LA VIE ANGLAISE
LONDRES, 7 avril.

Pouah!...

Et, pourtant, il faut bien en parler de ce krach du poète Oscar Wilde à la Bourse des moeurs. Bouchons-nous le nez, mais regardons. Dans l'intérêt même de la morale, et, peut-être, du mouvement littéraire et artistique, il est utile, nécessaire, de chercher où est l'égout, d'où vient cette nauséabonde odeur qui justifierait cette variante au mot d'Hamlet: There's something rotten in the state of Britain.

D'abord, quelques indications de rappel touchant les deux principaux personnages. Un petit Ecossais agité, un grand seigneur déclassé, un bon coeur mené par un cerveau brûlé, ce marquis de Queensberry, acquitté du chef de fiffamation aux applaudissements de la foule. Grand amateur du "noble art" de la boxe, il a établi, pour les assauts au gant de salle, un code devenu Evangile dans le monde du sport, -- les Queensberry rules. Athée bruyant, fit scandale ensuite en sifflant un soir, au théâtre, un drame religieux du poète lauréat Tennyson. Puis, divorcé, par un jugement qui lui attribuait maint coup de canif dans le contrat. De par notre hybride organisme, les chefs des grandes familles aristocratiques d'Ecosse ne siègent pas de droit, comme ceux d'Angleterre, à la Chambre des lords. Ils sont élus par leurs pairs. La pairie écossais, -- lord Rosebery, Premier ministre, en tête, -- jugea le marquis indigne, pas ses légèretés, de pareil honneur; mais, tenant compte de la vielle noblesse des Douglas-Queensberry, elle envoya, à sa place, à la Chambre haute, l'aîné de ses trois fils. L'orgueil de caste, qui subsite, chez l'excentrique marquis, au milieu de ses fagues, se réveilla et se révolta devant ce soufflet. Il suivit, un jour, lord Rosebery à Hambourg "pour lui infliger une correction". L'autorité allemande dut intervenir pour protéger le Premier ministre d'Angleterre contre l'agression eventuelle d'un émérite boxeur. Elle fit donner à Queensberry sa parole d,honneur de se tenir coi. L'odieuse affaire Wilde, où le marquis de Queensberry a été crâne jusqu'à l'héroïsme, a mis au jour un effroyable drame de famille venant se greffer sur le scandale principal et en accentuer l'horreur. A donner la chair de poule, la lecture, faite au tribunal, de la correspondance échangée entre le père et le fils cadet, lord Alfred Douglas, l'ami intime du poète. Vainement les lettres du marquis sommaient lord Alfred d'avoir à rompre avec un écrivain de moeurs "abominablement louches". Encouragé par sa mère divorcés, qui recevait elle-même Oscar Wilde, le jeune lord Alfred bravait et narguait son père, le traitant, par dépêche télégraphique, de vieux fou. Si bien que le marquis en arrive à lui lancer cette apostrophe tragique: "Immonde reptile, ne t'expose pas à ma cravache! Je m'étais toujours douté que tu n'étais pas mon fils." Et le jeune lord de répondre textuellement: "Si profond que soit mon mépris pour vous, je veux, par égard pour notre famille, éviter le scandale du procès en diffamation que porrait vous intenter mon ami Wilde et qui vous vaudrait sept ans de travaux forcés. Mais ne m'attaquez pas. Je porte toujours sur moi un revolver chargé; s'il nous arrive, à Wilde ou à moi, d'avoir, en état de légitime défense, à vous tuer, nous aurons eu raison à nos propres yeux de débarrasser le monde d'un dangereux voyou tel que vous, dont personne ne pleurait d'ailleurs la mort". Après ce parricide mental, il ne manquait que le parricide de fait. La société anglaise l'a cotoyé. Il n'y a peut-être rien de plus terrible dans Phèdre ou tout le reste de la tragédie antique.

