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Le Matin - Thursday, May 23, 1895
LONDRES, 22 mai. -- Par fil spécial. -- Aujourd'hui ont comparu devant le tribunal de police de Marlborough street, le marquis de Queensberry et son fils aîné, lord Douglas de Hawick, qu'il ne faut pas confondre avec son frère, lord Alfred Douglas tous deux sont inculpés d'avoir causé, hier, des désordres sur la voie publique.
Lord Douglas portait sur sa figure quelques marques de la colère paternelle. Le père et le fils, quoique comparaissant ensemble, sont restés d'une froideur de glace l'un envers l'autre.
Après la déposition d'un des policemen qui les ont arrêtés, le marquis de Queensberry raconte à son tour qu'il n'a frappé son fils que pour se défendre.
L'avocat de lord Douglas produit un paquet de lettres que le marquis aurait écrites à son fils et dans lesquelles il a relevé des accusations dégradantes contre les deux fils du marquis, contre lady Douglas et d'autres membres de la famille.
Lord Douglas avait demandé à son père de cesser l'envoi de ces lettres; mais le marquis n'avait pas tenu compte de cette demande et était allé à la maison de son fils où il avait fait du scandale.
Le marquis de Queensberry déclare que ses lettres n'étaient nullement indécentes. Il dit qu'il est allé à la maison de son fils parce qu'on lui avait dit que Oscar Wilde habitait avec lui. Il ne voulut quitter la maison que lorsque lady Douglas lui donna sa parole d'honneur que son second fils n'était pas dans la maison.
Le juge n'a pas voulu considérer la question de savoir qui a commencé la querelle et il a condamné le père et le fils à fournir caution de 12,500 francs chacun pour six mois, afin qu'ils se tiennent tranquilles.
La Libre parole - Thursday, May 23, 1895
Hier, mercredi, ont commencé les débats de l’affaire Wilde, devant la Cour d’assises de Londres. On sait de quels faits il s’agit, et nul incident n’a signalé cette première audience.
Il n’en a pas été de même de l’audience du tribunal de police de Marlborough-street qui a fort égayé la matinée.
Le marquis de Queensberry et son fils aîné comparaissaient tous deux comme coupables d’avoir causé du désordre sur la voie publique.
Le fils portait sur la figure les preuves de la vigueur du père, lequel déclare n’a voir frappé que pour se défendre.
Quant au fils, il avait attaqué parce que son père reprochait à lui-même, à son frère, à sa femme une conduite des plus critiquables.
Le marquis les poursuivait de lettres non seulement violentes, mais indécentes. Le père nie que ses lettres fussent indécentes. Mais Oscar Wilde demeurait chez son fils !
Le juge a laissé de côté la question des responsabilités : il a simplement condamné le père et le fils à verser une caution de 12,500 francs chacun, pour six mois "afin qu’ils se tiennent tranquilles."