Previous report Le Quotidien illustré - Tuesday, May 28, 1895
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Oscar Wilde
Au Moulin de discipline

Après avoir inspiré une horreure universelle, Oscar Wilde, le poète anglais au cerveau déséquilibré par le sadisme, l'auteur abhorré des femmes dont le sexe lui répugnait, Oscar Wilde, dis-je, est devenu un objet de pitié pour tous ceux qui connaisent l'horrible torture à laquelle il est soumis.

Notre collaborateur Louis Sabattier s'est rendu en Angleterre où il a pu, grâce à de haute recommendations, visiter un prison et assister au supplice inflige aux forçats. Le dessin représenté en première page est d'une saisante réalité.

Il donne en plus une idée exacte du travail auquel est astreint maintenant l'homme aux instinct antiphysiques, habitué naguère à vivre dans la soie et le velours.

Les Anglais désignent par le dénomination de « hard labour » ce que nous appelons en France les travaux forcés. Voici en quoi consiste cette peine faisant peu d'honneur à un peuple qui se flatte d'un excès de civilisation.

Après la condamnation, le condamné est dirigé sur une prison où il revet aussitôt la livrée des « Convicts », un pantalon et une veste d'étoffe variant suivant la saison et marquée de trèfles depuis les pieds jusqu'a la tête. Une cellule leur est attribuée et ils n ont pour toute nourriture qu'une livre de viande par semaine et de la soupe maigre dans laquelle nagent quelques coûtes de pain. Le prisonnier couche en toute saison sur un lit de camp sans matelas et avec une seule couverture. Jamais ils ne voient de co-détenus. Après le bain de propreté un gardien les conduit vers le « tread mill » roue gigantesque dont le rayons atteignent quatre mêtres et dont la circonférence est divisée en palettes et qu'ils sont tenus d'actionner. Cette roue distribue la force motrice aux divers ateliers de la prison.

Le détenu se suspend de ses mains à deux anneaux ballotant au-dessus de sa tête, et c'est à ce moment qu'il doit peser de tout son poids avec les pieds sur les palettes qui défilent.

S'il hésite, le gardien, armé d'un fouet, le frappe à coups redoublés; s'il s'arrête, la roue dans son mouvement continu l'atteint rudement aux pieds ou plus souvent lui casse une jambe.

La fatigue résultant du tread mill est si accablante que le prisonnier n'y est astreint que trois heures pendant la journée. Le reste du temps, il doit effilocher de vieux cordages marins, dont la poix arrache l'épiderme. Le sang coule, qu'importe! il faut continuer ou « le chat a neuf queues » s'abat sur les épaules. Le murailles très épaisses ne laissent point les cris percer au dehors. Les plaies sont ensuite cicatrisées ou cautérisées.

A ce supplice physique s'ajoute la torture morale. Le détenu est pour ainsi dire rayé du nombre des vivants. Il ne peut correspondre avec personne pendant les trois premiers mois de sa peine. Pendant les trois mois suivants, il ne peut recevoir aucune visite. S'il meurt, tant pis, la famille n'est même pas avertie!

Les peuples primitifs, les sauvages, n'ont point de moeurs plus barbares et de tels actes de cruauté déshonorent une nation.

Dites-moi un peu, franchement, si la pudique Albion ne force pas la conscience publique à se révolter.

Oscar Wilde
At the Mill of Discipline

After having inspired a universal horror, Oscar Wilde, the English poet with the brain unbalanced by sadism, the abhorred author of the women whose sex was repugnant to him, Oscar Wilde, say I, became an object of pity for all those who know the horrible torture to which he is subjected.

Our collaborator Louis Sabattier went to England where he was able, thanks to high recommendations, to visit a prison and witness the torture inflicted on convicts. The drawing represented on the first page is strikingly realistic.

It also gives an exact idea of the work to which the man with antiphysical instincts, formerly accustomed to living in silk and velvet, is now compelled.

The English designate by the denomination of "hard labour" what we call in France forced labor. Here is what this punishment consists of, doing little honor to a people who flatter themselves with an excess of civilization.

After the condemnation, the convict is directed to a prison where he immediately puts on the livery of the "Convicts", trousers and a jacket of fabric varying according to the season and marked with clover from the feet to the head. A cell is allotted to them, and their only food is a pound of meat a week and lean soup in which float a few costs of bread. The prisoner sleeps in all seasons on a camp bed without a mattress and with a single blanket. They never see fellow prisoners. After the bath of cleanliness a guard leads them towards the “tread mill” gigantic wheel whose radii reach four meters and whose circumference is divided into pallets and which they are held to operate. This wheel distributes the driving force to the various workshops of the prison.

The prisoner hangs with his hands from two rings swinging above his head, and it is at this moment that he must put all his weight with his feet on the passing pallets.

If he hesitates, the guard, armed with a whip, strikes him with redoubled blows; if he stops, the wheel in its continual movement hits him roughly on the feet or more often breaks his leg.

The fatigue resulting from the treadmill is so overwhelming that the prisoner is compelled to it only three hours during the day. The rest of the time, he has to fray old marine ropes, the pitch tearing the skin off. Blood flows, what does it matter! we must continue or "the cat has nine tails" falls on the shoulders. The very thick walls do not let the cries pierce outside. The wounds are then healed or cauterized.

To this physical torture is added moral torture. The prisoner is, so to speak, erased from the number of the living. He cannot correspond with anyone during the first three months of his sentence. For the next three months, he cannot receive any visitors. If he dies, too bad, the family is not even notified!

Primitive peoples, savages, have no more barbarous manners, and such acts of cruelty dishonor a nation.

Tell me a bit, frankly, if the modest Albion does not force the public conscience to revolt.

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