*

D'Oscar Wilde, dont le pinceau de maint peintre de talent a reproduit pour la Royal Academy ou les Salons de Paris, la haute taille, le front chevelu, la bouche sensuelle, dans une face pleine, glabre et presque exsangue, mais dont personne n'a encore complètement portraicturé l'allure nonchalante, le parler à la fois lent, patelin et dédaigneux, obséquieux et hautain, vous savez depuis longtemps beaucoup de choses. Fils d'un baronet irlandais très distingué, brillant élève de l'Université d'Oxford, porté aux nues par les Américains, chez lesquels ils fit ses débuts d'écrivain décadent et de conférencier "esthétique", il revint se fixer et se marier, il y a douze ans, à Londres, où l'on commença par railler l'affectationde ses manières et la précosité de sa littérature, pour finir par lui reconnaître, dans les journaux, une insolence très spirituelle; dans les alons, une élégance indolente et exceptionnellemnt originale; dans les petites coteries, un talent frisant le génie et digne de faire école. L'oeillet peint en vert, qu'il portait invariablement à la coutonnière, que sa cour de disciples portait religieusement aussi, avait pour mission de symboliser son mépris pour la nature, sa paradoxale passion pour l'artificiel. Mais quel biographe analyserait plus parfaitement la psychologie de ce poète à la mode qu'il ne l'a fait lui-même, par réponses épigrammatiques, pendant son interrogatoire!

D. Vous dites avoir 35 ans. N'en avez-vous pas plus de 40?
R. Je ne crois pas.
D. Cependant vous êtes né le 16 octobre 1854?
R. Oui.
D. Cela fait 40 ans sonnés...
R. Peut-être. Soit! ... hélas!...
D. Quel age avait votre ami Parker?
R. Je ne sais; je ne tiens pas l'article "recensement". Mais il était jeune: d'où notre attachement. J'adore la jeunesse, son brio, son sinsouciance, son originalité. Je n'aime ni les gens sensés, ni les viellards.
D. Mais Parker n'était-il pas un simple domestique?
R. Possible. Il était jeune. Cela me suffisait. Le seul prestige de la jeunesse est si merveilleux que je préférerais une conversation d'une demi-heure avec un adolesecnt à ... tenez ... à toute une journée d'interrogatoires devant ce tribunal.
D. Et votre ami Fred Atkins, un jeune vaurien, sans profession?
R. Précisement. Il avait tout le charme de l'oisiveté.
D.Vous avez fréquenté une maison où jamais la lumière du jour ne pénétrait; où les fenêtres étaient masquées de lourdes tentures; l'intérieur éclairé à la lumière artificielle, l'atmosphère chargée du relent des brûles-parfums?
R. Et après?...Charmants, les parfums. J'en brûle toujours chez moi.
D. N'êtes-vous pas d'avis, M. Wilde, qu'il n'existe pas de livre immoral?
R. En effet. Il n'y a de mauvais livres que les livres mal écrits.
D. Quand le maître-chanteur Wood vint vous dire: "J'ai entre les mains une lettre de vous à lord Douglas, qui pourrait vous perdre à jamais, et dont un de vos ennemis m'a même offert 60 livres; - que m'en donnez-vous?" Vous avez répondu ...
R. Que j'étais flatté de voir mon autographe coté 60 livres. Je me suis aperçu que ma lettre avait passé par beaucoup de mains qui l'avaient souillée. Voilà ce qui est impardonnable.
D. Cette lettre exprimait une véritable adoration pour ...
R. Pardon, je réserve toutes mes adorations pour moi même.
D. Ne pensez-vous pas que l'on puisse interprêter d'une façon ignoble votre roman Dorian Grey?
R. Je ne me soucie pas pour quatre sous de l'opinion des Philistins. Hallam prêta un sens ignoble aux sonnets dédiés par Shakespeare à son ami lord Southampton.
D. Mais votre lettre à lord Alfred Douglas n'était elle pas extraordinaire?
R. Tout ce que j'écris me parait extraordinaire. Je ne prétends pas être ordinaire, Dieu merci!

