Le Petit Parisien - Monday, April 8, 1895

Le procès du M. Oscar Wilde a commencé hier, devant le Tribunal de police de Bow-Street.

Une foule considérable se pressait aux abords et la police avait fort à faire pour repousser les curieux qui voulaient entrer.

Le prisonnier a été sorti de sa cellule et conduit à l'audience à onze heures. Un gardien se tenait à côté de lui. En apparente, il paraissait insouciant et conservait la même attitude nonchalante que ces jours précédents à la barre des témoins.

M. Gully, qui remplissait les fonctions équivalentes à celles du Ministère public, a pris 1a parole et a dit que l'accusation portée contre M. Wilde tombait sous la loi criminelle; mais, étant donnée la nature de la cause, qu'il n'importunerait pas le tribunal par des considérations préliminaires.

M. Gully s'est occupé de Charles Parker, qui se rencontra avec Oscar Wilde à Savoy-Hotel, du 7 au 29 mai 1893, et d'un nommé Taylor, qui, à la meme époque, eut des relations suivies avec l'accusé.

Cet individu avait joué, près d'Oscar Wilde, le rôle odieux de pourvoyeur.

Bien que la Police ait eu des difficultés énormes pour réunir des témoins, néanmoins on pourra en faire paraître plusieurs à la barre.

Charles Parker a été introduit, et il allait déposer sur les faits auxquels il a été mêlé quand ou a appris que Tayior venait d'être découvert et conduit à son tour au bane des accusés.

Lorsqu'il est entré dans la salle, Oscar Wilde s'est incliné vers lui. Sir John Bridge, le magistrat, lui a expliqué la nature de la cause, puis on a entendu Parker.

M. Humphrey, qui se présentait pour Wilde, a réservé bon interrogatoire du témoin. Après l'audition de plusieurs jeuues gens qui ont eu des relations avec Wilde, l'audience a été levée.

L’Événement - Saturday, April 13, 1895

L’affaire Oscar Wilde a été reprise hier devant le tribunal de Bow Street.

Le co-accusé, Alfred Taylord, qui a été arrêté samedi pendant les débats, était présent. Public très nombreux.

Sir Edward Clarke défend Oscar Wilde. L’accusé était pâle et très abattu.

Sir Edward Clarke déclare au début de l’audience qu’un nouvel interrogatoire des témoins déjà entendus samedi dernier ne peut être d’aucune utilité dans les débats.

Mais le défenseur de Taylor, M. Newton demande à poser quelques nouvelles questions à certains témoins, ce qui lui est accordé.

Les réponses sont absolument écrasantes pour Oscar Wilde. Les détails sont absolument répugnants.

Le témoin Shelly raconte qu’il passa toute la nuit avec Wilde, couché dans le même lit. Ils se rencontrèrent le lendemain de nouveau et visitèrent plusieurs restaurants et cafés.

Le témoin assure qu’il a détruit toutes les lettres que Wilde lui a écrites.

Quant à Taylor, c’est pour lui un étranger.

Plusieurs femmes ayant habité dans les mêmes maisons que Parker et Taylor déposent et racontent leurs soupçons.

On demande à l’une d’elles :

— Est-ce que Taylor ne recevait jamais de femmes ?

— Oh non ! répond-elle.

Dans ces dépositions reviennent constamment les noms de Taylor, de Parker et d’Oscar Wilde qui se visitaient et couchaient ensemble.

Le garçon d’un petit hôtel de Saint-James Palace, où Wilde habita quelque temps, raconte les mêmes faits.

Le propriétaire de l’hôtel Albermale, après plusieurs séjours de Wilde chez lui, eut des soupçons et chercha à se débarrasser de lui en le faisant poursuivre par son solicitor pour une cote restée en souffrance.

L’inspecteur de police Charles Richard et un de ses collègues racontent comment s’opèrent l’arrestation de Wilde, à l’hotel Cadogan, dans Sloan Street, et celle de Taylor. Ces faits sont connus, sauf que chez Taylor on trouva, entre autres choses, une lettre adressée à Mahor, un des témoins de samedi dernier ; cette lettre est ainsi conçue :

« Cher Sidi, impossible d’attendre plus longtemps. Viens de suite voir Oscar. Il est à sa maison de Chelsea. »

Les détectives trouvèrent huit paires de pantalons chez Taylor : les poches de sept de ses pantalons étaient complètement décousues.

Quelques autres témoins de peu d’importance donnent quelques explications qui n’ajoutent rien à la triste clarté, suffisamment complète, d’ailleurs, des faits déjà révêlés.

Sir John Bridge ajourne l’affaire à demain en huit et refuse de laisser les deux prisonniers en liberté sous caution.

* * *

On me rappelle que, parmi les révélations édifiantes du procès Queensberry-Wilde, il y eut surtout un incident qui donna lieu à beaucoup de commentaires.

Il s’agit de l’omission, et cela du consentement mutuel de la personne qui, non seulement mit Taylor en rapport avec Wilde, Taylor est l’individu qui fournissait à Wilde les « sujets » que celui-ci demandait, mais qui fut aussi me2lé à d’autres aventures de Wilde.

Il fut constaté à l’audience que ce personnage mystérieux, que sir Edward Clarke désignait par la lettre B… était un homme de certain rang et occupant une haute position, qui ne se trouvait pas pour le quart d’heure en Angleterre.

J’entends dire, à présent, que ce B… est un membre de la Chambre de lords, qui quitte l’Angleterre, il y a quelques semaines, pour faire un voyage d’agrément.

Le bruit court même qu’un mandat d’arrestation aura déjà été lancé contre ce personnage ; mais je puis affirmer, de bonne autorité, que cette nouvelle est prématurée.

Jusqu’à une heure avancée de la sodrée d’hier, aucun nouveau mandat d’arrestation n’a été lancé contre une personne mêlée à l’affaire Wilde ; mais , ce que je puis affirmer aussi, c’est qu’au moins, une personne appartenant au plus grand monde, en ce moment à Londres, est étroitement surveillée par la police, et j’ajouterai même que son arrestation sera probablement opérée cette semaine.

Laroche.

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