Le Radical - Friday, May 24, 1895

On lit dans une correspondance de Londres datée du 21 mai:

Le verdict de culpabilité contre Taylor était à peine rendu depuis quelques minutes qu'une violente altercation se produisait, dans Picadilly, entre le marquis de Queensberry et son fils aîné, le jeune lord Douglas. Tous deux venaient de quitter la cour, d'où ils remportaient, on le pense bien, des impressions for différentes; à la vue l'un de l'autre, ils parurent également exaspérés et échangèrent une première volée de coups de canne. Un policeman les sépara, - non sans avoir reçu pour sa peine, en pleine mâchoire, un coup qui lui cassa plusieurs dents. Quelques pas plus loin, nouvelle scène de boxe, au cour de laquelle le père offensé pocha l'oeil de son fils. On alla se calmer dans la station de police de Vine street, où le premier marquis d'Ecosse et le futur chef de la famille Douglas furent formellement accusés d'avoir causé du désordre dans la rue. Remis en liberté, sous caution de 50 francs, chacun ils comparaîtront demain devant le magistrat.

Ajoutons à ces détails que, d'après une interview qu'il a accordée à un représentant du New York Herald, le marquis de Queensberry serait très satisfait de sa rencontre avec le jeune lord Alfred: « Mon fils et moi (aurait-il déclaré) nous nous étions fait pas mal de mauvais sang l'un contre l'autre ... Eh! bien, il a coulé, nous en avons perdu une partie! En tout cas je me sens incliné envers ce garçon à plus de bienveillance que je n'en avais éprouvé depuis des années et j'imagine qu'il a aussi meilleure opinion de moi. »

Le marquis fait observer au journaliste que le jeune lord a été deux fois agresseur: « C'est que, dit-il pour l'excuser, le verdict du jury l'a irrité ..... Et puis il a mal pris une innocent plaisanterie que je m'étais permise.» Le marquis exhibe alors une illustration représentant un iguanodon, dont l'image, irrésistiblement comique, avait paru dans une revue hebdomadaire; et il confesse en avoir envoyé un exemplaire à la mère de lord Alfred Douglas (sa femme divorcée), avec ces mots: «Un possible ancêtre d'Oscar Wilde. »

D'autre part, on nous télégraphie de Londres 22 mai:

Lord Queensberry et son fils aîné ont comparu aujourd'hui devant le tribunal de police pour désordre dans la rue.

Le tribunal les a condamnés à fournir caution de 500 livres comme garantie que pendant six mois il ne se produirait pas de querelle entre eux en public.

L'Echo de Paris - Friday, May 24, 1895

Londres, 22 mai.

L'affaire Oscar Wilde a commencé ce matin devant la cour d'assises.

Oscar Wilde entre à dix heures et demie. Il est beaucoup plus pâle qu'hier. On dirait que le résultat du procès Taylor l'a sérieusement affecté.

Le ministre public développe l'accusation avec une grande précision. Bien que les faits reprochés à Oscar Wilde soient de ceux qui s'accomplissent dans la solitude la plus absolue, des preuves suffisament précises seront présentées.

Le premier témoin appelé est Shelley. Le témoin raconte les faits que nous connaissons déjà.

Pendant qu'il parle, le marquis de Queensberry entre dans la salle. Sa figure ne porte aucune trace d'émotion, malgré sa récente rencontre avec son fils.

Un livre donnée à Shelley par Oscar Wilde est alors produit.

La dédicace porte: « A Edward Shelley, poète et ami, Oscar Wilde, poète et ami. »

Alfred Wood donne son témoignage qui est déjà connu.

L'affaire est renvoyée à demain.

LES SUITES DE L'AFFAIRE OSCAR WILDE

L'altercation à coups de poing qui avait eu lieu lundi à la sortie de l'audience d'Old Bailey entre le marquis de Queensberry et son fils aîné lord Douglas of Havick, altercation au cours de laquelle ce dernier eut l'oeil magistralement poché par son père, a eu son dénouement hier devant le tribunal de simple police.

Le père et le fils, quoique comparaissant ensemble, sont restés d'une froideur de glace l'un envers l'autre.

Après la déposition d'un des policemen qui les ont arrêtés, le marquis de Queensberry raconte à son tour qu'il n'a frappé son fils que pour se défendre.

L'avocat de lord Douglas produit un paquet de lettres que le marquis aurait écrites à son fils et dans lesquelles il a relevé des accusations dégradantes contre les deux fils du marquis, contre lady Douglas et d'autres membres de la famille.

Lord Douglas avait demandé à son père de cesser l'envoi de ces lettres; mais le marquis n'avait pas tenu compte de cette demande et était allé à la maison de son fils où il avait fait du scandale.

Le marquis de Queensberry déclare que ses lettres n'étaient nullement indécentes. Il dit qu'il est allé à la maison de son fils parce qu'on lui avait dit qu'Oscar Wilde habitait avec lui. Il ne voulut quitter la maison que lorsque lady Douglas lui donna sa parole d'honneur que son second fils n'était pas dans la maison.

Le tribunal a condamné les deux pugilists à fournir une caution de 12,500 francs comme garantie que -- pendant six mois -- il ne se produirait pas de querelle entre eux en public.

Ce « pendant six mois » est vraiment charmant.

Ajoutons que l'on a confondu, dans les correspondances venues de Londres, lord Douglas of Havick, qui est marié, avec son frère cadet, lord Alfred Douglas, ami de l'esthète.

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