La Gazette de Guernesey - Saturday, May 4, 1895

Le procès définitif du poète Oscar Wilde s'est ouvert, Vendredi matin devant la Central Criminal Court. Le juge Charles avec ses assesseurs, assistés d'un jury, préside les débats. Alfred Taylor, l'ami, ou, si on veut, le complice d'Oscar Wilde, est à côté de lui au banc des prévenus. Oscar Wilde, qui a légèrement maigri en prison, a une attitude de parfaite indifférence, vraie ou affectée. Sir Edward Clarke, défenseur d'Oscar Wilde, soulève d'abord une question préjudicielle. Il invite le ministère public à spécifier, très exactement, la nature de l'accusation et le texte des lois pénales en vertu desquelles son client est poursuivi. La cour, après avoir entendu le ministère public, décide finalement que tous les chefs d'accusation seront compris dans celui de misdemeanour (inconduite). Les deux prévenus déclarent alors plaider non coupables. (On sait que d'après la loi anglaise, la pénalité est plus ou moins forte, selon que le prévenu a nié, en se déclarant non coupable, ou avoué, en plaidant coupable.) M. Gill, conseiller de la Reine, développe ensuite l'accusation au sujet des relations de Wilde et de Parker; il entre dans des détails que nous ne pouvons reproduire. Le témoin Charles Parker, une des "victimes" de Wilde, raconte qu'il a été mis par le prévenu Taylor, en rapport avec le poète. Ils dînèrent tous les trois au Savoy Hotel. De cet interrogatoire de Parker, plus fertile encore en détails nauséabonds que la déposition faite par ce même témoin devant le juge d'instruction, il résulte que les nommés Wood et Allan, entre les mains desquels étaient tombées les lettres de Wilde à lord Alfred Douglas et des preuves des relations du poètes avec d'autres individus, se sont fait payer leur science 400 livres sterling, (10,000 francs). On pourvoyait aux vices de l'auteur d'Un mari idéal et on les exploitait ensuite par le chantage. Le témoin Parker lui-même reconnaît avoir touché une part de l'argent. L'audience continue.

Au moment même où se plaidait à Londres cette lamentable affaire, lord Sholto Douglas qui est indirectement impliqué, on le sait, dans le procès faisait parler de lui de manière sensationnelle en Amérique.

Lord Sholto Douglas, également fils du marquis de Queensberry, vient d'être, en effet, arrêté à Bakersfield, en Californie. La raison avouée de cette arrestation, qui a fait énormément de bruit, est que le jeune lord serait atteint d'aliénation mentale ; mais s'il faut en croire les journaux de New York qui racontent le fait, on aurait, en réalité, arrêté lord Sholto pour l'empêcher d'épouser une jeune femme dont il était tombé éperdûment amoureux.

Lord Sholto Douglas a vingt-trois ans. Il avait débarqué à Bakersfield il y a quelques mois pour prendre la direction d'une exploitation fruitière qui lui avait été laissée par sa mère.

Jeudi dernier, le fils du marquis de Queensberry se procura la licence nécessaire à son mariage avec une fille d'hôtel nommée Loretta Addis, récemment arrivée de San-Francisco où elle était employée dans un café concert.

Loretta Addis est d'une grande beauté; elle paraissait partager la grande passion de lord Sholto. Ceclui-ci ne faisait aucun mystère de ses intentions matrimoniales. A peine se fut-il procuré la licence qu'un de ses amis, M. Burwester, alla trouver le magistrat et lui affirma que lord Sholto Douglas était atteint de folie et, par conséquent, inconscient de ses actes. C'est alors que fut décerné le mandad d'amener. Le jeune lord a été incarcéré et mis en observation. Il a, sur les conseils de son avocat, consenti à se prêter à un examen médical.

Comme nous le disons plus haut, cette arrestation a produit une grande sensation et provoqué les commentaires les plus invraisemblables.

Des gens qui connaissent la famille du marquis de Queensberry affirment que jamais lord Sholto n'a donné le moindre signe d'aliénation mentale.

L'affaire en est là.

Express - Sunday, April 28, 1895

L’AFFAIRE WILDE A LONDRES. — L'affaire d Oscar Wilde et de Taylor a commencé vendredi devant la cour d’assises. Aussitôt que les portes de la cour se sont ouvertes, une foule énorme de curieux s'est précipitée pour envahir la salle ; mais il a fallu montrer patte blanche, c'est-à-dire une carte d’entrée. M. Horace Avory et M. Gill remplissent l'office de ministère public. Wilde est défendu par sir Edward Clarke et deux autres avocats. Taylor a deux défenseurs. Oscar Wilde paraît plus amaigri encore que la dernière foie que nous l’avoua vu à Bow Street. Il porte les cheveux plus courts. Il éccoute la lecture de l’acte d'accusation, mais paraît d’abord assez indifférent. Sir Edward Clarke soulève, au début, quelques points de droit. Ensuite M. Gill commence à développer les accusations qui pèsent sur Oscar Wilde et sur Taylor. Il entre dans les détails que l’on connaît déjà. Les faits criminels sur lesquels se base l’accusation sont au nombre de 25. A mesure que M. Gill parle, Oscar Wilde parait de plus en plus abattu ; il cache sa ligure dans ses mains. Taylor semble beaucoup moins ému. On appelle les témoins que nous avons déjà vus défiler à Bow-Street. Ils racontent de nouveau les répugnantes histoires que nous avons entendues plusieurs fois déjà ; mais, sur l’ordre du juge et sur la demande du ministère public, ils entrent dans tous les détails des faits sadiques auxquels Wilde se livrait.

