L’ACTUALITÉ
LES RÉCENTS CRIMES ET SCANDALES DU TROISIÈME SEXE
Conversation avec le docteur Toulouse, chef de clinique à Sainte-Anne. — Le scandale Oscar Wilde. — Le couple répugnant du crime de la rue Bleue. — Un assassinat ultra-passionnel rue de l’Université

Ce vieux monde deviendrait-il justiciable de la pluie de soufre qui détruisit Gomorrhe ? On est obsédé par les échos révoltants de crimes ou de bassesses accomplis par des êtres dont les luxures ont toutes les turpitudes. L’élégant Wilde apparaît au plein jour de l’actualité, escorté de ces comparses de son esthétique : les assassins de la concierge de la rue Bleue et les héros du crime de la rue de l’Université.

Tant que ce travers maladif, à la fange dont il est fécond, ne mêle pas le sang, il n’y a qu’à hausser les épaules ou à tourner la tête de dégoût. Cependant, l’on sait que ces attachements hors sexe sont gros d’aveugle haine, et que le crime sommeille dans les cœurs dépravés où croît l’impur amour.

En une même semaine, ces êtres répugnants font beaucoup trop parler d’eux, et l’on finirait par croire que l’Anglais n’est que logique en édictant avec une rigueur toute biblique des châtiments contre les dévoyés.

Les invertis devant la science

On voudrait savoir qu’ils ne sont, ces infâmes, qu’un petit groupe ; il faut bien admettre que leur nombre est au contraire assez élevé. Ulrichs, célèbre magistrat allemand, a demandé, pour cette raison, la reconnaissance officielle par l’Etat d’un troisième sexe qu’il nommait Urning. Les urnings contituent une collectivité pathologique importante.

MM. Charcot, Magnan et Tardieu ont essayé de définir ces excentriques, qui, dans l’instinct d’amour, n’estiment que l’anomalie. A moins qu’ils ne trouvent simplement dans cette pratique une voie pour leur industrie, mais ceux-là, mus par l’intérêt, ne sont que de faux invertis.

Le docteur Toulouse, chef de clinique à Sainte-Anne, qui a pu examiner souvent de ces tristes sires, nous disait qu’en ces crimes qui mettent en présence deux individus de cette catégorie, il est rare qu’il y en ait plus d’un qui soit sincère dans son abjection.

L’autre est un professionnel qui profite de l’aberration d'autrui qui en vit, ou un blasé rassasié et curieux, ou un snob qui sacrifie à la mode. Il n'y a chez ces derniers qu’une déviation temporaire.

Chez les autres, la déviation a un cachet de réelle mobilité. Alors, l’instinct naturel en lequel réside le principe de perpétuité de l’espèce, est étouffé, annulé par l’instinct parasite, qui s’est implanté dans l’organisme en maître.

« Ah ! ces invertis intransigeants et absolus dans leurs goûts sont bien réellement des êtres anormaux, s’écrie le docteur Toulouse. Ils nous appartiennent entièrement à nous aliénistes. Ils n’ont péché, ni par curiosité, ni par pose. Ils sont victimes d’une fatalité d’organisation inéluctable. Dans le grand bataillon de la folie, ils sont des unités nullement disparates. »

Leur état mental

Ce sont des espèces de femme dans des corps d’homme. La nature s’est trompée en les créant. Dès l’enfance, c'est visible, ils manifestent des penchants qui se rencontrent d’ordinaire dans le sexe auquel ils n’appartiennent pas ; ils partagent, garçons, les jeux des filles, bercent des poupées, et fuient les distractions violentes. Leur tenue offre une coquetterie puérile et sale, car ils ne dédaignent point les parfums, fût-ce sous la crasse. On prend pour une excessive pudeur, chez eux, ce qui est déjà la manifestation de l’instinct qui les déformera. Quelques-uns se fourvoient dans le mariage et s’aperçoivent trop tard de leur erreur par l’inévitable répugnance qu’ils éprouvent.

M. le docteur Toulouse aborde la psychologie de ces invertis qui appartiennent à la série criminelle.

« Leur amour morbide détermine, nous dit-il, une passion capable des pires forfaits. Remarquez que cette passion est souvent platonique. Il leur suffit d’écrire des déclarations brûlantes, de serrer la main amie, de plaire, de flatter, de combler d’attention et de services l’être choisi. Au fond, ce sont des femmes honnêtes; un peu sentimentales. »

Cette pratique tient peut-être à ce que, souvent, ils sont intelligents, cultivés. « Les observations que l'on a recueillies, ajoute le docteur Toulouse, ont plusieurs fois mis en scène des professeurs, des magistrats, des artistes, des diplomates. »

M. Camescasse se refusait à faire des rafles aux Tuileries. « Voulez-vous, disait-il, que je m’expose à me brouiller avec quelques-uns de ces messieurs de la justice ?..» Un lieu mal famé a joui longtemps d’une immunité particulière parce que l’ambassadeur d’une grande puissance s’y égarait. On craignait de l’englober dans un coup de filet maladroit.

Les infamies criminelles

« Le pire, c’est l’extrême cruauté de ces malheureux. Leurs sentiments sont chez les uns cupides, chez les autres barbares. Ceux qui sont cupides, ayant toute honte bue, font impitoyablement chanter leurs associés et victimes. Ils poussent la menace parfois jusqu’au meurtre. Les autres, les sincères, dans la violence de leur également, montrent une rage sanguinaire. La trahison les incite au crime et ils y procèdent avec une frénésie expressive.

