Le Constitutionnel - Saturday, June 8, 1895

Sitôt qu'à Djeddah ou ailleurs, on touche à un Anglais quelconque, Albion se fret à rouler de grands yeux et à montrer ses dents longues et aiguës. Mais comment se fait-il que chez elle, elle traite ses compatriotes en cage, par consequent désarmés, comme la comtesse X, traite ses lions, je veux dire à coups de trique et de cravache ?

Je ne ma charge pas d'expliquer de telles anomalies, n'étant pas Anglais, mais comme j'ai la prétention de faire partie de l'humanité, je ne vois pas pourquoi il ne serait pas permis à un Français de morigéner l'Angleterre toutes les fois qu'elle se montra digne des féroces ancêtres de l'âge de pierre ou du fer.

On sait que le répugnante affaire d'Oscar Wild a eu le plus sinistre des dénouements. Ce détraqué auquel une flétrissure morale aurait suffi, a été condamné à deux ans de ce qu'on appelle le « hard labour », autrement dit les travaux forcés. Et quels travaux forcés! Les lecteurs de la « Paix » ont pu s'en rendre compte il y a quelques jours.

Le patient, je ne dis pas le condamné, auquel est infligé l'abominable exercice qui consiste à se suspendre à deux anneaux et à faire tourner pendant des heures une immense roue, meurt de fatigue au bout d'une année de cet atroce régime.

Laissons le cas spécial d'Oscar Wild et la disproportion existante dans l'espèce entre la faute et le châtiment. Il n'en reste pas moins que la loi anglaise, sous prétexte de travail iorcé, condamne à mort ses criminels. Ella n'ose pas le pendre ; elle les tue à petit feu. Il ne manque plus à la fête que le successeur du soldat anglais qui apporta son fagot au bûcher de Rouen et qui pour la circonstance pourrait enfoncer sa bayonnette dans le dos du supplicié. Il est vrai qu'un surveillant de prison le remplace avec avantage puisqu'il active à coups de fouet ce petit travail.

Eh bien! je le dis avec, un chauvinisme toujours plus convaincu, je me déclare fier d'être Français devant de telles horreurs. Nous avons nous aussi, nos prisons, mais nos condamnés y travaillent paisiblement sous l'œil du gardien et de confectionnaires, et dans des ateliers comme on en trouve partout ailleurs dans la vie libre. Nous estimons qu'un individu condamné à la réclusion, n'est pas un condamné à mort et c'est l'honneur de notre système pénitentiaire de ne jamais perdre de vue que l'homme moralement tombé n'a jamais cessé d'être un homme et qu'il pourra un jour peut-être par le relèvement et par le travail reprendre sa place dans cette société qu'il a déshonorée et d'où la justice l'a pour un temps exilé.

Il est bien certain qu'une prison ne peut et ne doit pas être un lieu de délices et une sorte d'Eldorado où la châtiment consisterait en de douces rêveries. Mais il y a loin de la privation momentanée de la liberté à un supplice rappelant ceux de l'enfer du Dante. Pourquoi donc les Anglais qui envoient, même en France comme en pays sauvage leurs missionnaires, ne commencent-ils pas par s'évangéliser eux-mêmes ?

Au congrès international pénitentiare qui doit se tenir à la fin de ce mois de juin, á la Sorbonne, des délégués anglais se rendront sans nul doute. Je les préviens charitablement qu'ils pourraient être interpellés sur le pénalté barbare du « hard labour » et cela en présence de leurs collègues venus des quatres coins de l'Europe.

Le Liberal - Saturday, June 8, 1895

Sitôt qu’à […] ou ailleurs, on touche à un Anglais quelconque, Albion se met à rouler de grands yeux et à montrer ses dents longues et aigues. Mais comment se fait il que chez elle, elle traite ses compatriotes en cage, par conséquent désarmés, comme la comtesse X.. traite ses lions, je veux dire à coups de trique et de cravache ?

Je ne me charge pas d’expliquer de telles anomalies, n’étant pas Anglais, mais comme j’ai la prétention de faire partie de l'humanité, je ne vois pas pourquoi il ne serait pas permis à un Français de morigéner l‘Angleterre toutes les fois qu’elle se montre digue des féroces ancêtres de l’âge de pierre ou de fer.

On sait que la répugnante affaire d’Oscar Wild a eu le plus sinistre des dénouements. Ce détraqué auquel une flétrissure morale aurait suffi, a été condamné à deux ans de ce qu’on appelé le « hard labour » autrement dit les travaux forcés. Et quels travaux forcés ! Les lecteurs de la « Paix » ont pu s’en rendre compte il y a quelques jours.

Le patient, je ne dis pas le condamné, auquel est infligé l’abominable exercice qui consiste à se suspendre à deux anneaux et à faire tourner pendant des heures une immense roue, meurt de fatigue au bout d’une année de cet atroce régime.

Laissons le cas spécial d’Oscar Wild et la disproportion existante dans l’espèce entre la faute et le châtiment. Il n’en reste pas moins que la loi anglaise, sous prétexte de travail forcé, condamne à mort ses criminels. Ella n’ose pas les pendre ; elle les tue à petit feu. Il ne manque plus à la fête que le successeur du soldat anglais qui apporta son fagot au bûcher de Rouen et qui pour la circonstance pourrait enfoncer sa bayonnette dans le dos du supplicié. Il est vrai qu’un surveillant de prison le remplace avec avantage puisqu’il active a coups de fouet ce petit travail.

Eh bien! je le dis avec un chauvinisme toujours plus convaincu, je me déclare fier d’être Francais devant do telles horreurs. Nous avons nous aussi, nos prisons, mais nos condamnés y travaillent paisiblement sous l’œil du gardien et de confectionnaires, et dans des ateliers comme on en trouve partout ailleurs dans la vie libre. Nous estimons qu'un individu ou condamné à la réclusion, n’est pas un condamné à mort et c’est l’honneur de notre système pénitentiaire de ne jamais perdre de cue que l’homme moralement tombé n’a jamais cessé d’être un homme et qu’il pourra un jour peut-être par le relèvement et par le travail reprendre sa place dans cette société qu’il a déshonorée et d’où la justice l’a pour un temps exilé.

Il est bien certain qu’une prison ne peut et ne doit pas être un lieu de délices et une sorte d’Eldorado où le châtiment consisterait onde douces rêveries. Mais il y a loin de la privation momentanée de la liberté à un supplice rappelant ceux de l’enfer du Dante. Pourquoi donc les Anglais qui envoient même en France comme en pays sauvage leurs missionnaires, ne commencent-ils pas par s’evangéliser eux-mêmes ?

Au congrès international pénitentiaire qui doit se tenir à la fin de ce mois de juin, à la Sorbonne, des délégués anglais se rendront sans nul doute. Je les préviens charitablement qu'ils pourraient être interpelles sur la pénalité barbare du « hard labour » et cela en présence de leurs collègues venus des quatre coins de l’Europe.

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