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Next report Le Progrès de la Côte D'Or - Saturday, April 20, 1895

DIJON, 9 AVRIL 1895
SHOCKING!

Aôh ! vô connaissez le pioutite aventure que hâvait eû ce old Oscar Wilde?

— ...

— Shocking ! Médéme,

— ...

— Ce n'empéchait pas le Engleterre de rester le natcheune chaste par excellence et le France d’être tôjo le pioussance dévergondée.

— Indeed.

... Au physique. Oscar Wilde est gras et rose ; il a les joues poupines, les yeux à fleur de tête. Son allure a je ne sais quoi d’étrange et d’efféminé. On lui appliquerait fort proprement l’épithète de girondin, en en retranchant les deux dernières lettres. Et d'un mot encore, quoique Anglais, c'est un Auvergnat, car, à première vue, n'étaient les vêtements qu'il porte, on aurait bien de la peine à dire si c’est un homme ou une femme qu’on a devant soi.

Autrement, Oscar Wilde est un écrivain fort connu de l’autre côté du détroit. Des théâtres jouent ses pièces. Les journaux publient ses feuilletons. Des romans qui ne manquent pas d’une germinesque bizarrerie, puisque l’un d’eux, le plus fameux, décrit l’état d’âme d’un homme qui « adore avec folie, avec extravagance, absurdement » un jeune homme d'une beauté merveilleuse.

Malheureusement pour lui, notre old Oscar Wilde n’a pas fait que donner aux théâtres des pièces à jouer et fournir de la copie aux journaux folichons. Il ne s’est pas contenté de confier au papier ses idées légèrement saphiques, il a voulu les mettre en pratique. Il a voulu jouer dans la vie le rôle de ses héros, et c'est ce qui l’a perdu.

Le digne homme, depuis très longtemps déjà, recherchait la compagnie des jeunes gens. Il préférait, naturellement, ceux qu’il trouvait de l’abord le plus avenant et du physique le plus agréable. Il était pour eux plein d’attentions ët de gentillesses. Il leur tendait une main généralement bien garnie, leur ouvrait des bras hospitaliers, le tout suivant la maxime célèbre de la Bible : « Laissez venir à moi les petits télégraphistes. »

Oscar Wilde allait, d'ordinaire, dans les lieux où fréquente le monde fêtard, entouré d’une jeunesse frétillante, pimpante et soigneusement frisée. Il s’asseyait avec ses petits amis du jour dans les bars en renom. Il leur offrait des fins dîners en cabinet particulier, les menait au spectacle dans sa loge. Pour, le soir, après une enivrante journée de plaisir, leur faire chanter le grand air de Sigurd : « O Wilda, vierge au pâle sourire... etc. »

Du reste, Oscar était généreux : l'argent coulait entre ses doigts. Il donne, d’un coup, plus de trois cents francs, à un jeune employé de librairie. Il habille des pieds â la tête un idéal petit vagabond qui portait le nom poétique et comme prédestiné de Alfonso Conwel. Combien sont moins prodigues avec tant de belles petites qui ne demanderaient qu'à se faire payer des complets à 25 francs 50 !

Encore une attention délicate de l’old brave homme. Après chacun de ses soupers, il donnait à son jeune et sympathique convive un porte-cigarettes en argent, d’une façon rare et tout guilloché, en plein métal, de rosettes symboliques.

En résumé, Oscar Wilde était, de toute l’Angleterre, le plus fameux... Le terme est formé de deux mots grecs qui ont causé, dans l'antiquité, une peine mortelle au sage Socrate.

Et tout porte à croire qu’Oscar aurait exercé longtemps un métier si ouvertement toléré dans la pudique Albion, s'il n’avait eu la malencontreuse idée de porter ses vues sur le fils d’un des plus grands seigneurs d’Angleterre, un ami du prince de Galles, s’il vous plaît !

Il se lia d’amitié avec le jeune lord Douglas, fils de milord le marquis de Queensberry. Il en fit son intime, son alter ego, son ombre, son frère Siamois. Il y eut entre les deux hommes un échange de lettres édifiantes. « Il est merveilleux, écrit Oscar à son petit ami, que vos lèvres rouges, semblables à des feuilles de roses, soient aussi bien faites pour la musique du chant que pour la folie du baiser. »...!!

Ce doux commerce, vous pensez bien, n’était pas pour plaire au papa Queensberry. Il fit du tapage, menaça Oscar d’une boxe en règle, et finalement envoya au cercle du personnage une lettre ouverte qui n’était pas dans un sac, comme dit l’autre.

Il ne borna même pas sa fureur épistolaire. Il écrivit à tous des horreurs sur le compte d’Oscar. Et une de ses lettres se termine par cette phrase qui vaut seule un long poème : « Oscar Wilde a montré qu’il était le dernier de ces misérables du type de lord Rosebery ». Lord Rosebery est tout simplement le premier ministre de sa Gracieuse Majesté : Quel coup pour la fanfare anglaise !

