GAZETTE DES TRIBUNAUX
TRIBUNAUX ÉTRANGERS: L'affaire Oscar Wilde.
(Par dépêche de notre correspondant particulier.)

Londres, 19 avril.

Wilde et Taylor ont de nouveau comparu devant sir John Bridge à Bow Street, ce matin. Comme les précédentes fois, il y avait foule aux abords du Tribunal, et la salle d'audience était comble. Wilde avait l'air plus abattu encore que la dernière fois, le teint terreux, les yeux enfoncés dans l'orbite, la chevelure mal soignée, bref un aspect lamentable. Le premier témoin appelé fut Charles Parker, dont la déposition semblerait donner à l'accusation contre Taylor le caractère le plus grave. Le témoin a produit une sensation énorme en décrivant un épisode fantastique des relations de Taylor avec un jeune homme nommé Charles Mason. Ces deux individus auraient simulé une cérémonie de mariage: Taylor, vêtu en femme, faisant la mariée, et Mason, le marié. Cette odieuse parodie aurait été suivie d'un déjeuner nuptial. Le frère de Charles Parker, William, après avoir demandé s'il devait parler sans détour, a fait une déposition qui ne laissait rien à désirer au point de vue des détails les plus minutieux et les plus révoltants. De la déposition de ce témoin, il ressort que Taylor aurait tenté de se livrer sur lui à des pratiques abominables.

Après ces témoins, on en a entendu quelques autres dont les témoignages portaient sur des questions d'identité et de dates et la découverte de papiers compromettants. Il y avait longtemps que, dans une salle d'audience, on avait entendu un pareil déballage de turpitudes.

Les témoins entendus, sir John Bridge a renvoyé Wilde et Taylor devant la cour d'assises: Wilde, sous l'inculpation du délit d'actes de coupable indécence; Taylor, accusé de crime abominable. Cela étant, le premier est passible d'une peine de deux ans de travaux forcés au maximum, le second de dix ans de servitude pénale.

Sir John Bridge a refusé de laisser les accusés en liberté sous caution. Mais la détention préventive sera de courte durée si, comme il est probable, l'affaire est renvoyée aux prochaines assises, dont la session commence le 22.

Elle peut cependant être remise aux assises de mai.

Le bruit a couru aujourd'hui que la police aurait découvert d'autres preuves de crimes semblables contre pas mal de gens de tous les mondes et que de nouvelles poursuites allaient être commencées. Ce bruit n'est pas confirmé, et s'il y a lieu de croire qu'il est vrai quant aux faits, il est douteux que l'on poursuive, car parfois on éclabousse ainsi des gens très haut placés.

Les procès de ce genre ont alors pour résultat une recrudescence du vice que l'on veut faire disparaître et certaines turpitudes deviennent à la mode, comme cela s'est vu après certains procès retentissants.

P. Villas

COURTS GAZETTE
FOREIGN COURTS: The Oscar Wilde case.
(By dispatch from our private correspondent.)

London, April 19.

Wilde and Taylor again appeared before Sir John Bridge in Bow Street this morning. As on previous occasions, there were crowds around the Tribunal, and the courtroom was packed. Wilde looked even more dejected than the last time, his complexion dull, his eyes sunken in their sockets, his hair badly groomed, in short, a lamentable appearance. The first witness called was Charles Parker, whose testimony would seem to give the accusation against Taylor the most serious character. The witness produced an enormous sensation by describing a fantastic episode in Taylor's relations with a young man named Charles Mason. These two individuals would have simulated a wedding ceremony: Taylor, dressed as a woman, making the bride, and Mason, the groom. This odious parody would have been followed by a nuptial lunch. Charles Parker's brother, William, after being asked if he should speak bluntly, gave a deposition which left nothing to be desired in the most minute and revolting detail. From the testimony of this witness, it appears that Taylor would have tried to indulge him in abominable practices.

After these witnesses, we heard a few others whose testimonies related to questions of identity and dates and the discovery of incriminating papers. It had been a long time since, in a courtroom, we had heard such an unpacking of turpitudes.

The witnesses heard, Sir John Bridge committed Wilde and Taylor to the Assize Court: Wilde, on charge of the misdemeanor of guilty acts of indecency; Taylor, charged with a heinous crime. However, the former is liable to a maximum sentence of two years' hard labour, the latter to ten years' penal servitude.

Sir John Bridge refused to let the defendants out on bail. But the preventive detention will be short-lived if, as is likely, the case is referred to the next assizes, whose session begins on the 22nd.

It can, however, be postponed to the assizes in May.

It was rumored today that the police have discovered other evidence of similar crimes against many people from all over the world and that new prosecutions will be started. This noise is not confirmed, and if there is reason to believe that it is true as to the facts, it is doubtful that one continues, because sometimes one splashes people very high in this way.

Trials of this kind then result in a recrudescence of the vice that we want to eradicate and certain turpitudes become fashionable, as has been seen after certain resounding trials.

P.Villas

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