Est-ce que ces cyniques répliques, où la fatuité, l'égoïsme, le maladif désir "d'épater le bourgeois" éclatent à chaque mot, n'expliquent point tout, n'éclairent point d'un jour saissant le caractère de l'homme et les tendances artistiques de toute une école? "A bas la nature! Vive l'artificiel! A bas la morale et la vertu, ces conventions faites pour les épiciers!... Vivent la simple beauté plastique, l'ivresse des sens!... Rien au delà!..." Ne croirait-on pas vraiment entendre Alcibiade répondant à des accusations de libertinage devant un aéropage athénien? Précisément. La corruption de cet Oscar Wilde et d'une partie du cercle d'esthètes, qui pratiquent avec lui la théorie de "l'Art pour l'Art", en dehors de tout idéal spirituel, est le produit d'un mouvement esthétique qui nous ramène tout doucement de vint-deux ou vingt-trois siècle en arrière, -- en plein paganisme. Keats, Ruskin, Dante Gabriel-Rossetti et sa soeur Christina, qui donnèrent, il y a un demi-siècle, le signal de cette nouvelle Renaissance, ne rêvaient, certes pas, la décadence de ton et de moeurs où elle allait aboutir. de la Grèce et du Bas-Empire, ils ne voulaient ressusciter que le génie, en partie aboli, avec les idoles, par l'austérité des religions modernes. Ils obéissaient à une conction loyale et profonde, croyant, de bonne foi, à la possibilité d'une fusuin entre l'esprit idéaliste d'aujourd'hui et le magnifique matérialisme d'autrefois. Pour leur malheur, leur héritage est tombé aux mains d'une secte de jeune artistes "fin de siècle", aussi sceptiques qui'ils étaient croyants, et chez lesquels leur généreux rêve de rénovation artistique a fait place à l'unique et égoïste désir de se singulariser.

Les apôtres d'il y a cinquante ans ont pour descendants de simple poseurs. J'emploie le mot à dessein. Car, chez Oscar Wilde et son groupe de décadents, s'est toujours manifestée surtout la soif de paraître extraordinaires et originaux, par la négation systématique de toute convention établie, de toute vérité admise, Notez bien ceci: rien ne prouve encore définitivement que l'auteur de Dorian Grey et un mari idéal ait commis les actes de dépravation pour lesquels il va être jugé. Le marquis de Queensberry ne l'en accusait pas. Il lui reprochait quelque chose de pire encore peut-être. Il pensait: "Voilà une homme qui pose pour le monstre. C'est un genre qu'il se donne. C'est un fanfaron du vice, faisant tout ce qu'il peut, par ses fréquentations est ses attitudes, pour éblouir les badauds, en ayant l'air de se placer au-dessus de toutes les lois sociales, de tous les préjugés bourgeois. Il cherche la gloriole dans le simulacre d'une stupéfiante indécence". Or, admettez que le marquis se soit trompé en ce qui concerne Oscar Wilde; n'empêche qu'il a deviné juste en ce qui concerne une foule de ses disciples. Avec la perversion de sens moral qu'a fini par produire l'ambition d'étonner la société "bourgeoise", une masse de jeunes Anglais, qui se sont éloignés, dans leurs écrits et leurs tableaux, de la tradition classique et de la nature même, ont fini, par pur dilettantisme, par se mettre "en psoture d'infamie" et tendre à une réputation odieuse comme à un but admirable. Entre le fait de la mériter, il n'y a, sans doute, qu'un pas. On soupçonne beaucoup d'entre eux de l'avoir franchi. Depuis deux ans ou trois, la société londonienne vivait sous un véritable règne de terreur, tout le monde était suspect de dépravation, à force de se trover en contact avec un monde d'artistes à la fois malfamés et fashionables, que l'on rencontrait inévitablement partout. Et maintenant ... maintenant attendez-vous à une violente réaction contre ce mouvement esthétique, qui semble conduire ses zélés, du boulversement de toutes les conventions artistiques au renversement de toutes les lois morales. La grande revanche du sentiment bourgeois va sonner. De la boue où tombe "L'Art pour l'Art", va sortir l'apothéose de l'épicerie. Pauvre Keats, pauvre Rossetti! Eux-mêmes, aujourd'hui, renieraient leur esthétique et de dégoût, se proclameraient épiciers.

*

Il y a un aspect presque comique de ce scandale écoeurant. C'est la hâte de la presse anglaise à rendre la France responsable de la gangrène sociale qui vient d'être mise à nu à Londres. "La voilà, l'influence française!", s'écrient sans rire le Daily Telegraph, le Daily News et tous nos organes bien pensants. "Vices français", s'écriaient-ils à la suite des révélations du procès Dilke. - "Moeurs françaises", s'écriaient-ils durant la fameuse affaire Colin Campbell. Toujours, l'identique refrain. Je suis fier de l'habileté de mes compatriotes. Faire servir chacune de leurs hontes à la démonstration de leur vertu, - quel patriotisme servi par quel trait de génie! Il y a une chose qui, décidément, ne périt pas: l'humour britannique. Il n'a pas encore dit son dernier mot. On peut encore tirer de l'affaire Wilde une autre preuve de notre supériorité morale sur cette pelée, cette galeuse, qui s'appelle la France.

