Le Soleil - Friday, April 12, 1895

Nous recevons de Londres, 11 avril, la dépêche suivante :

L’affaire Oscar Wilde est reprisé devant le tribunal de Bow-Street.

Le co-accusé, Alfred Taylor, qui a été arrêté samedi pendant les débats, est présent.

Le public est très nombreux.

Sir Edward Clarke défend Oscar Wilde.

L’accusé est pâle et paraît très abattu.

L’affaire a été renvoyée à huitaine.

La cour d’enquête de Malte a déclaré exempt de tout blâme le capitaine du navire anglais Brinkburn, (tu sujet de son abordage avec l’Alvah.

La République Française - Monday, April 8, 1895

Nous avons trop le respect de nos lectrices et de nos lecteurs pour entreprendre le récit minutieux du procès scandaleux qui passionne en ce moment l'Angleterre et dont nous n’avions point voulu parler jusqu’alors, à cause de ses détails ignominieux.

Ce n’est même point un conte « pour lire entre hommes », et nous nous efforcerons de donner le plus brièvement possible un aperçu des mœurs.... singulières de quelques membres de l’aristocratia anglaise.

M. Oscar Wilde, littérateur fort connu d’outre-Manchce, témoignait, parait-il, depuis plusieurs années, une affection toute particulière pour lord Alfred Douglas, le fils du marquis de Queensberry. Ce dernier, voulant arracher le jeune homme à l’influence pernicieuse de son ami, insulta publiquement M. Wilde pour le forcer à déposer une plainte.

M. Wilde tomba dans le piège qui lui était tendu et intenta un procès au marquis de Queensberry. Mais les débats révélèrent des faits si répugnants que l’avocat de M. Wilde n’hésita pas à annoncer aux juges le désistement de son client.

Ce fut alors au tour du marquis de porter plainte et, avant hier soir, M. Oscar Wilde était arrêté et écroué au moment où il se préparait à fuir à l’étranger.

Lord Alfred Douglas a offert en vain une caution pour obtenir la libérté provisoire de son « ami ». Sa conduite est commentée sévèrement à Londres ; à l’audience, on a lu les lettres à lui adressées par le marquis de Queensberry, qui sont celles d’un père au comble de la honte. Lord Douglas y répondait par des télégrammes de ce genre :

Quel drôle de petit bonhomme vous faites !

Ou bien encore :

Quand vous serez mort, il n’y aura pas grand monde pour vous regretter.

En Angleterre, où le respect dû au chef de famille est profondément ancré,cette méprisable conduite de lord Douglas a provoqué l’indignation générale.

Quant à Oscar Wilde, il comparaîtra jeudi devant le tribunal de Bow-Street.

Hier, le juge d'instruction a entendu un grand nombre de témoins ; il a pu se convaincre rapidement que M. Wilde n’était pas seul en cause.

On parle d’arrestations sensationnelles qui seraient sur le point d’être opérées.

Pour finir, un détail qui peint l’hypocrite pudibonderie anglaise:

Un journal a pu se faire une réclame monstre et a vu son tirage doublé en faisant crier dans les rues qu’il était le seul à Londres qui ne dit rien de l’affaire Wilde et que par conséquent tous les pères de famille pouvaient l’acheter.

Est-ce assez anglais ? En France, on n’aurait jamais trouve cela.

Maurice Cabs.

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