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Le Jour - Tuesday, July 30, 1895
Le Jour - Tuesday, July 30, 1895
Most similar paragraph from
Le Mot d'ordre - Thursday, August 1, 1895
Le Mot d'ordre - Thursday, August 1, 1895
Difference
Des nouvelles alarmantes ayant circulé quant à la santé du prisonnier, l'administration a autorisé deux médecins à s'assurer de visu, de
l'état d'Oscar Wilde. Quelques membres de la presse ont pu se joindre à ces praticiens, dont l'un a été désigné par la famille même du condamné, à la
condition qu'aucun de nous ne trahira sa présence tant que le prisonnier pourra en être averti. En conséquence, nous sommes introduits dans une pièce
contiguë au greffe et dont les fenêtres donnent sur un préau vide. Tout a l'heure, a dix heures précises, après la messe à laquelle il assiste en ce
moment, Oscar Wilde sera amené là, comme il y sera désormais amené chaque dimanche au même moment. Les trois fenêtres derrière lesquelles nous prenons
place sont défendues par un panneau de treillis de fil de fer peint en vert, qui empêchera le condamné de nous apercevoir. Le préau s'étend en face de ces
fenêtres, large d'environ six mètres et long de vingt, visible dans toute son étendue. A l'extrémité qui le ferme en face de nous, une porte de chêne à
deux battants.
Des nouvelles alarmantes ayant circulé quant à la santé du prisonnier, l’administration a autorisé deux médecins à s’assurer de visu,
mais seulement de visu, de l’état d’Oscar Wilde. Quelques membres de la presse ont pu se joindre à ces praticiens, dont l’un a été désigné par la famille
même du condamné, à la condition qu’aucun de nous ne trahira sa présence tant que le prisonnier pourra en être averti. En conséquence, nous sommes
introduits dans une pièce contiguë au greffe et dont les fenêtres donnent sur un préau vide, Tout à heure, à dix heures précises, après la messe laquelle
il assiste en ce moment, Oscar Wilde sera amené là, comme il y sera désormais amené chaque dimanche au même moment. Les trois fenêtres derrière lesquelles
nous prenons place sont défendues par un panneau de treillis de fil de fer peint en vert, qui empêchera le condamné de nous apercevoir. Le préau s’étend
en face de ces fenêtres, large d’environ six mètres et long de vingt, visible dans toute son étendue. A l’extrémité qui le ferme en face de nous, une
porte de chêne à deux battants.
Nous sommes ici neuf. Un seul a été l'ami de Wilde. Les autres ne l'ont vu qu'au théâtre, ou devant sir John Bridge à la cour de
Bow-Street, ou devant les juges Charles et Wills aux audiences du jury criminel. D'ailleurs, aucun désir de conversation entre nous. Attention. Voici que
sonne le premier coup de dix heures...
Nous sommes ici neuf. Un seul a été l’ami de Wilde. Les autres ne l’ont vu qu’au théâtre, ou devant sir John Bridge à la cour de
Bow-Street, ou devant les juges Charles et Wills aux audiences du jury criminel. D’ailleurs, aucun désir de conversation entre nous. Attention. Voici que
sonne le premier coup de dix heures...
A ce bruit, comme à un signal, les deux battants de Ia porte de chêne pivotent au fond du préau, sans que nous apercevions l'homme, les
hommes, la force quelconque qui les fait mouvoir. Au delà de cette porte ouverte, nos yeux plongent dans un vaste trou noir auquel aboutissent les
dernieres marches d'un escalier de pierre. Un commis-greffier nous explique que Wilde est en route, entre la chapelle et le préau, à travers des couloirs
où il ne rencontre personne, mais où il est épié. Il ne doit pas voir les gardiens qui se tiennent immobiles derrière les battants de chêne. Ce serait
une distraction. Tout à l'heure, quand il sera arrivé, la porte se refermera comme si elle se refermait toute seule et un gardien restera derrière à
surveiller le solitaire promeneur.
