A PARIS ET AILLEURS
« WILDISME »

Avec sa passion pour les « malicieux assauts », selon l'euphémique et pittoresque expression du Code anglais, M. Oscar Wilde nous fait une étrange figure d'esthète.. Olys! ô lys!...

Avec sa passion pour les « malicieux assauts », selon l’euphémique et pittoresque expression du Code anglais, M. Oscar Wilde nous fait une étrange figure d’esthète... Olys ! ô lys !...

Ce poète, si fort épris de liliale candeur et de virginité qu'on le vit naguère déambuler à travers salons et brasseries, la fleur symbolique à la main, eût-on pu croire qu'il en arrivât jamais à ce degré d'ironie ?

Ce poète, si fort épris de liliale candeur et de virginité qu’on le vit naguère déambuler à travers salons et brasseries, la fleur symbolique à la main, eût-on pu croire qu’il en arrivât jamais à ce degré d’ironie ?

Mais, est-ce ironie, vraiment ?

Si l'ironie est chose discrète et légère, il ne semble pas qu'elle fût beaucoup dans les moyens de M. Wilde. Il posait pour le raffinement et le dandysme ; mais, il y avait trop d'affectation dans ses attitudes, trop de fracas dans ses gestes, trop de réclame autour de sa littérature. Il appuyait, à tout propos, britanniquement.

Si l’ironie est chose discrète et légère, il ne semble pas qu’elle fût beaucoup dans les moyens de M. Wilde. Il posait pour le raffinement et le dandysme ; mais, il y avait trop d’affectation dans ses attitudes, trop de fracas dans ses gestes, trop de réclame autour de sa littérature. Il appuyait, à tout propos, britanniquement.

Puffiste, plutôt qu'ironiste et dandy ; et beaucoup plus Oscar qu'esthète.

Puffiste, plutôt qu’ironiste et dandy ; et beaucoup plus Oscar qu’esthète.

* * *

On profite de sa mésaventure pour dauber une fois de plus sur l'hypocrisie de la pudique Albion. Il y a matière évidemment à grasses plaisanteries. Mais, il faut bien dire que la pudeur d'Albion, au point de vue de sa renommée, ne se portera pas plus mal — ni mieux — après qu'avant. Ce procès de Bowstreet ne nous apprend, sur certain côté des mœurs britanniques, rien qui ne nous fût connu. On nous fait le compte rendu public de quelques scènes d'une comédie qui se joue habituellement dans l'intimité : on proclame des noms d'acteurs premiers rôles ou comparses. Et voilà tout.

On profite de sa mésaventure pour dauber une fois de plus sur l’hypocrisie de la pudique Albion. Il y a matière évidemment à grasses plaisanteries. Mais, il faut bien dire que la pudeur d'Albion, au point de vue de sa renommée, ne se portera pas plus mal — ni mieux — après qu’avant. Ce procès de Bowstreet ne nous apprend, sur certain côté des moeurs britanniques, rien qui ne nous fût connu. On nous fait le compte rendu public de quelques scènes d’une comédie qui se joue habituellement dans l’intimité : on proclame des noms d’acteurs premiers rôes ou comparses. Et voilà tout.

Ce qu'il me ferait plaisir de savoir, dans le cas présent, c'est ce que pensent les jolies Anglaises qui avaient choisi M. Oscar Wilde pour guide intellectuel, pour directeur de leur conscience esthétique. Je m'imagine vaguement la tête que doit faire, depuis huit jours, dans son manoir ou son cottage provincial, la Laura Lakspirit qui écrivit naguère la lettre dithyrambique dont j'ai parlé ici. M. Oscar Wilde était, déclarait-elle, son prophète et son maître élu, elle ne jurait plus que par lui, parce que c'était un homme charmant, libre de préjugés, dédaigneux des pudeurs surannées.

