Le Petit Parisien - Saturday, April 6, 1895

Le procès en diffamation intenté par M. Oscar Wilde, dramaturgie anglais et littérateur connu, au marquis de Queensbury, est venu hier devant la Cour d'assises de Londres.

On sait de quoi il s'agissait:

Le marquis da Queensbury avait accusé Oscar Wilde d avoir détourné son fils, le jeune lord Douglas, et prétendait que des relations d'une nature forte délicate existaient entre eux.

Cette cause scandaleuse s'est terminée d'une façon inattendue.

M. Clarke, avocat de M. Oscar Wilde, a abandonné la défense et accepté le verdict de nonculpabilité en faveur du marquis de Queensburv.

M. Oscar Wilde n'assistait pas à l'audience.

Le marquis de Queensbury a fait déposer une plainte contre M. Oscar Wilde. Il a fait remettre au juge chargé des instructions criminelles le dossier qu'il avait formé contre son accusateur.

Ce dernier a adressé à un journal une lettre dans laquelle il déclare que s'il se désiste c'est parce qu'il ne voulait pas faire appeler en témoignage contre le marquis de Queensbury son propre fils, lord Alfred Douglas. Il n'a pas voulu le placer dans une position aussi pénible et il a préféré encourir le mépris de tous.

M. Oscar Wilde a été arreté dans la soirée et conduit au tribunal de Bow-Street et écroué.

Lord Alfred Douglas a offert une caution pour obtenir la liberté provisoire du prévenu, ce qui lui a été refusé.

M. Oscar Wilde, accusé de crime, comparaîtra aujourd'hui, à dix heures, devant le magistrat de police.

Le Matin - Saturday, April 6, 1895

Londres, 5 avril.--Par fil spécial.

L'affaire Oscar Wilde contre le marquis de Queensbury a pris aujourd'hui une tournure inattendue. Elle s'est terminée brusquement par le désistement de l'avocat de M. Wilde, qui a retiré la plainte en diffamation contre le marquis.

Les interrogatoires que M. Oscar Wilde a subis ont clairement montré que ce personnage méritait bien ce que le marquis de Queensburg avait écrit sur sa carte de visite.

M. O. Wilde n'assistait pas à l'audience, mais il était dans le palais de justice, si ce nom peut être affecté à la construction vieille et laide qui en tient lieu.

Il a eu un conciliabule avec son avocat, et après que le désistement a été convenu, M. O. Wilde est parti en voiture. L'avocat du marquis de Queensbury a écrit immédiatement au juge chargé de l'instruction des affaires criminelles pour dénoncer M. Oscar Wilde; en même temps il lui envoyait le dossier complet formé par le marquis contre son accusateur.

Un cœur sensible.

Un journal du soir dit avoir reçu la lettre suivante signée Oscar Wilde

« Il m'était impossible de prouver mon cas, sans faire interroger lord Alfred Douglas comme témoin contre son père. Lord Alfred Douglas était très désireux de me servir de témoin, mais je ne l'ai pas voulu. Plutôt que de le placer dans une position aussi pénible, j'ai résolu de me retirer tout fait et de supporter moi-même toutes les ignominies et toutes les hontes qui puissent résulter de ce projet. »

Ecroué quand même.

Cette défense in extremis n'a pas attendri le magistrat chargé de l'instruction. M. Oscar Wilde a été arrêté dans la soirée et conduit, à huit heures dix, au tribunal de Bow street, où il a été écroué. Il est probable que si l'on avait apporté quelque retard dans l'exécution de l'arrêt, on n'aurait plus trouvé la pie au nid.

Lord Alfred Douglas a offert une caution pour obtenir la liberté provisoire du prévenu, ce qui lui a été refusé.

M. Oscar Wilde, accusé de crime, comparaitra demain à dix heures devant le magistrat de police.

N'oublions pas que la legislation anglaise est particulièrement sévère pour le genre de crime imputé à M. Oscar Wilde. Le maximum est vingt ans de travaux forcés.

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