Il y a un aspect presque comique de ce scandale écœurant. C’est la hâte de la presse anglaise à rendre la France responsable de la gangrène sociale qui vient d’être mise à nu à Londres. « La voilà, l’influence française ! », s’écrient sans rire le Daily Telegraph, le Daily News et autres organes bien pensants. « Vices français », s’écriaient-ils à la suite des révélations du procès Dilke. — « Mœurs françaises », s’écriaient-ils durant la fameuse affaire Colin Campbell. Toujours, l’identique refrain. Faire servir chacune de leurs hontes à la démonstration de leur vertu, — quel patriotisme servi par quel trait de génie ! Il y a une chose qui, décidément, ne péril pas : l'humour britannique.

Tous nos journaux ont franchement publié le compte rendu de cette révoltante affaire in extenso, sans faire grâce à leurs lecteurs du plus ignoble de ses détails. Et les lecteurs se ruaient sur les journaux, comme pour un délicieux régal intellectuel. A Paris, on êut plaidé à huis clos. On aurait tout fait pour préserver de pareilles odeurs les narines délicates; nul père de famille n'eût eu à trembler de voir le journal tomber sous les yeux de ses filles ou de ses fils. Vous voyez bien: l'hypocrisie nationale, si injustement imputés à l'Angleterre, est encore un vice français, secrètement naturalisé.

Tous les journaux anglais ont franchement publié le compte rendu de cette révoltante affaire in extenso, sans faire grâce à leurs lecteurs du plus ignoble de ses détails. Et les lecteurs se ruaient sur les journaux, comme pour un délicieux régal intellectuel. A Paris, on eût plaidé à huis clos. On aurait tout fait pour préserver de pareilles odeurs les narines délicates ; nul père de famille n’eût eu à trembler de voir le journal tomber sous les yeux de ses filles ou de ses fils.

PICKWICK.

ENGLISH LIFE
LONDON, April 7.

Ugh!...

And yet, we have to talk about this crash of the poet Oscar Wilde on the Stock Exchange. Let's stop our noses, but let's look. In the very interest of morality, and, perhaps, of the literary and artistic movement, it is useful, necessary, to find out where the sewer is, where this nauseating odor comes from which would justify this variant of the word Hamlet: There's something rotten in the state of Britain.

First, some reminders about the two main characters. A restless little Scotsman, a declassed great lord, a good heart led by a burnt brain, this Marquess of Queensberry, acquitted of the charge of libel to the applause of the crowd. A great lover of the "noble art" of boxing, he established, for boxing glove attacks, a code that has become Gospel in the world of sport, -- the Queensberry rules. Loud atheist, then caused a scandal by whistling one evening, at the theater, a religious drama by poet laureate Tennyson. Then, divorced, by a judgment which attributed to him many strokes of the penknife in the contract. By our hybrid organization, the heads of the great aristocratic families of Scotland do not sit by right, like those of England, in the House of Lords. They are elected by their peers. The Scottish peerage--Lord Rosebery, Prime Minister, at the head--deemed the Marquess unworthy, not his frivolities, of such honour; but, taking into account the old nobility of the Douglas-Queensberrys, she sent, in her place, to the Upper House, the eldest of her three sons. The pride of caste, which subsists in the eccentric marquis, in the midst of his fags, awoke and revolted before this bellows. One day he followed Lord Rosebery to Hamburg "to give him a beating". The German authority had to intervene to protect the Prime Minister of England against the possible aggression of a distinguished boxer. She gave Queensberry her word of honor to keep quiet. The odious Wilde affair, in which the Marquess of Queensberry was brave to the point of heroism, brought to light a frightful family drama that was grafted onto the main scandal and accentuated its horror. To give goosebumps, the reading, made in court, of the correspondence exchanged between the father and the youngest son, Lord Alfred Douglas, the intimate friend of the poet. In vain the letters of the Marquis summoned Lord Alfred to have to break with a writer of "abominably shady" morals. Encouraged by his divorced mother, who herself received Oscar Wilde, the young Lord Alfred defied and taunted his father, calling him, by telegraph, an old madman. So much so that the marquis manages to launch this tragic apostrophe at him: "Dirty reptile, do not expose yourself to my riding crop! I had always suspected that you were not my son." And the young lord replied verbatim: "However deep my contempt for you may be, I want, out of respect for our family, to avoid the scandal of the libel suit that my friend Wilde might bring against you and which would cost you seven years of forced labor. But don't attack me. I always carry a loaded revolver with me; if it happens to us, Wilde or me, to have to kill you in self-defense, we will have been right in our own way. eyes to rid the world of a dangerous thug like you, whose death no one was mourning". After this mental parricide, all that was missing was the de facto parricide. English society rubbed shoulders with him. There is perhaps nothing more terrible in Phèdre or all the rest of ancient tragedy.

