Previous report L’Autorité - Thursday, November 14, 1895
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POUR L'ART?

Aujourd’hui, « l’Art » a bon dos, et l’on se gêne de moins en moins pour mettre à son compte beaucoup de choses qui devraient s'appeler d’un autre nom.

On annonce, par exemple, qu’un groupe de littérateurs a pris l’initiative d’une pétition à la reine d’Angleterre, pour obtenir la grâce d’Oscar Wilde, ce littérateur anglais de mœurs monstrueuses qui expie, dans les supplices du hard labour, les débauches contre nature qui lui ont valu sa condamnation.

Que la torture moyen-âgeuse, renouvelée dans les lois anglaises sous la forme du hard labour, nous révolte, c’est bien naturel dans ce pays de France, où le roi qui abolit la torture a été guillotiné et où, d’ailleurs, on ne torture plus que les soldats dans le cas du malheureux Chédel.

Ce n’est pourtant pas une raison pour que notre littérature, si dévoyée qu’elle soit, s’intéresse avec une ardeur aussi exclusive au sort de l’abject Oscar Wilde. Il nous parait difficile d’admettre avec M. Montorgueil — qui, modestement, qualifie « d’écarts sensuels » les vices sodomiques de « l’esthète » anglais, — que les « intellectuels » d’ici puissent ressentir la moindre solidarité avec lui, et encore moins le revendiquer comme « l’un des leurs ». L’intervention dont on parle ne signifierait, cependant, pas autre chose.

« Elle soulignera l’infamie commise et, au tribunal des honnêtes gens, traînera cette justice qui, hypocrite et implacable, l’ait au bon sens faillite. »

Ainsi s’exprime M. Montorgueil.

Cela est dit en un style compliqué d’inversions et d’interversions — telles qu’en sous-entend, du reste, un pareil sujet. Heureusement pour la littérature française, que ses représentants les plus qualifiés ne manifestent aucun enthousiasme pour l’initiative de jeunes gens évidemment « aberrés », puisqu’ils en viennent à confondre l’Esthétique avec celle d’Oscar Wilde.

M. Alphonse Daudet trouve le personnage tellement « répugnant » qu’il « désarme la pitié ».

Pour M. Sardou, « c’est une bouc immonde ». M. Maurice Barrés se barricade dans son Moi.

M. Zola n’était pas chez lui et n’a pu répondre au reporter du Matin, ce qui veut dire, espérons-le, qu’il se récuse.

Mais on pense que pour M. Catulle Mendès et quelques autres, cela ne fera pas un pli.

Nous en sommes là sous prétexte d’Art pur ! Rome décadente avait, pour les dégénérés honteux de l’espèce d’Oscar Wilde, l’indulgence souriante que leur accorde une littérature non moins décadente et non moins putride.

Ah ! si nos hommes de lettres et nos poètes, petits ou grands, veulent à toute force user de ce droit de pétition, dont il conviendrait pourtant de ne pas abuser, il y a, certes, dans les geôles d’Angleterre et même de France, d’autres condamnés plus dignes de pitié et de clémence. Il y a des écrivains, des artistes, des poètes qui, dans le malheur, n’ont pas cessé de mériter de l’Art et de l’Humanité.

Et, même, dans ordre d’idées tout différent, ces pauvres ouvrières en allumettes que l’Etat impassible abandonne au martyre de la nécrose, voilà-t-il pas, entre autres, un plus noble sujet de s'apitoyer !

Quant à cet Oscar Wilde, fleur de putréfaction poussée sur un fumier étranger, laissons-le à l’Angleterre à laquelle il appartient par […], par son opprobre et par son châtiment.

André de […].

FOR ART?

Today, "Art" has a good back, and we are less and less embarrassed to attribute to it many things that should be called by another name.

It is announced, for example, that a group of writers has taken the initiative of a petition to the Queen of England, to obtain the pardon of Oscar Wilde, this English writer of monstrous morals who expiates, in the tortures of hard labour, the unnatural debauchery that earned him his condemnation.

That medieval torture, renewed in English laws in the form of hard labour, revolts us, it is quite natural in this country of France, where the king who abolished torture was guillotined and where, moreover, only the soldiers are now tortured in the case of the unfortunate Chédel.

However, this is not a reason why our literature, however misguided it may be, is interested with such exclusive ardor in the fate of the abject Oscar Wilde. It seems difficult to us to agree with M. Montorgueil — who, modestly, qualifies as "sensual deviations" the sodomic vices of the English "aesthete" — that the "intellectuals" here can feel the slightest solidarity with him. , much less claim it as "one of their own". The intervention of which we speak would mean, however, nothing else.

“She will underline the infamy committed and, in the court of honest people, will drag this justice which, hypocritical and implacable, has in good sense bankrupt her. »

This is how M. Montorgueil expresses himself.

It is said in a complicated style of inversions and inversions—such as, moreover, such a subject implies. Fortunately for French literature, its most qualified representatives show no enthusiasm for the initiative of young people obviously "aberrated", since they come to confuse Aesthetics with that of Oscar Wilde.

Mr. Alphonse Daudet finds the character so “repulsive” that he “disarms pity”.

For Mr. Sardou, "it's a filthy goat". M. Maurice Barrés barricades himself in his Ego.

Mr. Zola was not at home and could not respond to the reporter for Le Matin, which means, hopefully, that he recuses himself.

But we think that for Mr. Catulle Mendès and a few others, this will not be a crease.

We are there under the pretext of pure Art! Decadent Rome had, for the shameful degenerates of the species of Oscar Wilde, the smiling indulgence granted to them by a literature no less decadent and no less putrid.

Ah! If our men of letters and our poets, young or old, insist on making use of this right of petition, which should not be abused, there is certainly, in the jails of England and even of France, other condemned more deserving of pity and clemency. There are writers, artists, poets who, in misfortune, have not ceased to deserve Art and Humanity.

And even, in a completely different order of ideas, these poor matchstick workers whom the impassive State abandons to the martyrdom of necrosis, is there not, among other things, a nobler cause for self-pity!

As for this Oscar Wilde, flower of putrefaction growing on a foreign manure, let us leave him to England to which he belongs by […], by his opprobrium and by his punishment.

Andrew from […].

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