PASSÉ LE DÉTROIT
Le procès d’Oscar Wilde — Imitation de l’Esthète par un acteur du Palace-Théâtre — Moeurs anglaises — Oscar Wilde et la phrénologie

[…]

Autour du procès

Le procès Oscar Wilde ennuie beaucoup les Anglais.

Les procès multiples que nous avons eus, ces dernières années, ces jours-ci, les ont divertis énormément. Ils comprenaient mal, mais riaient ferme. L’aventure du […] productif de leurs auteurs dramatiques les contrarie, fait la balance, mais ils iront jusqu’au bout. Leur liberté enviable a ses revirements. On s’est demandé pourquoi Oscar Wilde n’avait pas fui en même temps que sir J. Clarke, membre du Parlement, abandonnait son action contre lord Queensberry. Ce n’eût pas été correct. Le cant le lui défendait.

Il est resté avec toute sa responsabilité devant la barre pour né pas froisser l’opinion et la respectabilily qu’il doit à la Cour de la reine. Et, certes, il lui en coûtera gros ; son crime est de ceux qui n’ont pas d’absolution, le verdict l’établira une fois de plus (1).

Mais les avis sur sa conduite pour son self-respect sont pour lui. Et, pourtant, les procédés ordinaires des scandales sensationnels ne lui sont pas ménagés. Tout s’exagère et se grossit par cette fièvre qui prend la foule et l'affole, comme chez nous. Mais, ici, le commerce, l’agent office, accapare surtout les bénéfices de l’affaire.

Coups de théâtre

Voici plusieurs coups de théâtre qui ont forcé la hausse, gradué l’intérêt, avivé l’attention. Les théâtres font concurrence aux music-hall, la brochure, le placard camelot, aux journaux illustrés et à éditions variées.

J’ai assisté mardi au Palace Théâtre à une représentation où Oscar Wilde a été copié, parodié, exhibé dois-je dire pour bien traduire l’impression pénible de la charge, par un comédien, M. Edwire Barwick.

La salle était […], tout habit noir et luxueux décolleté. L’acteur avait du talent, connaissait bien son sujet. Et il a été applaudi d’enthousiasme du parterre aux galeries.

Ainsi on a pu montrer sur une scène les tics, imiter la voix, les gestes, les allures, — oui les allures.—de M. Oscac Wilde. Cet auteur, que ce même public a écouté et applaudi sur ses meilleurs théâtres, est livré à la risée vilaine d’une exhibition. Sans fausse honte, je dois avouer que le contraste est trop sanglant et sans réserve. Je sais que les défauts de Wilde sont des infirmités et que toutes les infirmités ne doivent être excusables, mais l’Angleterre comprend bien étrangement les lois de la pudeur.

Singulier pays, où les lavatories portent en toutes lettres : « Please, adjust your dresse before leaving», et où de telles choses prennent de semblables proportions.

Chez M. O’Dell

J’ai voulu avoir, après bien d’autres, l’opinion de M. O’Dell, célèbre phrénologie de la Cité, sur le cas de M. Oscar Wilde.

C’est une longue traduction à faire. Je ne peux même pas la résumer.

M. O’Dell m'a confié une réduction spéciale du dessin de la tête de M. Wilde. Ce dessin est apposé en plusieurs endroits, explique et commente les facultés crâniennes.

M. O’Dell attribue « les défaillances de Wilde à un développement excessif de la partie postérieure de la cervelle, partie où se trouvent localisés les « animal instincts ». D’autre part, une excessive activité cérébrale aurait déterminé une sorte d’inflammation, cause des actes qu’un lui reproche et qui relèvent de la folie. Enfin, le développement de ses qualités d’artiste devait conduire Wilde à l’érotomanie. »

C’est une notice insignifiante. Je la donne pour le mot « défaillances », qui vient à point, puisque, hier soir, on annonçait l’arrestation de Lord Douglas et que les journaux promettent de prochaines révélations.

CLÉMENT ROCHEL.

PASS THE STRAIT
The trial of Oscar Wilde — Imitation of the Esthete by an actor of the Palace-Théâtre — English manners — Oscar Wilde and phrenology

[…]

About the trial

The Oscar Wilde trial bothers the English a lot.

The multiple lawsuits that we have had in recent years, these days, have entertained them enormously. They misunderstood, but laughed out loud. The adventure of the […] productive of their playwrights upsets them, makes the balance, but they will go until the end. Their enviable freedom has its twists and turns. It has been asked why Oscar Wilde did not flee at the same time that Sir J. Clarke, Member of Parliament, dropped his case against Lord Queensberry. It wouldn't have been right. The song forbade him.

He remained with all his responsibility before the bar so as not to offend public opinion and the respectability which he owes to the Queen's Court. And, certainly, it will cost him dearly; his crime is one of those who have no absolution, the verdict will establish it once more (1).

But the opinions on his conduct for his self-respect are for him. And yet, the ordinary procedures of sensational scandals are not spared him. Everything is exaggerated and swelled by this fever which seizes the crowd and drives it crazy, as with us. But here, commerce, the agent office, monopolizes above all the profits of the business.

Theatrical twists

Here are several theatrical twists that have forced the rise, graduated interest, heightened attention. The theaters compete with the music hall, the pamphlet, the closet camelot, the illustrated newspapers and various editions.

I attended a performance at the Palace Theater on Tuesday where Oscar Wilde was copied, parodied, exhibited, I must say, to convey the painful impression of the charge, by an actor, Mr. Edwire Barwick.

The room was […], all black and luxurious low-cut dress. The actor had talent, knew his subject well. And he was enthusiastically applauded from the floor to the galleries.

Thus we were able to show on a stage the mannerisms, imitate the voice, the gestures, the gaits—yes the gaits—of M. Oscac Wilde. This author, whom this same public has listened to and applauded in its best theaters, is delivered up to the ugly laughingstock of an exhibition. Without false shame, I must admit that the contrast is too bloody and unqualified. I know that Wilde's faults are infirmities and that not all infirmities should be excusable, but England strangely understands the laws of modesty.

Singular country, where lavatories carry in all letters: “Please, adjust your dresse before leaving”, and where such things take on similar proportions.

At Mr. O'Dell's

I wanted to have, after many others, the opinion of Mr. O'Dell, famous phrenologist of the City, on the case of Mr. Oscar Wilde.

It's a long translation to do. I can't even sum it up.

Mr. O'Dell entrusted me with a special reduction of the drawing of Mr. Wilde's head. This drawing is affixed in several places, explains and comments on the cranial faculties.

Mr. O'Dell attributes "Wilde's failings to an excessive development of the posterior part of the brain, the part where the 'animal instincts' are located." On the other hand, an excessive cerebral activity would have determined a kind of inflammation, cause of the acts which one reproaches him and which concern madness. Finally, the development of his artistic qualities was to lead Wilde to erotomania. »

It's an insignificant note. I give it for the word "deficiencies", which comes at the right time, since last night it was announced the arrest of Lord Douglas and the newspapers promise forthcoming revelations.

CLEMENT ROCHEL.

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