La Gazette de France - Thursday, May 2, 1895

L’affaire Wilde a été reprise hier, devant la Cour criminelle centrale de Londres.

Bien que le ministère public ait retiré l’accusation, en ce qu’elle a trait au concert de nombreuses personnes en vue de l’action criminelle, le juge s’est refusé à rendre, sur ce point, un verdict d’acquittement, ce que la défense lui demandait.

Sir Edward Clarke a pris la parole pour son client et a fait porter en grande partie sur la presse la responsabilité des accusations qui pèsent sur Wilde.

L’accusation du concert criminel ayant été retirée, Wilde a pu, suivant la loi anglaise, jouir du bénéfice d’être entendu comme témoin à l’égard de ses complices.

Une fois de plus il a nié avec énergie toutes les accusations portées contre lui.

Après Wilde, Taylor, l’autre accusé a été entendu, comme lui, à titre de témoin.

Lui aussi repousse toute accusation, aussi bien à l’endroit de Wilde qu’au sien.

Cet interrogatoire achevé, sir Edward Clarke a repris sa plaidoirie pour Wilde.

M. Yrain, avocat de Taylor, a parlé après lui, et M. Gill, représentant du ministère public, a répliqué sur les deux affaires.

Il n’hésite pas à condamner les actes imputés aux accusés.

L’audience levée le débat a été renvoyé à l’audience de ce jour.

Le Rappel - Thursday, May 2, 1895

Les débats de l'affaire Oscar Wilde et Taylor ont été repris hier matin devant la cour criminelle centrale de Londres.

Sir Edward Clarke commence la défense de Wilde.

Quant aux relations d'Oscar Wilde avec la famille Queensberry, il explique que Wilde est encore l'ami de lady Queensberry, qui est divorcée d'avec son mari.

M. Gill s'oppose à toute attaque contre lord Queensberry qui n'est pas représenté par un avocat.

Sir Edward Clarke poursuit sa défense. Si Oscar Wilde avait été coupable, aurait-il intenté contre lord Queensberry un procès en diffamation?

Oscar Wilde est alors appelé comme témoin et admis à prêter serment.

L'accusé répond aux questions qui lui sont posées sur un ton de voix très bas.

C'est d'abord sur son passage aux écoles de Dublin et d'Oxford, et ensuite sur sa carrière d'auteur dramatique, que Wilde est interrogé par son défenseur; puis on arrive aux questions visant l'affaire actuelle.

-- Dans votre procès contre lord Queensberry, demande sir Edward Clarke, vous avez nié toutes les accusations formulées contre vous. Votre témoignage était-il absolument conforme à la vérité? -- Absolument conforme à la vérité, répond Wilde.

Le défenseur reprend: -- Y a-t-il la moindre chose qui soit vraie dans les allégations que vous auriez commis des actes d'indécence?

L'accusé répond qu'il n'y a absolument rien de vrai dans aucune de ces allégations.

M. Gill, ministère public, procède à un contre-interrogatoire de Wilde.

Parlant d'un sonnet de lord Alfred Douglas, dans lequel il est question d'amour, M. Gill demande: « De quelle espèce d'amour s'agissait-il dans cette pièce de vers? »

Wilde, à cette question, reprend tout son aplomb et répond avec chaleur:

« C'est un amour qui n'est pas compris dans ce siècle! C'est l'amour de David pour Jonathan. C'est l'amour que Platon dans sa philosophie décrit comme le commencement ae la sagesse. C'est une affection spirituelle et profonde, aussi pure qu'elle est parfaite. C'est elle qui donne naissance aux plus grands chefs-d'oeuvre de l'art.

« Un semblable amour est bien mal compris aujourd'hui! C'est une affection intellectuelle entre deux hommes, l'un plus âgé, l'autre plus jeune, le plus âgé possédant l'expérience du monde, le plus jeune renfermant en lui la joie, l'espérance, le charme de la vie. C'est là une chose, je le répète, que notre époque ne comprend pas. Elle est le but des risées de tous et conduit ses adeptes au pilori! »

A peine Wilde a-t-il terminé cette longue réponse que des applaudissements éclatent dans la galerie où se trouve le public.

Le magistrat déclare qu'il fera évacuer la salle par toutes les personnes étrangères, à la première manifestation du public.

M. Gill presse l'accusé, devenu témoin, de questions relatives aux dépositions des personnes qui ont parlé de l'hôtel Savoy.

Wilde nie tout. Il nie également les déclarations de Charles Parker et celles de Shelley. Celui-ci avait l'habitude de lui écrire des lettres à tendances religieuses.

Atkins, celui qui est allé avec lui à Paris, a donné une idée fausse des circonstances dans lesquelles ils se sont rencontrés. Il est vrai qu'il est allé à Paris avec Atkins et Schwabe ; mais le récit qu'Atkins a donné de ce voyage est faux, grotesque et monstrueux.

Wilde allait dans l'appartement de Taylor dans le quartier de Westminster. C'était pour fumer, causer et passer le temps.

Des acteurs venaient souvent. Taylor était un pianiste accompli.

Mavor était un jeune homme amusant et agréable.

Il l'a invité à l'hôtel Albermale, mais dans le sens ordinaire du mot.

Taylor avait des rentes qui lui assuraient une vie indépendante.

Wilde rencontra Alphonse Tonway à Worthing.

D. Eprouviez-vous pour ces jeunes gens le genre d'affection que vous avez décrit ? -- Non, certes, répond Wilde.

Après Wilde, Taylor est appelé à témoigner comme l'avait fait son co-accusé. Il prête serment. On remarque qu'il est nerveux. Interrogé par son défenseur, il répond qu'il est âgé de trente-cinq ans. Son père mourut en 1874 et lui laissa 1,100,000 fr. de fortune. Il vécut alors dans les plaisirs.

Suivant Taylor, le récit de Parker sur ce qui se passait à la Chapelle-Steet était absolument faux. Sir Edward Clarke présente la défense de Wilde.

M. Yrain, avocat de Taylor, présente la défense de ce dernier.

M. Gill (ministère public) réplique sur les deux affaires. Il parlait encore à six heures du soir.

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