L’Éclair - Saturday, May 25, 1895

Du Figaro :

Lord Alfred Douglas a fait parvenir à l’un de nos confrères une lettre rectificative, relativement à l’incident dont nous avons parlé et dans lequel s’est trouvé mêlé son père, le marquis de Queensberry.

Ce n’est pas moi malheureusement, écrit-il, qui s'est battu avec lord Queensberry, c’est mon frère aîné lord Douglas of Hawick. Ce n’est pas aussi, comme vous le dites, à cause du verdict contre Taylor que mon frère a fait ce qu’il a fait, puisqu’il ne connaît pas Taylor et n’a même jamais parlé avec luiC’est parce que le marquis, depuis deux mois, n’a pas cessé d'écrire à la femme de mon frère des lettres d’une obscénité et d une grossièreté incroyables.

Et le jeune Alfred Douglas ajoute :

Mon père fut divorcé à cause de sa cruauté et de son adultére depuis huit ans. J’ajouterai que le marquis de Queensberry s’est encore marié il y a quinze mois avec une jeune fille de dix-sept ans et qu’il est encore divorcé.

Nous avons reçu, de notre côté, hier, une dépêche de lord Alfred Douglas, que nous publions textuellement pour lui conserver toute sa saveur. La voici :

Je demande une apologie pour les mensonges que vous ayez écrits contre moi dans votre journal à propos de l’affaire de mon père le marquis de Queensberry.Je suis en France depuis quinze jours et je regrette beaucoup que ce n’est pas moi, mais mon frère aîné, lord Douglas of Hawick, qui a corrigé le marquis de Queensberry.Lord Alfred DOUGLAS.Hôtel de la Presse, à Rouen.

Quelle charmante famille !

Journal des débats politiques et littéraires - Friday, May 24, 1895

Londres, le 23 mai.

L'affaire Oscar Wilde est reprise devant la Cour d'assises.

L'accusé, qui est toujours en liberté sous caution, arrive à la Cour de très bonne heure. Le premier témoin entendu est William Parker qui raconte de nouveau la scène du restaurant de Saint-James et celle du diner chez Kettner.

On procède ensuite à l'interrogatoire des témoins concernant les faits qui se sont passés au Savoy-Hôtel.

Pour cette partie du procès on entend le témoignage du teneur de livres de l'hôtel qui prouve que Wilde et lord Alfred Douglas ont habité l'hôtel, et les dépositions très circonstanciées des femmes de chambre et des garçons.

Wilde écoute avec une sorte d'indifférence. Il regarde fréquemment l'heure comme un homme simplement ennuyé de ce qu'il entend; mais de temps à autre sa main se porte à sa figure. Dans la pauma se trouve caché un flacon de sels qu'il respire.

Sir Edward Clarke, avocat de Wilde, procède chaque fois à un contre-interrogatoire des témoins.

On passe ensuite à la visite que Wilde fit à Parker et dans laquelle on ne relève rien de nouveau.

Puis on procède à la lecture de la sténographie du procès du marquis de Queensberry, et le ministère public annonce que la part de l'accusation est terminée.

Sir Edward Clarke se lève et demande au juge de ne pas poser au jury la question d'indécence à l'hôtel Savoy, parce que l'accusation n'était pas suffisamment justifiée. Le ministère public s'y oppose et le juge déclare que cette accusation doit rester devant le jury.

Sur la demande de sir Edward Clarke et malgré l'opposition du minîstère public, le juge retire le chef d'accusation relatif a Shelley. Sir E. Clarke demande qu'il en soit de même pour le chef d'accusation concernant Wood, mais le juge déclare que ce chef d'accusation doit rester soumis au jury, bien que Wood soit un complice, parce qu'il y a eu une connfirmation suffisante de son témoignage.

On sait, en effet, qu'il est de tradition dans les tribunaux criminels anglais de considérer comme insuffisante la preuve donnée par un complice, à moins'que cette preuve ne soit accompagnée d'une confirmation sérieuse. L'affaire est renvoyée à demain. Sir Edward Clarke commencera la défense de Wilde.

*

Sur la foi des premières dépêches reçues de Londres, nous avions commis une confusion entre les deux fils du marquis de Queensberry. Le Temps, qui était tombé dans la même erreur, a reçu de lord Alfred Douglas une lettre rectificative que nous nous faisons un devoir de mettre sous les yeux de nos lecteurs:

HOTEL DE LA POSTE ROUEN Le 22 mai

Monsieur,

Je viens de lire dans votre journal une version tout à fait inexacte de l'affaire de mon frère, le marquis de Queensberry. Çe n'est pas moi malheureusement qui s'est battu avec lord Queensberry c'est mon frère ainé lord Douglas of Hawick. Ce n'est pas aussi, comme vous le dites à cause du verdict contre Taylor que mon frère a fait ce qu'il a fait, puisqu'il ne connaît pas Taylor et n'a jamais mème parlé avec lui. C'est parce que le marquis, depuis deux mois, n'a pas cessé d'écrire à la femme de mon frère des lettres d'une obscénité et d'une grossièreté incroyables.

Encore une erreur assez sérieuse qua vous avez faite, c'est de parler de madame ma mère, la marquise de Queensberry, comme la femme divorcée de mon père. Permettez-moi de vous faire connaître, monsieur, que c'est lui qui est le mari divorcé de cette dame, le mari divorcé à cause de sa cruaté et de son adulterie depuis huit ans. Ajoutons que le marquis s'est encore marié il y a quinze mois avec une jeune fille de dix-sept ans, et qu'il est encore divorcé.

Je vous prie, monsieur, de vouloir bien agréer mes excuses pour les fautes que j'ai dû faire dans une langue que je suis très peu accoutumé a écrire, et en même temps mes compliments très distingués.

ALFRED DOUGLAS.

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