L'Univers - Saturday, June 15, 1895

Les supplices infligés à Oscar Wilde, le poète anglais, condamné pour des actes révoltants d'immoralité, sont, paraît-il, effrayants. Les Anglais avaient commencé par nier l'existence de ces tortures, mais ils sont bien obligés de reconnaître aujourd'hui qu'elles existent. Un membre éminent du barreau de Londres a dit à un rédacteur du Gaulois :

Sa cellule, très étroite, a pour tout meuble un lit ou pour mieux dire une planche reposant sur quatre pieds et sur laquelle on a placé une couverture. Il n'y a pas de matelas et l'oreiller est en bois. A quelques pas de là, un escabeau.

Orcar Wilde est soumis à trois sortes de travaux. D'abord dans sa chambre il doit procéder pendant un certain nombre d'heures, assis sur son escabeau, à la réduction en tout petits morceaux, d'énormes cordes goudronnées, de ces cordes dont on se sert pour amarrer les navires. Il fait ce travail à l'aide d'un clou — et de ses ongles. Travail pénible, atroce, fait pour déchirer, abîmer irrémédiablement les mains.

Puis, on le conduit dans une cour où il déplace un certain nombre de boulets de canon, les transportant un à un d'un endroit à un autre et en les plaçant en des tas symétriques. Le travail n'est pas plutôt achevé qu'il est détruit par Wilde lui-même et le prisonnier est obligé de reporter les boulets à l'endroit primitif, un à un.

Enfin, il est soumis à la peine du tread mill, la plus dure de toutes. Figurez-vous une immense roue à l'intérieur de laquelle se trouvent des marches circulaires. Oscar Wilde, placé sur une des marches, fait mouvoir aussitôt la roue à l'aide de ses pieds. Les marches se succèdent ainsi sous ses pieds dans une évolution rapide, régulière. Ses jambes sont soumises par là à un mouvement précipité qui devient une fatigue énervante, affolante au bout de quelques minutes. Mais il doit maîtriser cette fatigue, cet énervement, cette souffrance, et continuer à jouer des jambes, sous peine d'être renversé, par l'action même de la roue, enlevé et projeté. Cet exercice fantastique dure un quart-d'heure. On donne à Wilde cinq minutes de repos, puis l'exercice recommence.

Oscar Wilde n'a que deux livres à sa disposition : la Bible et un livre de prières. On ne lui sert que de la viande, du pain noir et de l'eau.

La France - Saturday, June 15, 1895

Voici de nouveaux détails sur la captivité d’OScar Wilde. Ceux-ci nous sont fournis pas le Gaulois et nous paraissent exacts :

Oscar Wilde, dont les cheveux, les longs cheveux d’esthète, ont été coupés ras, est vêtu d’un costume de toile à voile marqué d’une flèche, ce qu’on appelle un broad arrow, signe distinctif des convicts.

Sa cellule, très étroite, a par tout meuble un lit ou, pour mieux dire, une planche repassant sur quatre pieds et sur laquelle on a placé une couverture. Il n’y a pas de matelas et l’oreiller est en bois. A quelques pas de là, un escabeau.

Oscar Wilde est soumis à trois sortes de travaux. D'abord dans sa chambre il doit procéder, pendant un certain nombre d’heures, assis sur son escabeau, à la réduction en tout petits morceaux, d’énormes cordes goudronnées, de ces cordes dont on se sert pour amarrer des navires.

Il l'ait ce travail à l’aide d'un clou — et de ses ongles. Travail pénible, atroce, fait pour déchirer, abîmer, irrémédiablement les mains.

Puis, on le conduit dans une cour où il déplace un certain nombre de boulets de canon, les transportant un à un d’un endroit à un autre et les plaçant en des tes symétriques.

Le travail n’est pas plutôt achevé qu’il est détruit par Wilde lui-même et le prisonnier est obligé de reporter les boulets à l’endroit primitif, un à un.

Enfin, il est soumis à la peine du tread mill, la plus dure de toutes. Figurez-vous une immense roue à l’intérieur de laquelle se trouvent des marches circulaires.

Oscar Wilde, placé sur une des marches, fait mouvoir aussitôt la roue à l’aide de ses pieds. Les marches se succèdent ainsi sous ses pieds dans une évolution rapide et régulière.

Ses jambes sont soumises par là à un mouvement précipité qui devient une fatigue énervante, affolante au bout de quelques minutes. Mais il doit maîtriser cette fatigue, cet énervement, cette souffrance, et continuer à jouer des jambes, sous peine d’être renversé par l’action même de la roue, enlevé et projeté.

Cet exercice fantastique dure un quart d'heure. On donne à Wilde cinq minutes de repos, puis l'exercice recommence.

Il est toujours seul et ne peut parler à son geôlier qu’à certains moments. Toute correspondance lui est interdite, et toute lecture, sauf celle d’une Bible et d’un livre de prières placés à la tête de la planche qui lui sert de lit.

On pense que ses parents ne seront admis à le voir qu’à la fin de l’année.

Comme nourriture, ou lui sert de la viande et du pain noir. Il ne boit que de l’eau, naturellement. Les repas sont à heure fixe, car il est de toute importance qu’il suive un régime régulier pour accomplir ces travaux si durs auxquels il est soumis tous les jours.

Le dimanche, il est conduit à la chapelle de la prison où il assiste au service divin en compagnie des autres convicts. Il écoute le sermon, non seulement à l’église, mais dans sa chambre, où le clergyman vient le voir une ou deux fois la semaine. Il doit écouter tout ce que le ministre lui dit sans faire une seule observation, sans proférer un seul mot.

Oscar Wilde ne semble pas souffrir physiquement du « hard labour ». Un convict libéré de la prison de Pentonville, avant-hier, a dit qu’il avait assisté au service dimanche, en compagnie d’Oscar Wilde et que celui-ci semblait se porter très bien.

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