A ce bruit, comme à un signal, les deux battants de la porte de chêne pivotent au fond du préau, sans que nous apercevions l’homme, les
hommes, la force quelconque qui les fait mouvoir. Au delà de cette porte ouverte, nos yeux plongent dans un vaste trou noir auquel aboutissent les
dernières marches d’un escalier de pierre. Un commis-greffier noue explique que Wilde est en route, entre la chapelle et le préau, à travers des couloirs
où il ne rencontre personne, mais où il est épié. Il ne doit pas voir les gardiens qui se tiennent immobiles derrière lus battants de chêne. Ce sérail une
distraction. Tout a l’heure, quand il sera arrivé, la porte se refermera comme si elle se refermait toute seule et un gardien restera derrière à
surveiller le solitaire promeneur.
Deux coups de sifflet partent du trou noir. Une homme apparaît, sortant peu à peu de cette ombre, arrivant doucement dans la lumière,
d'un pas lent, sans bruit. Il est chassé seulement de bas et tient dans sa main gauche une paire de sabots. La main droite glisse sur une rampe de
cuivre.Est-ce que lui? Nous apercevons vaguement le raccourci de ses épaules, le dessin de sa casquette. Enfin il touche à la dernière marche, dépose sur
le pavé ses sabots qu'il chausse, et descend dans le préau. Coup de sifflet. La porte se referme.
Deux coups de sifflet partent du trou noir. Un homme apparaît, sortant peu à peu de cette ombre, arrivant doucement dans la lumière,
d’un pas lent, sans bruit. Il est chaussé seulement de bas et tient dans sa main gauche une paire de sabots. La main droite glisse sur une rampe de
cuivre. Est-ce lui ? Nous apercevons vaguement le raccourci de ses épaules, le dessin de sa casquette. Enfin il touche à la dernière marche, dépose sur le
pavé ses sabots qu'il chausse, et descend dans le préau. Coup de sifflet. La porte se referme.
En son premier mouvement il se détire, tend les bras; puis il retire sa casquette. C'est Wilde, à peine reconnaissable. Non qu'il ait
beaucoup maigri. La charpente a conservé sa puissance, les épaules leur largeur et leur carrure; le volume de l'abdomen a peu varié. Le visage même
rassuré par une apparence de santé, malgré la pâleur jaunâtre qui a remplacé les fraîches couleurs roses d'autrefois. La transformation est toute dans la
tête hideusement rasée, presque chauve, dans cette tonte affreuse de la prison qui réduit la tête de Wilde à un volume insignifiant, poupard, bête, sans
expression.
En son premier mouvement il se détire, tend les bras; puis il retire sa casquette. C’est Wilde, à peine reconnaissable. Non qu’il ait
beaucoup maigri. La charpente a conservé sa puissance, les épaules leur largeur et leur carrure; le volume de l’abdomen a peu varié. Le visage même
rassure par une apparence de santé, malgré la pâleur jaunâtre qui a remplacé les fraîches couleurs roses d’autrefois. La transformation est toute dans la
tête hideusement rasée, presque chauve, dans cette tonte affreuse de la prison qui réduit la tête de Wilde à un volume insignifiant, poupard, bête, sans
expression.
Sans doute il y a dans la casquette que le condamné secoue sur sa main un pli. une poussière qui le gêne, car il tarde à la remettre et
nous l'examinons plus longuement. La crinière d'autrefois tombée, reste un crâne aux protubérances violentes, marqué d'accents, de méplats, presque de
trous et de bosses, pareil à une boule de glaise tourmentés par les coups de pouce d'un sculpteur enfant, d'un sauvage qui aurait taillé dans la masse
avec une serpe. Ce n'est point le crâne plat, acras, d'un dement ou d'une brute, mais il manque aux lignes l'harmonie sereine où Lavater reconnaît la
puissance créatrice et la conception supérieure du beau. Et l'idée me vient qu'elle ressemble à l'art compliqué, manière de Wilde, cette tête de Wilde,
avec ses vallons et ses volcans, son dessin paradoxal, son ensemble sans physionomie, ses ondulations qui semblent évoquer une intellectualité trouble,
son manque de forme. Quelle apparence, quel déguisement dans l'opulente chevelure flottante d'autrefois!