» Si ce crime ne faisait de victimes qu’entre eux, le mal serait relatif, mais il fait des victimes en dehors d’eux, car ces couples, dénués de tout sens moral, sont capables des associations les plus affolantes. Le serment échangé, ils ne peuvent plus espérer aucun retour heureux, par une vanité explicable.

— Vous ne pensez pas, docteur, avec l’Allemand Ulrichs, que le troisième sexe sera jamais reconnu officiellement ?

— Non, les temps ne sont plus où un Héliogabale pouvait affirmer devant le peuple, saisi par la pompe d’une cérémonie inédite, la pittoresque grandeur d’une inversion impériale. De pareilles manifestations seraient vite réprimées, malgré le cynisme bien porté de quelques esthètes parisiens. Les crimes et les scandales en lesquels le troisième sexe s’accuse et les rèveries étranges de quelques dilettantes dévoyés ne doivent pas nous faire décréter en danger la moralité publique. »

NEWS
RECENT THIRD SEX CRIMES AND SCANDALS
Conversation with Doctor Toulouse, head of clinic at Sainte-Anne. — The Oscar Wilde scandal. — The disgusting couple from the crime of the rue Bleue. — An ultra-passionate assassination on rue de l'Université

Would this old world become liable to the sulfur rain which destroyed Gomorrah? We are obsessed with the revolting echoes of crimes or baseness accomplished by beings whose lusts have all the turpitudes. The elegant Wilde appears in the broad daylight of the news, escorted by these stooges of his aesthetic: the assassins of the concierge in the rue Bleue and the heroes of crime in the rue de l'Université.

As long as this sickly quirk, with the filth of which it is fertile, does not mix the blood, one has only to shrug one's shoulders or turn one's head in disgust. However, we know that these non-sex attachments are full of blind hatred, and that crime slumbers in depraved hearts where impure love grows.

In a single week, these repugnant beings make far too much talk of them, and one would end up believing that the Englishman is only logical in enacting, with quite biblical rigor, punishments against those who err.

Inverts in front of science

One would like to know that they are, these infamous, only a small group; it must be admitted that their number is on the contrary quite high. Ulrichs, a famous German magistrate, demanded, for this reason, the official recognition by the State of a third sex whom he named Urning. The urnings constitute an important pathological community.

MM. Charcot, Magnan and Tardieu have tried to define these eccentrics who, in the instinct of love, value only anomaly. Unless they simply find in this practice a way for their industry, but those, moved by interest, are only false inverts.

Doctor Toulouse, head of the clinic at Sainte-Anne, who was able to examine these sad men often, told us that in these crimes which bring together two individuals of this category, it is rare for there to be more than one. 'one who is sincere in his abjection.

The other is a professional who takes advantage of the aberration of others who live off it, or a jaded, satiated and curious, or a snob who sacrifices to fashion. In the latter there is only a temporary deviation.

In the others, the deviation has a mark of real mobility. Then, the natural instinct in which resides the principle of perpetuity of the species, is stifled, canceled by the parasitic instinct, which is implanted in the organism as master.

“Oh! these intransigent and absolute inverts in their tastes are really abnormal beings, exclaims Doctor Toulouse. They belong entirely to us alienists. They didn't sin, neither out of curiosity nor out of conceit. They are victims of an inevitable organizational fatality. In the great battalion of madness, they are by no means disparate units. »

their mental state

They are species of women in men's bodies. Nature was mistaken in creating them. From childhood, it is visible, they manifest inclinations which are usually found in the sex to which they do not belong; they share, boys, girls' games, rock dolls, and flee violent distractions. Their dress offers a childish and filthy coquetry, for they do not disdain perfumes, even under dirt. One takes for an excessive modesty, in them, what is already the manifestation of the instinct which will deform them. Some make mistakes in marriage and realize their error too late by the inevitable repugnance they experience.

Doctor Toulouse approaches the psychology of these inverts who belong to the criminal series.

“Their morbid love determines, he tells us, a passion capable of the worst crimes. Notice that this passion is often platonic. It is enough for them to write burning declarations, to shake hands with friends, to please, to flatter, to shower the chosen being with attention and services. Basically, they are honest women; a bit sentimental. »

This practice is perhaps due to the fact that they are often intelligent, cultured. “The observations that we have collected, adds Doctor Toulouse, have several times featured professors, magistrates, artists, diplomats. »

M. Camescasse refused to raid the Tuileries. "Do you want me to expose myself to falling out with some of these gentlemen of justice?" he said. a great power was lost there. We feared to include it in a clumsy dragnet.

The criminal infamies

“The worst thing is the extreme cruelty of these unfortunate people. Their sentiments are with some greedy, with others barbarous. Those who are greedy, having all shame drunk, ruthlessly blackmail their associates and victims. They sometimes push the threat to murder. The others, the sincere, in the violence of theirs also show a bloodthirsty rage. Betrayal incites them to crime, and they proceed with it with expressive frenzy.

If this crime made victims only between them, the evil would be relative, but it makes victims outside of them, because these couples, devoid of any moral sense, are capable of the most maddening associations. The oath exchanged, they can no longer hope for any happy return, through explicable vanity.

"Do you not think, doctor, with the German Ulrichs, that the third sex will ever be officially recognized?"

— No, the times are over when a Heliogabalus could affirm before the people, seized by the pomp of an unprecedented ceremony, the picturesque grandeur of an imperial inversion. Such demonstrations would be quickly repressed, despite the well-worn cynicism of some Parisian aesthetes. The crimes and scandals in which the third sex accuses itself and the strange reveries of a few misguided dilettantes should not make us decree that public morality is in danger. »

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