WILDE-SCANDALE
COMPLICATIONS
Un gros personnage compromis. — Nouvelles révélations à sensation. — Curieuses coïncidences. — Une lettre de lord Douglas.
(Service spécial de la Patrie)

Londres, 9 avril. — Lord Alfred Douglas a rendu hier de nombreuses visites mystérieuses aux ministères. Dans la soirée, il est allé au Home office, où il a eu un long entretien avec un haut fonctionnaire.

Le bruit court que Wilde se serait décidé à faire des révélations et qu'un personnage des plus influents serait mêlé à cette ignoble affaire.

Les journaux d’hier se font l’écho des rumeurs les plus sensationnelles et il est inutile de dissimuler qu'on se demande un peu partout sur quelle illustration la foudre va tomber ; il y a assurément de l’orage dans l’air.

Les journaux se font l'écho des rumeurs les plus sensationnelles et il est inutile de dissimuler qu'on se demande un peu partout sur quelle illustration la foudre va tomber; il est notamment question de l'arrestation d'un haut personnage qui serait, paraît-il, compromis dans la mème affaire.

Un journal fait les remarques suivantes :

Sir Edward Clarke, solliciter général de la dernière administration conservatrice, l’un des chefs du parti clérical anglican à la Chambre des communes, a représenté, on le sait, M. Wilde dans le procès en diffamation intenté par ce dernier à lord Queensberry. Sir Edward Clarke s'offre encore — et gratuitement — à défendre M. Wilde.

Sir Edward Clarke, sollicitor général de la dernière administration conservatrice, l'un des chefs du parti clérical anglican à la Chambre des communes, a représenté, on le sait, M. Wilde dans le procès en diffamation intenté par ce dernier à lord Queensbury. Sir Edward Clarke s'offre encore — et gratuitement — à défendre M. Wilde.

Sir Edward Clarke, sollicitor général de la dernière administration conservatrice, l'un des chefs du parti clérical anglican à la Chambre des communes, a représenté, on le sait, M. Wilde dans le procès en diffamation intenté par ce dernier à lord Queensbury. Sir Edward Clarke s'offre encore — et gratuitement — à défendre M. Wilde.

Or, par une coïncidence regrettable, en ce moment-ci, la cour des divorces examine la demande en restitution des droits conjugaux formulée par la comtesse Russell. Celle-ci avait, pour la défense de sa cause, quand elle intentait un procès en divorce contre son mari, accusé celui-ci du même crime imputé à M. Wilde. Elle n'avait porté cette accusation que sur les conseils de sir Edward Clarke, son défenseur. Décidément, sir Edward Clarke a la spécialité de ces sortes de procès, — un peu fréquents en Angleterre, ce nous semble.

Or, par une coïncidence regrettable, en ce moment-ci, la cour des divorces examine la demande en restitution des droits conjugaux formulée par la comtesse Russell. Celle ci avait, pour la défense de sa cause, quand elle intentait un procès en divorce contre son mari, accusé celui-ci du même crime imputé à M. Wilde. Elle n'avait porté cette accusation que sur les conseils de sir Edward Clarke, son défenseur. Décidément, sir Edward Clarke a la spécialité de ces sortes de procès, — un peu fréquents en Angleterre, ce nous semble.

Or, par une coïncidence regrettable, en ce moment-ci, la cour des divorces examine la demande en restitution des droits conjugaux formulée par la comtesse Russell. Celle ci avait, pour la défense de sa cause, quand elle intentait un procès en divorce contre son mari, accusé celui-ci du même crime imputé à M. Wilde. Elle n'avait porté cette accusation que sur les conseils de sir Edward Clarke, son défenseur. Décidément, sir Edward Clarke a la spécialité de ces sortes de procès, — un peu fréquents en Angleterre, ce nous semble.

Jolie société

Au cours du procès, l'avocat du marquis de Queensberry a fait un curieux tableau de l’antre bizarre établi par Wilde dans Little-College Street.

Les rideaux de l’appartement étaient toujours baissés et de plus les fenêtres étaient masquées par d'épaisses et riches tentures. Les chambres étaient somptueusement meublées. Des parfums variés y entretenaient une atmosphère capiteuse et irritante. Jamais la lumière du jour n’y pénétrait. Les pièces étaient éclairées aux bougies ou au gaz.

A l’énumération des amis d'Oscar Wilde, l'avocat du marquis a ajouté deux domestiques, un certain Charley Parker et un autre du nom de Scarfe.

En présence de ces révélations, on se rend compte de l'animosité du marquis contre M. Oscar Wilde, et du moyen assez désespéré auquel il a eu recours pour arracher son fils à l'influence d’une personnalité manifestement compromettante.