Ce qu’il me ferait plaisir de savoir, dans le cas présent, c’est ce que pensent les joiies Anglaises qui avaient choisi M. Oscar Wilde pour guide intellectuel, pour directeur de leur conscience esthétique. Je m’imagine vaguement la tête que doit faire depuis huit jours, dans son manoir ou son cottage provincial, la Laura Lakspirit qui écrivit naguère la lettre dithyrambique dont j’ai parlé ici. M. Oscar Wilde était, déclarait-elle, son prophète et son maître élu, elle ne jurait plus que par lui, parce que c’était un homme charmant, libre de préjugés, dédaigneux des pudeurs surannées.

Ce sont là, certes, des raisons péremptoires pour décider une femme. Incontestablement, avec ses qualités éclatantes, avec sa grâce et sa séduction, goûté comme il l'était, M. Oscar Wilde se trouvait mieux en posture que personne pour promulguer des credos esthétiques. Et ces credos, tombés de ses lèvres, pieusement recueillis, devaient lui conquérir d'enthousiastes adeptes, courber, au souffle de sa parole, les plus jolis fronts.

Ce sont là, certes, des raisons péremptoires pour décider une femme. Incontestablement, avec ses qualités éclatantes, avec sa grâce et sa séduction, goûté comme il l’était, M. Oscar Wilde se trouvait mieux en posture que personne pour promulguer des credos esthétiques. Et ces credos, tombés de ses lèvres, pieusement recueillis, devaient lui conquérir d’enthousiastes adeptes, courber, au souffle de sa parole, les plus jolis fronts.

Cependant, en fait de plastique, M. Oscar Wilde témoigne de prédilections un peu déconcertantes pour ses dévotes. Au cas meme ou Mme Laura Lakspirit et ses coreligionnaires en « Wildisme » ne feraient partie d'aucune ligue féministe, n'auraient engagé, au nom de la dignité de leur sexe, aucune lutte contre l'injuste et accapareuse tyrannie des hommes, je doute fort que les accusations formulées par lord Queensberry et les révélations du procès les laissent indifférentes et ne troublent pas un peu leur foi.

Cependant, en fait de plastique, M. Oscar Wilde témoigne de prédilections un peu déconcertantes pour ses dévotes. Au cas même où Mme Laura Lakspirit et ses coreligionnaires en « Wildisme » ne feraient partie d’aucune ligue féministe, n’auraient engagé, au nom de la dignité de leur sexe, aucune lutte contre l’injuste et accapareuse tyrannie des hommes, je doute fort que les accusations formulées par lord Queensberry et les révélations du procès les laissent indifférentes et ne troublent pas un peu leur foi.

Et puis les principes mêmes de l'esthétique de M. Wilde et le beau dédain qu'il affichait pour quiconque n'était pas son admirateur, prêtent à son affaire un intérêt singulièrement aigu et amusant. On ne peut oublier que le poète proclamait, il y a quelques semaines, ce solennel aphorisme : « Il n'y a que les médiocrités qui progressent. » Et il ajoutait qu'un homme comme lui, à toutes les dates de sa carrière, est constamment égal à lui-même, Il n'a pas progressé. Il fut ainsi, toujours.

Et puis les principes mêmes de l’esthétique de M. Wilde et le beau dédain qu’il affichait pour quiconque n’était pas son admirateur, prêtent à son affaire un intérêt singulièrement aigu et amusant. On ne peut oublier que le poète proclamait, il y a quelques semaines, ce solennel aphorisme : « Il n’y a que les médiocrités qui progressent. » Et il ajoutait qu’un homme comme lui, à toutes les dates de sa carrière, est constamment égal à lui-même. Il n’a pas progressé. Il fut ainsi, toujours.

Allons, c'est bien, l'esthétisme de M. Wilde est un cercle dont le centre est partout, — pas tout a fait, tout de même, il le choisissait — et la circonférence nulle part.

Allons, c’est bien. L’esthétisme de M. Wilde est un cercle dont le centre est partout, — pas tout à fait, tout de même, il le choisissait — et la circonférence nulle part.

C'est pour cela, sans doute, qu'on le prétendait divin.

Faut-il dire que cette divinité était pure littérature ?

