NOTES & CROQUIS
LE HARD-LABOUR

Puisque tous, en France, nous avons suivi, comme s'il s'était agi d'une actualité parisienne, les détails de cette triste affaire Wilde, sur laquelle il eût peut-être été bienséant de ne pas tant s'étendre, il me sera bien permis de donner mon sentiment sur la peine encourue par le trop ardent apôtre de la pédophilie en Angleterre.

Pour un crime, qui n'en est pas un partout, qui n'est même considéré comme crime que dans un nombre de pays très restreint, le trop célèbre écrivain d'outre- Manche, condamné à deux ans de hard- labour (travail forcé) va être assujetti à la plus épouvantable des tortures que la loi d'un peuple hypocrite puisse infliger à un être que, personnellement, j'eusse plutôt déféré à la science pour qu'elle étudiât la désolante déviation de nature dont il offre l'exemple.

A cet égard, M. Formentin, dans un grand journal, nous a fourni des renseignements qu'on ne peut pas lire sans un frisson d'épouvante et sans éprouver aussi une satisfaction pour la douceur des pénalités qui correspondent en France à la même faute.

Est-ce donc que nous sommes infiniment plus corrompus que nos voisins et que cette corruption seule explique notre indulgence? Nullement. Les Anglais ont un stock de hontes, pour le moins aussi volumineux que le nôtre et leurs scandales périodiques, pourtant étouffér, disent assez de quelle gangrène ils sont atteints. Mais pénétrés par une philosophie plus haute, qui n'emprunte rien aux vagues enseignements de la Bibie et aux atrocités dont elle fourmille, nous en sommes venus à établir une distinction entre les forfaits contre la vie, la propriété, et ceux qui déshonorent les individus sans porter atteinte à la société tout entière.

Rougissant des supplices que le Moyen-âge inventa pour frapper l'hérésie religieuse et les ayant vu supprimer par le souffle civilisateur de la Révolution, nous ne supporterions pas que les hérésies sexuelles, uniquement préjudiciables à ceux qui les perpètrent, fussent soumises à une rigueur impropre, au surplus, à en atténuer la multiplicité.

Au moraliste de comparer, en cela, la France avec l'Allemagne et surtout l'Angletetre où, en dépit des assertions les plus effrontées, le vice le plus hideux s'étend, lèpre sociale, sur un peuple gouverne par le piétisme protestant.

Voilà donc, soumis à un traitement digne de la férocité punique, un homme devant le talent de qui, naguère, ses compatriotes s'inclinaient. Que la nécessité se soit imposée de faire un exemple dans un pays où pullulent ses imitateurs, soit. Mais de son procès ne resulte-t-il pas clairement qu'il n'était pas seul coupable et que les juges, mettant hors cause les répugnants mercenaires de son plaisir, ont tout fait pour empêcher les divulgations de certaines lettres qui eussent associé à sa flétrissure de très hauts personnages dont il convenait que les noms restassent ignorés?

Si les Anglais se contentent de cette justice plus que boîteuse et s'ils croient que tous leurs péchés entassés sur la tête d'un bouc émissaire s'effaceront pour ne laisser que celui-ci couvert d'iniquités, ils se trompent autant que pouvaient se tromper les anciens Juifs se livrant par un rituel naïf à la lessive de toutes leurs vilenies.

Tous les jugements que rendront leurs magistrats plus archaïquement affublés encore que les nôtres n'empêcheront pas que les observateurs dégagés ne fassent leurs réflexions.

L'Angleterre, ayant la prétention d'être la nation civilisatrice par excellence — et la preuve, c'est qu'elle étaye sa rapacité territoriale sur le devoir de convertir les « sauvages » au culte hybride que lui fabriqua un monstre royal pour sa commodité personuelle — devrait pour le moins commencer par elle même, et puis-qu'elle a subi des monarques dont Oscar Wilde n'a fait, en définitive que suivre les traces; puisqu'elle possède une aristociatie où, très titrées, ne se comptent plus les familles Alphonse du Gros-Caillou; m'est avis qu'elle devrait laver avec moins d'ostention le petit peu de linge sale qu'elle choisit dans son immense pourriture.