Un aimable fils

Voici une preuve de la pernicieuse influence qu’Oscar Wilde exerçait sur lord Douglas.

Celui-ci écrivait à son père :

Comme vous me retournez mes lettres non ouvertes, je suis obligé de vous envoyer une carte postale. Je vous écris pour vous informer que je considère vos absurdes menaces avec la plus complète indifférence. Depuis votre dernier esclandre à la maison d'Oscar Wilde, je me suis fait un point d’honneur de me montrer avec lui dans un grand nombre d’établissements publics, tels que le Berkeley, les Willis’s Rooms, le Café Royal, etc., etc., et je continuerai à me rendre dans ces établissements quand et avec qui il me plaira. Je suis majeur et mon propre maître. Vous m’avez désavoué au moins une douzaine de fois et m’avez très misérablement privé de monnaie. Voilà pourquoi vous n'avez aucune autorité, aucun droit sur moi, ni légal ni moral.

Si Oscar Wilde vous poursuivait pour diffamation devant les tribunaux criminels, vous seriez condamné à sept ans de servitude pénale pour vos outrageantes calomnies. Quoique je vous déteste au plus haut degré, je veux éviter cela pour l’amour de notre famille ; mais, si vous tentez de me molester, je me défendrai avec un revolver chargé, que je porte toujours sur moi, et, si je vous tue ou qu’il vous tue, nous serions complètement justifiés, agissant comme nous le ferions, en cas de légitime défense, contre une violente et dangereuse brute (a violent and dangereux rough), et je crois que, si vous mouriez, il n'y aurait pas beaucoup de monde qui vous regretterait.

Ah! c’est vraiment une chouette famille !
pourrait-on s’écrier, et, certes, dans son genre, elle est aussi curieuse que celle d’Alphonse, du Gros-Caillou :
Qu’était gentil, qu’on prenait pour un’ fille,
Tant il était et caressant et doux !

Hypocrisie anglaise

Il y a un aspect presque comique de ce scandale écœurant. C’est la hâte de la presse anglaise à rendre la France responsable de la gangrène sociale qui vient d’être mise à nu à Londres. « La voilà, l’influence française ! », s’écrient sans rire le Daily Telegraph, le Daily News et autres organes bien pensants. « Vices français », s’écriaient-ils à la suite des révélations du procès Dilke. — « Mœurs françaises », s’écriaient-ils durant la fameuse affaire Colin Campbell. Toujours, l’identique refrain. Faire servir chacune de leurs hontes à la démonstration de leur vertu, — quel patriotisme servi par quel trait de génie ! Il y a une chose qui, décidément, ne péril pas : l'humour britannique.

Il y a un aspect presque comique de ce scandale écoeurant. C'est la hâte de la presse anglaise à rendre la France responsable de la gangrène sociale qui vient d'être mise à nu à Londres. "La voilà, l'influence française!", s'écrient sans rire le Daily Telegraph, le Daily News et tous nos organes bien pensants. "Vices français", s'écriaient-ils à la suite des révélations du procès Dilke. - "Moeurs françaises", s'écriaient-ils durant la fameuse affaire Colin Campbell. Toujours, l'identique refrain. Je suis fier de l'habileté de mes compatriotes. Faire servir chacune de leurs hontes à la démonstration de leur vertu, - quel patriotisme servi par quel trait de génie! Il y a une chose qui, décidément, ne périt pas: l'humour britannique. Il n'a pas encore dit son dernier mot. On peut encore tirer de l'affaire Wilde une autre preuve de notre supériorité morale sur cette pelée, cette galeuse, qui s'appelle la France.

Tous les journaux anglais ont franchement publié le compte rendu de cette révoltante affaire in extenso, sans faire grâce à leurs lecteurs du plus ignoble de ses détails. Et les lecteurs se ruaient sur les journaux, comme pour un délicieux régal intellectuel. A Paris, on eût plaidé à huis clos. On aurait tout fait pour préserver de pareilles odeurs les narines délicates ; nul père de famille n’eût eu à trembler de voir le journal tomber sous les yeux de ses filles ou de ses fils.

Tous nos journaux ont franchement publié le compte rendu de cette révoltante affaire in extenso, sans faire grâce à leurs lecteurs du plus ignoble de ses détails. Et les lecteurs se ruaient sur les journaux, comme pour un délicieux régal intellectuel. A Paris, on êut plaidé à huis clos. On aurait tout fait pour préserver de pareilles odeurs les narines délicates; nul père de famille n'eût eu à trembler de voir le journal tomber sous les yeux de ses filles ou de ses fils. Vous voyez bien: l'hypocrisie nationale, si injustement imputés à l'Angleterre, est encore un vice français, secrètement naturalisé.