*

Of Oscar Wilde, whose brush of many a talented painter has reproduced for the Royal Academy or the Paris Salons, the tall stature, the hairy forehead, the sensual mouth, in a full, hairless and almost bloodless face, but of which no one hasn't yet completely portrayed the nonchalant demeanor, the slow, homely and disdainful, obsequious and haughty speech, you've known a lot of things for a long time. Son of a very distinguished Irish baronet, brilliant student of the University of Oxford, praised by the Americans, among whom he made his debut as a decadent writer and "aesthetic" lecturer, he returned to settle and marry , twelve years ago, in London, where they began by mocking the affectation of his manners and the precocity of his literature, to end by acknowledging in him, in the newspapers, a very witty insolence; in the lounges, an indolent and exceptionally original elegance; in the small coteries, a talent bordering on genius and worthy of schooling. The carnation painted green, which he invariably wore as a dressmaker, which his court of disciples also wore religiously, had the mission of symbolizing his contempt for nature, his paradoxical passion for the artificial. But what biographer could more perfectly analyze the psychology of this fashionable poet than he did himself, through epigrammatic answers, during his interrogation!

D. You say you are 35 years old. Don't you have more than 40?
A. I don't think so.
Q. However you were born on October 16, 1854?
A. Yes.
D. It's been 40 years...
A. Maybe. Is! ... alas!...
D. How old was your friend Parker?
A. I don't know; I don't want the "census" article. But he was young: hence our attachment. I adore youth, its brilliance, its carelessness, its originality. I don't like sensible people or old people.
Q. But wasn't Parker just a servant?
A. Possible. He was young. That was enough for me. The sheer prestige of youth is so wonderful that I would prefer a half-hour conversation with a teenager to... hold on... a whole day of interrogations in this courthouse.
D. And your friend Fred Atkins, a young scoundrel, without a profession?
A. Precisely. He had all the charm of idleness.
D.You frequented a house where daylight never penetrated; where the windows were screened with heavy drapes; the interior lit by artificial light, the atmosphere charged with the smell of incense burners?
A. And after?... Charming, the perfumes. I always burn it at home.
Q. Aren't you of opinion, Mr. Wilde, that there is no such thing as an immoral book?
A. Indeed. The only bad books are badly written books.
D. When blackmailer Wood came to say to you: "I have in my hands a letter from you to Lord Douglas, who might ruin you forever, and from which one of your enemies has even offered me 60 pounds; - that will you give me some?" You answered ...
A. That I was flattered to see my autograph listed at 60 pounds. I realized that my letter had passed through many hands which had soiled it. This is what is unforgivable.
D. This letter expressed genuine adoration for...
A. Excuse me, I reserve all my worship for myself.
D. Don't you think that your novel Dorian Gray can be interpreted in a despicable way?
A. I don't care for a penny about the opinion of the Philistines. Hallam lent an ignoble meaning to the sonnets dedicated by Shakespeare to his friend Lord Southampton.
Q. But wasn't your letter to Lord Alfred Douglas extraordinary?
A. Everything I write seems extraordinary to me. I don't pretend to be ordinary, thank God!

