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La France - Thursday, May 2, 1895
Difference
Cette dernière journée de débats, a semblé, contrairement à l'attente générale, ranimer l'intérêt épuisé de ce triste procès. Un incident, qui a causé dans l'auditoire une véritable émotion, a été soulevé par le brusque changement d'attitude de l'accusé auquel une question du ministère public a soudain fait abandonner l'allure abattue et honteuse qu'il avait gardée depuis le commencement du procès. Sir Clarke avait pour la seconde fois pris la parole, et M. Gill, avocat de l'accusation, s'apprêtait à répliquer à son tour, lorsqu'une allusion fut faite à un sonnet que lord Douglas aurait adressé à M. Wilde.
Expliquez-vous, demanda M. Gill à l'accusé, sur les termes bizarres de cette pièce de vers qu'un sentiment d'amitié, si profond qu'il soit, serait impuissant à justifier.
A cette question, M. Wilde se lève vivement et, avec un accent de colère indignée, s'écrie :
C'est là une affection que votre siècle ne peut comprendre. C'est celle de David pour Jonathan. C'est celle que Platon décrit dans sa philosophie comme le commencement de la sagesse. C'est une affection spirituelle et profonde, aussi pure qu'elle est parfaite. C'est elle qui donne naissance aux plus grands chefs-d'œuvre de l'art! Un semblable sentiment est bien mal compris aujourd'hui! C'est un sentiment intellectuel entre deux hommes, l'un plus âgé, l'autre plus jeune, le plus âgé possédant l'expérience du monde, le plus jeune renfermant en lui la joie, l'espérance, le charme de la vie. C'est la une chose, je le répète, que votre époque ne comprend pas. Elle est le but des risées de tous et conduit ses adeptes au pilori.
C’est un amour qui n’est pas compris dans ce siècle ! C’est l’amour de David pour Jonathan. C’est l’amour que Platon, dans sa philosophie, décrit comme le commencement de la sagesse. C’est une affection spirituelle et profonde, aussi pure qu’elle est parfaite. C’est elle qui donne naissance aux plus grands chefs-d’œuvre de l’art. Un semblable amour est bien mal compris aujourd’hui ! C’est une affection intellectuelle entre deux hommes, l’un plus âgé, l’autre plus jeune ; le plus âgé possédant l’expérience du monde, le plus jeune renfermant en lui la joie, l’espérance, le charme de la vie. C’est là une chose, je le répète, que notre époque ne comprend pas. Elle est le but des risées de tous et conduit ses adeptes au pilori !
Cette déclaration a été accueillie par des applaudissements tellement nourris et bruyants, que le magistrat a dû menacer de faire évacuer la salle si pareille manifestation se reproduisait.
Après plaidoirie de Me Yrain pour Taylor et une seconde réplique de l'avocat de l'accusation M. Gills, l'audience est renvoyée à aujourd'hui pour le verdict.