Et les Anglais parlent d’hypocrisie !

WILDE-SCANDAL
COMPLICATIONS
A big compromised character. — New Sensational Revelations. “Curious coincidences. — A letter from Lord Douglas.
(Special Homeland Service)

London, April 9. — Lord Alfred Douglas made many mysterious visits to the ministries yesterday. In the evening he went to the Home office, where he had a long talk with a senior official.

Rumor has it that Wilde has decided to make revelations and that a most influential character is involved in this despicable affair.

Yesterday's newspapers echoed the most sensational rumors and it is useless to hide the fact that people are wondering almost everywhere on which illustration the lightning will fall; there is definitely a storm in the air.

A newspaper makes the following remarks:

Sir Edward Clarke, solicitor-general of the last Conservative administration, one of the leaders of the Anglican clerical party in the House of Commons, represented, as we know, Mr. Wilde in the action for libel brought by the latter against Lord Queensberry. Sir Edward Clarke offers himself again—and free of charge—to defend Mr. Wilde.

However, by an unfortunate coincidence, at this moment, the divorce court is considering the request for restitution of marital rights formulated by the Countess Russell. The latter had, in defense of her case, when she filed a divorce suit against her husband, accused him of the same crime imputed to Mr. Wilde. She had brought this accusation only on the advice of Sir Edward Clarke, her defender. Decidedly, Sir Edward Clarke has the specialty of these sorts of trials—not very frequent in England, it seems to us.

nice company

During the trial the solicitor for the Marquess of Queensberry made a curious picture of the bizarre lair established by Wilde in Little College Street.

The curtains of the apartment were always drawn and moreover the windows were masked by thick and rich hangings. The rooms were sumptuously furnished. Various perfumes maintained a heady and irritating atmosphere. Daylight never entered it. The rooms were lit by candles or gas.

To the enumeration of Oscar Wilde's friends, the Marquis' lawyer added two servants, a certain Charley Parker and another named Scarfe.

In the presence of these revelations, one realizes the animosity of the marquis against M. Oscar Wilde, and the rather desperate means to which he had recourse to snatch his son from the influence of a manifestly compromising personality.

A lovely son

Here is a proof of the pernicious influence that Oscar Wilde exercised over Lord Douglas.

He wrote to his father:

As you return my unopened letters to me, I am obliged to send you a postcard. I write to inform you that I regard your absurd threats with complete indifference. Since your last scandal at the house of Oscar Wilde, I have made it a point of honor to appear with him in a large number of public establishments, such as the Berkeley, the Willis's Rooms, the Café Royal, &c. , etc., and I will continue to visit these establishments when and with whom I please. I am of age and my own master. You have disavowed me at least a dozen times and very miserably deprived me of change. That is why you have no authority, no right over me, neither legal nor moral.

If Oscar Wilde sued you for libel in the criminal courts, you would be sentenced to seven years in penal servitude for your outrageous libel. Although I hate you to the highest degree, I want to avoid this for the love of our family; but, if you try to molest me, I will defend myself with a loaded revolver, which I always carry with me, and, if I kill you or he kills you, we would be completely justified, acting as we would, in case of self-defence, against a violent and dangerous brute (a violent and dangerous rough), and I believe that, if you died, there would not be many people who would miss you.

Ah! It really is a great family!
one could exclaim, and, certainly, in its style, it is as curious as that of Alphonse, of Gros-Caillou:
What was nice, that we took for a girl,
So caressing and sweet he was!

English hypocrisy

There is an almost comic aspect to this sickening scandal. It is the haste of the English press to make France responsible for the social gangrene which has just been laid bare in London. “Here it is, the French influence! exclaim the Daily Telegraph, the Daily News and other well-meaning organs without laughing. "French vices", they exclaimed following the revelations of the Dilke trial. "French manners," they cried during the famous Colin Campbell affair. Always, the same refrain. To make each of their shame serve as a demonstration of their virtue—what patriotism served by what stroke of genius! There is one thing that definitely does not jeopardize: British humor.

All the English newspapers frankly published the account of this revolting affair in extenso, without pardoning their readers of the most ignoble of its details. And readers flocked to the newspapers, as if for a delicious intellectual treat. In Paris, we would have pleaded behind closed doors. We would have done everything to preserve delicate nostrils from such odors; no father of a family would have had to tremble to see the newspaper fall before the eyes of his daughters or his sons.

And the English speak of hypocrisy!

Document matches
None found