Elle devrait en outre, car elle a des savants aliénistes et pathologistes qui ont étudié toutes les formes de la vésanie, se dire que les déformations cérébrales telles que l'ami des jeunes lords en ordre l'échantillon, réclament bien plus des soins spéciaux que l'épouvantable torture du hard-labour dont la description ferait frémir un tortionnaire chinois.

Elle devrait enfin, si elle n'était pas la synthèse collective de la froide cruauté, abolir cette torture même, page infâme de son Code, ignonomie le plus ignominieuse que les misérables astreints à la subir.

Et penser que ce sont ces pudiques bourreaux qui poussèrent des cris d'orfraies à propos du Knout moscovité ! Mais, Tartuffes, vous en faites bien autrement usage, et avec cette aggravation que vous jouez aux pionniers du progrès et basez votre gloutonnerie des richesses et des contrées prodactives sur une réputation d'émancipateurs !

Il m'est particulièrement doux de déchirer vos masques et de montrer, en regard de vos prescriptions gothiques à propos d'eriements dont vous êtes aussi coutumiersque les Romains d'Héliogabale, notre sévérité plus humaine, plus hautaine, plus décente, et qui n'emprunte rien, pour la répression, au souvenir des ergastules de Carthage.

Que vous mettiez un frein à la décadence des mœurs, je le comprends, encore que cela soit bien difficile en un pays où la fortune des oisifs met à leurs pieds la fierté des besoignoux. Mais, pour donner le change sur votre austérité toute en façade, substituer la chiourme à la médecine, la barbarie au chàtiment moral, le râle quotidien d'un homme à son isolement, je vous le dis, c'est tout uniment abominable.

Qu'on le vienne donc plus, par grâce, nous parler de la dignité britannique. Nous savons de quelles conventions elle est faite, sur quelles fictions elle repose. Quand même l'Angleterre emplirait ses prisons de tous les Wilde qu'elle abrite, elle n'en resterait pas moins la terre classique du conservatisme déprimant, de l'égoisme et de l'ivrognerie, autre fleur largement épanouie de sa vertu nationale.

Ce sent là chancres dont elle n'est pas près de se débarrasser en dépit des airs effarouchés qu'elle sait prendre. Par conséquent, ne nous étonnons pas trop si nous la voyons, entre deux prêches, [...] retomber sur un demi-fou les turpitudes pont elle pourrait demander compte à tant d'autres et travestir en malfaiteur public ce névrosé qu'il eût été préférable et plus naturel assurément de soumettre au régime des douches.

Il n'est que les vieilles drôlesses pour se donner les dehors du rigorisme. Albion a tant à se faire pardonner, qu'elle peut bien user de ce stratagème. N'empêche que la dévotieuse matrone, pour se concilier le respect de l'univers - à la condition qu'il ferme les yeux — donne en ce a, comme en toutes choses, un crocen jambe aux principes les plus élémentaires de la répression.

Lisez Beccazia, messieurs les Anglais, il vous enseignera comme quoi les peines doivent être proportionnées aux délits et vous apprendra, ô cafards, que l'état d'avancement d'une société se lit dans la magnanimité de sa justice.

NOTES & SKETCHES
HARD TILLAGE

Since all of us in France have followed, as if it were a matter of Parisian news, the details of this sad Wilde affair, on which it would perhaps have been proper not to dwell so much, it I will be allowed to give my opinion on the penalty incurred by the too ardent apostle of pedophilia in England.

For a crime, which is not one everywhere, which is even considered a crime only in a very limited number of countries, the too famous writer from across the Channel, sentenced to two years of hard labor (labor forced) will be subjected to the most appalling of tortures that the law of a hypocritical people can inflict on a being whom, personally, I would rather have referred to science so that it could study the distressing deviation of nature of which it offers the 'example.

In this respect, M. Formentin, in a large newspaper, has furnished us with information which one cannot read without a shudder of terror and without also experiencing satisfaction for the mildness of the penalties which correspond in France to the same fault. .

Are we therefore infinitely more corrupt than our neighbors and does this corruption alone explain our indulgence? Not at all. The English have a store of shame, at least as voluminous as ours, and their periodic scandals, however hushed up, say enough of what gangrene they are suffering from. But penetrated by a higher philosophy, which borrows nothing from the vague teachings of Bibia and the atrocities with which it teems, we have come to establish a distinction between crimes against life, property, and those which dishonor individuals. without harming society as a whole.

