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Original paragraph in
Le Figaro - Saturday, April 6, 1895
Le Figaro - Saturday, April 6, 1895
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Le Journal - Saturday, April 6, 1895
Le Journal - Saturday, April 6, 1895
Difference
Londres, 5 avril.
Le scandaleux procès intenté à lord Queensberry par M. Oscar Wilde s'est terminé aujourd'hui par un coup de théâtre.
L'audience avait été accablante pour le plaignant.
L'avocat de lord Queensberry avait produit de nombreux témoignes pour établir que M. Oscar Wilde avait des moeurs étranges, qu'il était
connu pour ses fréquentations suspectes de jeunes gens, et que, lord Queensberry, dont il avait détourné le fils, lord Douglas, avait cédé à un mouvement
de légitime colère en lui adressant l'epithète que M. Oscar Wilde poursuit aujourd'hui comme diffamatoire.
Interrogé à son tour, M. Wilde est forcé de reconnaître qu'il avait pour familier ce nommé Taylor, dont je vous ai parlé hier, et que
lord Queensberry représente comme le pourvoyeur de ses débauches.
Taylor, de son aveu, lui a présenté cinq ou six jeunes gens, domestiques ou petits employés, quelques-uns déjà impliqués dans de
honteuses affaires de moeurs. De ce nombre un nommé Parker.
- Etait-ce un artiste, un littérateur? demande à M. Wilde l'avocat de lord Queensberry, M. Carson? - Non. La culture de l'esprit
n'était pas son fort. - Pourquoi le fréquentiez-vous? Parce que je l'aimais bien. - Et combien lui avez-vous donné? - Quatre à cinq
livres sterling. - Enfin, quel plaisir aviez-vous à sa société? - Le plaisir de me trouver avec un jeune homme aimable, gai. - Ne vous
appelait-il pas de votre prénom, Oscar? - C'est exact.
D'autres jeunes gens ont été conduits par M. Oscar Wilde à Paris, où il les emmenait souper en cabinet particulier, notamment un nommé
Sydney, que M. Wilde se défend d'ailleurs d'avoir embrassé.
- Il était trop laid, répond-il. (Hilarité.).
On comprend, après de pareils aveux, l'inquiétude et la colère de lord Queensberry quand il connut l'intimité de M. Oscar Wilde avec
lord Douglas, son fils.
L'avocat de lord Queensberry prend alors la parole.
Il dit qu'il est en mesure de justifier complètement son client de l'accusatian portée contre lui par M. Wilde, que les dépositions des
témoins prouvent que le nommé Taylor jouait le rôle d'intermédiaire entre M. Wilde et les jeunes gens que celui-ci recherchait. Il ajoute qu'il fera voir
quelle espèce de bouge était le domicile de cet individu.
Le contre-interrogatoire de M. Wilde, dit M. Carson, a établi, de l'aveu même du plaignant, qu'il aimait la société des jeunes gens. Il
reconnaît les avoir invités à dîner, les avoir, emmenés avec lui en voyage, et leur avoir fait des cadeaux.
Ces cadeaux consistaient presque invariablement en porte-cigarettes d'argent. Quel bon client M. Wilde dut être pour les fabricants de
ces objets fort utiles, mais si prosaïques!
D'ailleurs le côté prosaïque et matériel des choses n'était pas toujours absent des lettres de M. Wilde. comme on en jugera par ce
spécimen de son style épistolaire. C'est une lettre de M. Wilde à lord Alfred Douglas.
Très cher garçon, Votre lettre est délicieuse, c'est pour moi du vin rouge et du vin blanc, mais je suis triste et mal à
l'aise. Il ne faut pas me faire de scènes. Elle me tuent, elles détruisent la beauté de l'existénce. Je ne puis vous voir, vous, si grec, si
gracieux, défiguré par la colère. Je ne puis entendre vos lèvres arquées me dire des choses odieuses. J'aimerais mieux (ici un mot illisible) que vous
avoir aigre, injuste, haineux. Il faut que je vous voie bientôt. Mais je ne sais comment faire. Dois-je aller à Salisbury? Ma note à l'hôtel est de
49 livres par semaine. J'ai un autre salon sur la Tamise, Pourquoi n'étes-vous pas ici mon cher, admirable garçon? Il faut que je parte. Plus d'argent,
plus de crédit. Votre Oscar.
Le style du marquis de Queensberry, dont on a lu des lettres aujourd'hui, est bien différent. Il s'indigne contre l'oisiveté de son
fils, lord Alfred Douglas, et le somme de renoncer à sa « liaison infâme avec Wilde. »
Lord Alfred Douglas, qui n'a rien de commun avec lord Chesterfield, répond par dépêche à son père:
« Quel drôle de bonhomme vous faites! Quand vous serez mort, il n'y aura pas grand monde pour vous regretter. »
Le public siffle avec unanimité ce bel exemple de correspondance filiale.
C'est ici que se produit le coup de théâtre.
A la suite de ces édifiants débats, l'avocat de M. Oscar Wilde, sir Edward Clarke, se lève, et annonce que son client retire sa plainte
en diffamation contre lord Queensberry et qu'il abandonne la poursuite.
Le jury rapporte aussitôt un verdict déclarant que M. Oscar Wilde n'a pas été diffamé, que l'accusation publique d'immoralité portée
contre lui par lord Queensberry est justifiée, et qu'elle a été portée dans t'intérêt de la morale.
Vive sensation dans l'auditoire.
Le marquis de Queensberry est acquitté, et le bruit court que M. Oscar Wilde, qui s'est empressé de quitter l'audience, a pris la fuite
pour échapper à une arrestation imminente.
Londres, 5 avril, soir:
M. Oscar Wilde vient d'être arrêté et écroué.
Cette arrestation soulève une émotion énorme.
Les deux théâtres de Londres où l'on jouait des ouvrages de Wilde font relâche.
Lord Alfred Douglas a offert une caution pour obtenir la liberté provisoire de son ami, qui lui a été refusée.
Lord Alfred Douglas a offert une caution pour obtenir la liberté provisoire du prévenu, ce qui lui a été refusé.
M. Oscar Wilde, accusé de crime contre les mœurs, comparaîtra demain, à dix heures, devant le magistrat de police.
M. Oscar Wilde, accusé de crime, comparaîtra, demain, à dix heures, devant le magistrat de police.