Au moment même où se plaidait à Londres cette lamentable affaire, lord Sholto Douglas, le frère cadet de ce lord Alred Douglas qui est indirectement impliqué, on le sait, dans le procès, faisait parler de lui de manière sensationnelle en Amérique.

Lord Sholto Douglas, également fils du marquis de Queensberry, vient d’être, en effet, arrêté à Bakersfteld, en Californie. La raison avouée de cette arrestation qui a fait énormément de bruit, est que le jeune lord serait atteint d’aliénation mentale; mais s’il faut en croire les journaux de New-York qui racontent le fait, on aurait, en réalité, arrêté lord Sholto pour l’empêcher d’épouser une jeune femme dont il était tombé éperdûment amoureux.

Lord Sholto Douglas a vingt-trois ans. Il avait débarqué à Bakersfleld il y a quelques mois, pour prendre la direction d’une exploitation fruitière qui lui avait été laissée par sa mère.

Jeudi dernier, le fils du marquis de Queensberry se procura la licence nécessaire à son mariage avec une fille d’hôtel nommée Loretta Addis, récemment arrivée de San-Francisco où elle était employée dans un café-concert.

Loretta Addis est d'une grande beauté ; elle paraissait partager la grande passion de lord Sholto. Celui-ci ne faisait aucun mystère de ses intentions matrimoniales. A peine se fut-il procuré la licence qu'un de ses amis, M. Burwester, alla trouver le magistrat et lui affirma que lord Sholto Douglas était atteint de folie et, par conséquent, inconscient de ses actes. C’est alors que fut décerné le mandat d’amener. Le jeune lord a été incarcéré et mis en observation. Il a, sur les conseils de son avocat, consenti à se prêter à un examen médical.

Cette arrestation a produit une grande sensation et provoqué les commentaires les plus invraisemblables.

Des gens qui connaissent la famille du marquis de Queensbury affirment que jamais lord Sholt n'a donné le moindre signe d’aliénation mentale.

L'affaire en est là.

Londres, 27 avril.

L’affaire Oscar Wilde et Taylor est reprise ce matin devant la cour d’assises. Le public est un peu moins nombreux qu’hier.

Sir Edward Clarke, avocat de Wilde, interroge le témoin Alfred Wood. Ce témoin est celui qui fit chanter Wilde jusqu’où concurrence de 30 ou 35 livres sterling en lui vendant des lettres écrites par Wilde à lord Alfred Douglas.

Ce qu’il y a de curieux dans cette affaire, c’est qu’il y a toujours des noms qu’on évite de mentionner. Ainsi, Wood déclare avoir été présenté à Wilde par un monsieur dont le nom n’a pas paru au procès ; et ce nom, on ne le donne pas.

Atkins, un autre témoin, dit également avoir été présenté à Taylor par un monsieur dont le nom n’est pas prononcé ; c’est ensuite Taylor qui le présenta à Wilde au café de Florence. Là, on fit un excellent dîner. C’est Atkins que Wilde emmena à Paris. Wilde lui défendit d’aller au Moulin-Rouge ; mais Atkins s’empressa de désobéir. « N’allez pas dans ces endroits ; ces femmes vous perdront », avait coutume de lui dire Oscar Wilde. Plus tard, tu me [...] dire Oscar Wilde. Plue tard, Wilde lui recommanda de ne pas raconter qu’il l'avait emmené à Paris. Atkina se rappelle avoir connu Mavor, un autre membre de l’abominable confrérie. On appelait Mavor « Jenny ».

— « Connaissez-vous la personne dont le nom est écrit sur ce papier ? » demande sir Edward Clarke à Atkins en lui tendant un morceau de papier.

R. — « Non. »

L’interrogatoire continue ; il porte sur des faits de chantage.

Tous ces malheureux semblent s'être fait d’ailleurs une seconde spécialité du chantage. Ils allaient même par grosses sommes. On parle de 5,000 francs obtenus d’une première victime. Une somme plus considérable aurait été extorquée à deux Américains à l’hôtel Victoria. Enfin une somme de 12,500 francs aurait été extorquée à un comte étranger venu sur son yacht à Scarborough. Naturellement Atkins déclare n être pour rien dans toutes ces affaires. Mavor est ensuite interrogé ; c’est lui que le témoin précédent appelait Jenny. Comme ce nom l’indique, ces pratiques honteuses étaient chez Mavor une profession. Wilde ne manqua pas de lui offrir le traditionnel porte-cigarettes en argent. Mavor n’en déclare pas moins que rien d’indécent ne s'est passé entre lui et Wilde, auquel il fut présenté par un monsieur d’un rang social très élevé, dans un dîner donné par ce monsieur dont le nom est gardé secret. Un autre témoin, Shelley, demande par grâce qu’on lui évite la opte d'un nouvel examen et qu’on lise ses précédentes déclarations. Mais le ministère public est inflexible et lui fait raconter tous les faits par le menu Le malheureux s’excuse lui-même d'avoir été un fou.

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