Do these cynical replies, in which fatuity, selfishness, the unhealthy desire "to impress the bourgeois" burst out at every word, do not explain everything, do not shed a light on the character of the man and the artistic tendencies of an entire school? "Down with nature! Long live the artificial! Down with morality and virtue, those conventions made for grocers!... Long live simple plastic beauty, the intoxication of the senses!... Nothing beyond that!... ." Wouldn't we really think we were hearing Alcibiades responding to accusations of licentiousness before an Athenian aeropagus? Precisely. The corruption of this Oscar Wilde and part of the circle of aesthetes, who practice with him the theory of "Art for Art's sake", outside of any spiritual ideal, is the product of an aesthetic movement which brings us back very gently from twenty-two or twenty-three centuries back, -- in full paganism. Keats, Ruskin, Dante Gabriel-Rossetti and his sister Christina, who half a century ago gave the signal for this new Renaissance, certainly did not dream of the decadence of tone and manners in which it was to end. of Greece and the Lower Empire, they wanted to resuscitate only genius, partly abolished, with idols, by the austerity of modern religions. They obeyed a loyal and profound union, believing, in good faith, in the possibility of a fusion between the idealistic spirit of today and the magnificent materialism of yesteryear. Unfortunately for them, their heritage fell into the hands of a sect of young "fin de siècle" artists, as skeptical as they were believers, and among whom their generous dream of artistic renewal gave way to the unique and selfish desire to stand out.

The apostles of fifty years ago have for descendants simple posers. I use the word on purpose. For, with Oscar Wilde and his group of decadents, the thirst for appearing extraordinary and original has always manifested itself above all, through the systematic negation of all established convention, of all accepted truth. Note this well: nothing yet definitively proves that the author of Dorian Gray and an ideal husband has committed the acts of depravity for which he will be tried. The Marquess of Queensberry did not accuse him of it. He blamed her for something even worse perhaps. He thought: "Here's a man who poses for the monster. It's a genre he gives himself. He's a braggart of vice, doing everything he can, by his associations and his attitudes, to dazzle the onlookers, seeming to place himself above all social laws, all bourgeois prejudices. He seeks glory in the simulacrum of stupefying indecency". Now, admit that the marquis was mistaken in regard to Oscar Wilde; nevertheless, he guessed correctly about a crowd of his disciples. With the perversion of moral sense produced by the ambition to astonish "bourgeois" society, a mass of young Englishmen, who in their writings and paintings have moved away from the classical tradition and from nature even, have ended, by pure dilettantism, by putting themselves "in a posture of infamy" and tending to an odious reputation as to an admirable goal. Between the fact of deserving it, there is, no doubt, only one step. Many of them are suspected of having crossed it. For two or three years, London society had been living under a real reign of terror, everyone was suspected of depravity, by dint of finding themselves in contact with a world of artists both infamous and fashionable, whom one met inevitably everywhere. And now...now expect a violent backlash against this aesthetic movement, which seems to lead its zealots from the upheaval of all artistic conventions to the overthrow of all moral laws. The great revenge of bourgeois feeling is about to sound. From the mud where "L'Art pour l'Art" falls, will emerge the apotheosis of the grocery store. Poor Keats, poor Rossetti! They themselves, today, would deny their aesthetics and out of disgust, would proclaim themselves grocers.

*

There is an almost comic aspect to this sickening scandal. It is the haste of the English press to make France responsible for the social gangrene which has just been laid bare in London. "Here it is, the French influence!" exclaim the Daily Telegraph, the Daily News and all our well-meaning organs without laughing. "French vices", they exclaimed following the revelations of the Dilke trial. - "French manners", they exclaimed during the famous Colin Campbell affair. Always, the same refrain. I am proud of the skill of my compatriots. To make each of their shame serve as a demonstration of their virtue - what patriotism served by what stroke of genius! There is one thing that definitely does not perish: British humor. He hasn't said his last word yet. We can still draw from the Wilde affair another proof of our moral superiority over this peeled, this scabby, which is called France.

All our newspapers have frankly published the account of this revolting affair in extenso, without pardoning their readers of the most ignoble of its details. And readers flocked to the newspapers, as if for a delicious intellectual treat. In Paris, we pleaded behind closed doors. We would have done everything to preserve delicate nostrils from such odors; no father of a family would have had to tremble to see the newspaper fall before the eyes of his daughters or his sons. You see well: the national hypocrisy, so unjustly imputed to England, is still a French vice, secretly naturalized.

PICKWICK.

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