Vous savez le reste. Oscar fit un téméraire procès en diffamation au marquis. Si téméraire, que le marquis administra la preuve de ses accusations infamantes et qu’Oscar, de plaignant, devint accusé. Il a été arrêté et jugé immédiatement.

Le procès du misérable est en cours. Il soulève les révélations les plus révoltantes et produit le plus scandaleux tapage. On parle d’arrestations sensationnelles.

La haute aristocratie est vivement touchée. Et tout Albion se voile la face.

— Aôh ! shocking, médème !

... Mais c"est égal, dites donc, on n'a pas idée de cela dans nos provinces dévergondées, même à Cîteaux.

Henry Maigne.

DIJON, APRIL 9, 1895
SHOCKING!

Aoh! Do you know the little adventure that old Oscar Wilde had?

— ...

- Shocking! Medeme,

— ...

— This did not prevent England from remaining the chaste country par excellence and France from being tojo the wanton piousness.

— Indeed.

...to the physical. Oscar Wilde is fat and rosy; he has chubby cheeks, eyes protruding from his head. Her look has something strange and effeminate about her. We would very properly apply the epithet of Girondin to him, by subtracting the last two letters. And with one more word, although English, he is an Auvergnat, for, at first sight, were it not for the clothes he wears, it would be very difficult to tell whether he is a man or a woman we have before us.

Otherwise, Oscar Wilde is a well-known writer on the other side of the strait. Theaters perform his plays. The newspapers publish its serials. Novels which are not lacking in germ-like oddity, since one of them, the most famous, describes the state of mind of a man who "adores madly, extravagantly, absurdly" a young man of marvelous beauty.

Unfortunately for him, our old Oscar Wilde didn't just give plays to theaters and copy to folichon newspapers. He was not content to entrust his slightly Sapphic ideas to paper, he wanted to put them into practice. He wanted to play the role of his heroes in life, and that's what ruined him.

The worthy man, for a very long time already, sought the company of young people. Naturally, he preferred those whom he found to be the most pleasant at first glance and the most pleasant in appearance. He was full of attention and kindness for them. He held out to them a generally well-endowed hand, opened hospitable arms to them, all according to the famous maxim of the Bible: "Let the little telegraphers come to me." »

Oscar Wilde usually went to the places frequented by the partying world, surrounded by a bustling, dashing and carefully curly haired youth. He would sit with his boyfriends of the day in high-profile bars. He offered them fine dinners in a private room, took them to the show in his dressing room. In order, in the evening, after an intoxicating day of pleasure, to make them sing the grand aria of Sigurd: "O Wilda, virgin with a pale smile...etc." »

Besides, Oscar was generous: the money flowed through his fingers. He gives, all of a sudden, more than three hundred francs to a young bookstore clerk. He dresses from head to toe an ideal little wanderer who bore the poetic and as it were predestined name of Alfonso Conwel. How many are less prodigal with so many beautiful little girls who would only ask to be paid for suits at 25 francs 50!

Another delicate attention from the old brave man. After each of his suppers, he gave his young and friendly guest a silver cigarette case, in a rare fashion and entirely guilloché, in full metal, with symbolic rosettes.

In short, Oscar Wilde was the most famous of all England... The term is formed from two Greek words which, in antiquity, caused mortal punishment to the wise Socrates.

And everything leads us to believe that Oscar would have exercised for a long time a profession so openly tolerated in modest Albion, if he had not had the unfortunate idea of carrying his sights on the son of one of the greatest lords of England, a friend of the Prince of Wales, please!

He befriended the young Lord Douglas, son of my Lord the Marquess of Queensberry. He made him his close friend, his alter ego, his shadow, his Siamese brother. There was an exchange of edifying letters between the two men. "It is marvelous," wrote Oscar to his boyfriend, "that your red lips, like the leaves of roses, are as well made for the music of singing as for the madness of kissing." »...!!

This sweet trade, you can well imagine, was not to please Papa Queensberry. He made a fuss, threatened Oscar with a proper boxing, and finally sent the character's circle an open letter which was not in a bag, as the other says.

He did not even restrain his epistolary fury. He wrote horrible things to everyone on Oscar's account. And one of his letters ends with this sentence which alone is worth a long poem: "Oscar Wilde has shown that he was the last of those wretches of the type of Lord Rosebery." Lord Rosebery is simply His Gracious Majesty's Prime Minister: What a blow to the English fanfare!

You know the rest. Oscar sued the Marquis for libel. So reckless that the marquis gave proof of his infamous accusations and that Oscar, from plaintiff, became accused. He was arrested and tried immediately.

The wretch's trial is underway. It raises the most revolting revelations and produces the most scandalous uproar. We are talking about sensational arrests.

The high aristocracy is deeply affected. And all Albion hides its face.

— Aoh! shocking, jerk!

... But it's all the same, say so, we have no idea of that in our wanton provinces, even in Cîteaux.

Henry Maigne.

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