Sans doute il y a dans la casquette que le condamné secoue sur sa main un pli, une poussière qui le gêne, car il tarde à la remettre et
nous l’examinons plus longuement. La crinière d’autrefois tombée, reste un crâne aux protubérances violentes, marqué d’accents, de méplats, presque de
trous et de bosses, pareil à une boule de glaise tourmentée par les coups de pouce d’un sculpteur enfant, d’un sauvage qui aurait taillé dans la masse
avec une serpe. Ce n'est point le crâne plat, écrasé, d'un dément ou d'une brute, mais il manque aux lignes l’harmonie sereine où Lavater reconnaît la
puissance créatrice et la conception supérieure du beau. Et l’idée me vient qu’elle ressemble à l’art compliqué, maniéré de Wilde, cette tête de Wilde,
avec ses vallons et ses volcans, son dessin paradoxal, son ensemble sans physionomie, ses ondulations qui semblent évoquer une intellectualité trouble,
son manque de forme. Quelle apparence, quel déguisement dans l’opulente chevelure flottante d’autrefois !
Le condamné maintenant se promène d'abord d'un pas brusque, d'une allure rapide, en vue d'un exercice; puis lentement encore. Il y a là
une mince ligne d'ombre sous le mur, dans cette ombre un banc. Wilde s'y assied. Ses mouvements sont d'un homme qui se croit seul, se gratte la tête, se
cure le nez. Puis il s'adosse, croise les bras sur sa poitrine, renverse contre le mur sa tête décolorée. Et il s'endort. Nous en doutons un moment Non.
C'est bien l'inconscient sommeil, fait de lassitude, d'oubli, peut-être de rêve, qui s'est appesanti sans heurt sur ce front déshonoré et qui le berce
doucement. Une respiration régulière soulève cette poitrine où tant de sanglots ont passé. Pauvre diable!
Le condamné maintenant se promène, d’abord d’un pas brusque, d’une allure rapide, en vue d'un exercice; puis lentement, plus lentement
encore. Il y a là une mince ligne d’ombre sous le mur, dans cette ombre un banc. Wilde s’y assied. Ses mouvements sont d’un homme qui se croit seul, se
gratte la tête, se cure le nez. Puis il s’adosse, croise les bras sur sa poitrine, renverse contre le mur sa tête décolorée. Et il s’endort. Nous en
doutons un moment. Non. C'est bien l'inconscient sommeil, fait de lassitude, d’oubli, peut-être de rêve, qui s’est appesanti sans heurt sur ce front
déshonoré et qui le berce doucement. Une respiration régulière soulève cette poitrine où tant de sanglots ont passé. Pauvre diable !
On nous emmène. Aussi bien plusieurs d'entre nous ont déjà quitté leur poste d'observation derrière la fenêtre grillée, tant ce spectacle
nous étreint. Pensez done! L'homme qui ronfle là dans ce coin de prison, vêtu de la livrés des galériens, docile aux coups de sifflet, était, il y a moins
de trois mois, un des heureux de Londres. Si répugnante que soit le taré qui l'a amené là, on ne peut s'empêcher de songer que, partout ailleurs qu'en
Angleterre, il aurait achevé déjà la moitié de sa peine, sinon toute sa peine, et que la flétrissure suffisait.
On nous emmène. Aussi bien plusieurs d’entre nous ont déjà quitté leur poste d’observation derrière la fenêtre grillée, tant ce
spectacle nous étreint. Pensez donc ! L’homme qui ronfle là dans ce coin de prison, vêtu de la livrée des galériens, docile aux coups de sifflet, était,
il y a moins de trois mois, un des heureux de Londres. Si répugnante que soit la tare qui l’a amené là, cm ne peut s’empêcher de songer que, partout
ailleurs qu’en Angleterre, il aurait achevé déjà la moitié de sa peine, sinon toute sa peine, et que la flétrissure suffisait.
Enfin, comme disent les bonnes gens, l'important, c'est qu'il se porte bien.
Enfin, comme disent les bonnes gens, l’important, c’est qu’il se porte bien.