakespeare sont convenables. Mais laissons cela. Je ne peux répondre à aucune question sans me rapporter à l’art.

Un homme qui n’est pas artiste n’aurait jamais écrit la lettre incriminée.

M. Carson. — Etait-ce votre façon habituelle de correspondre avec lord Alfred Douglas ?

M. Wilde. — Personne ne pourrait écrire une lettre comme celle-là tous les jours.

M. Carson. — Avez-vous écrit d’autres lettres de ce style ?

M. Wilde. — Je ne me répète pas dans ma façon d’écrire.

M. Carson lit une autre lettre conçue en termes analogues et demande : « Est-ce que cela n’est pas plutôt extraordinaire ? »

M. Wilde. — J’estime que tout ce que j’écris est extraordinaire. Je ne fais pas profession d’être un homme ordinaire.

Répondant à d’autres interrogations, M. Wilde reconnait avoir diné dans une chambre séparée avec Wood à l’hôtel. Après lui avoir donné 15 livres pour se rendre en Amérique, il lui en donna encore 5 autres. Il a d’abord pensé que Wood était un maitre-chanteur, mas ce dernier a toujours protesté. Quant à Allen, il lui a remis 10 shillings avec mépris.

Un peu plus loin, M. Wilde reconnait avoir été à Brighton avec un garçon à qui il a donné un vêtement complet.

Les débats sont renvoyés à demain.

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