Blushing at the tortures that the Middle Ages invented to strike down religious heresy and having seen them suppressed by the civilizing breath of the Revolution, we could not bear that sexual heresies, only harmful to those who perpetrate them, were subjected to a rigor unsuitable, moreover, to attenuate its multiplicity.

It is up to the moralist to compare, in this, France with Germany and especially England where, in spite of the most brazen assertions, the most hideous vice extends, social leprosy, over a people governed by Protestant pietism.

Here then, subjected to a treatment worthy of Punic ferocity, is a man before whose talent his compatriots once bowed. That the need has imposed itself to make an example in a country where its imitators abound, so be it. But is it not clear from his trial that he was not the only culprit and that the judges, exonerating the disgusting mercenaries of his pleasure, did everything to prevent the disclosure of certain letters which would have associated him with its branding of very high personages whose names should remain unknown?

If the English are satisfied with this more than lame justice and if they believe that all their sins piled on the head of a scapegoat will be erased to leave only this one covered with iniquities, they are mistaken as much as could be. to be mistaken the ancient Jews giving themselves up by a naive ritual to the laundry of all their villainies.

All the judgments rendered by their magistrates, even more archaically decked out than ours, will not prevent free observers from making their reflections.

England, claiming to be the civilizing nation par excellence—and the proof is that she bases her territorial rapacity on the duty of converting the "savages" to the hybrid cult fabricated for her by a royal monster for her personal convenience—should at the very least begin with herself, and since she suffered from monarchs of whom Oscar Wilde ultimately only followed in the footsteps; since it has an aristocracy where, very titled, the Alphonse du Gros-Caillou families are countless; I think she should wash with less ostentation the little bit of dirty laundry she chooses from her immense rottenness.

She should also, for she has alien scientists and pathologists who have studied all forms of vesania, tell herself that brain deformities such as the friend of the young lords in order the sample, require much more special care than the appalling torture of hard labor whose description would make a Chinese torturer shudder.

It should finally, if it were not the collective synthesis of cold cruelty, abolish this very torture, infamous page of its Code, the most ignominious ignorance that the wretches compelled to submit to it.

And to think that it was these modest executioners who uttered the cries of orfries about the Muscovite Knout! But, Tartuffes, you make very different use of it, and with this aggravation that you play at being the pioneers of progress and base your gluttony of wealth and productive lands on a reputation of emancipators!

It is particularly sweet for me to tear your masks and to show, compared to your gothic prescriptions concerning things to which you are as accustomed as the Romans of Heliogabalus, our more human, more haughty, more decent severity, and which does not I borrow nothing, for repression, from the memory of the ergastulas of Carthage.

That you put a check on the decadence of morals, I understand, although it is very difficult in a country where the fortune of the idle lays the pride of the needy at their feet. But, to deceive your austerity all in front, to substitute surgery for medicine, barbarism for moral chastisement, the daily death rattle of a man for his isolation, I tell you, it is quite simply abominable.

So please don't let anyone come over to talk to us about British dignity. We know what conventions it is made of, what fictions it rests on. Even if England were to fill her prisons with all the Wildes she harbored, she would still remain the classic land of depressing conservatism, selfishness and drunkenness, another widely blooming flower of her national virtue.

It smells there cankers which she is not about to get rid of in spite of the frightened airs which she knows how to take. Consequently, let us not be too surprised if we see her, between two sermons, [...] fall back on a half-madman the turpitudes bridge she could call so many others to account and disguise as a public criminal this neurotic whom he would certainly have been preferable and more natural to submit to the shower regime.

It's only the old rascals who put on the exterior of rigorism. Albion has so much to be forgiven that she can use this stratagem well. All the same, the devout matron, in order to conciliate the respect of the universe—on the condition that he closes his eyes—gives in this a, as in all things, a crocen leg to the most elementary principles of repression.

Read Beccazia, gentlemen of the English, it will teach you how the penalties must be proportionate to the offenses and will teach you, oh cockroaches, that the progress of a society can be read in the magnanimity of its justice.

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