La littérature n'a rien fait pour être rendue responsable d'un tel ridicule. Ni l'art, non plus.

La littérature n’a rien fait pour être rendue responsable d’un tel ridicule. Ni l’art, non plus.

Certes, il y a à Paris, comme à Londres, des bandes de petits dieux et des troupeaux de vagues déesses qui, plus ou moins « wildisent », s'érigent ou se couchent en de snobiques paradis d'où ils fuminent, Jéhovahs sans souffle, de mystiques décalogues.

Certes, il y a à Paris, comme à Londres, des bandes de petits dieux et des troupeaux de vagues déesses qui, plus ou moins « wildisent ». s’érigent ou se couchent en de snobiques paradis d’où ils fuminent, Jéhovahs sans souffle, de mystiques décalogues.

Ces dieux et ces déesses sont étonnamment inféconds. M. Brunetière, qui leur fut d'abord violemment hostile, leur souriait un peu, depuis quelque temps. M. de Vogüé lui avait parlé pour eux. Mais leur impuissance est désastreuse. M. Brunetière attendait de ces dieux un argument en faveur de la Création, au moins de la création esthétique ! Ah ! bien oui.

Ces dieux et ces déesses sont étonnamment inféconds. M. Brunetière, qui leur fut d’abord violemment hostile, leur souriait un peu, depuis quelque temps. M. de Vogüé lui avait parlé pour eux. Mais leur impuissance est désastreuse. M. Brunetière attendait de ces dieux un argument en faveur de la Création, au moins de la création esthétique ! Ah ! bien oui.

Mais, ce n'est pas une raison pour dauber sur l'art et sur les lettres. Ce n'est pas une raison pour exécuter sur le mouvement préraphaélite, ni telle ou telle école, dont M. Oscar Wilde a pu se réclamer.

Mais, ce n’est pas une raison pour dauber sur l’art et sur les lettres. Ce n’est pas une raison pour exécuter sur le mouvement préraphaélite, ni telle ou telle école, dont M. Oscar Wilde a pu se réclamer.

« Je ne fais rien que d'extraordinaire », a-t-il dit au juge.

C'est un mot de Dieu. Brûlons lui des parfums, et que tout soit dit.

C’est un mot de Dieu. Brûlons lui des parfums, et que tout soit dit.

B. Guinaudeau.

IN PARIS AND ELSEWHERE
“WILDISM”

With his passion for “malicious assaults”, to use the euphemistic and picturesque expression of the English Code, Mr. Oscar Wilde makes us look like a strange esthete. Olys! O lily!...

This poet, so much in love with lilial candor and virginity that he was once seen strolling through salons and brasseries, the symbolic flower in his hand, could one have believed that he would ever arrive at this degree of irony?

But, is it irony, really?

If irony is a discreet and light thing, it does not seem that it was much within Mr. Wilde's means. He posed for refinement and dandyism; but there was too much affectation in his attitudes, too much noise in his gestures, too much publicity around his literature. He supported, in all respects, British.

Puffist, rather than ironist and dandy; and much more Oscar than esthete.

* * *

We take advantage of his misadventure to dauber once again on the hypocrisy of the modest Albion. Of course there is plenty to joke about. But, it must be said that Albion's modesty, from the point of view of his fame, will not be worse off — nor better — afterwards than before. This Bowstreet trial teaches us nothing about certain aspects of British morals that we did not know. We are given a public account of a few scenes from a comedy that is usually played in private: the names of leading actors or sidekicks are proclaimed. And that's all.

What I would like to know, in the present case, is what the pretty English women think who had chosen Mr. Oscar Wilde as their intellectual guide, as the director of their aesthetic conscience. I vaguely imagine the face that Laura Lakspirit, who once wrote the dithyrambic letter of which I have spoken here, must have been doing for the past week in her manor or her provincial cottage. Mr. Oscar Wilde was, she declared, her prophet and her chosen master, she no longer swore by him, because he was a charming man, free from prejudice, disdainful of outdated modesty.

These are, of course, peremptory reasons for deciding on a woman. Unquestionably, with his dazzling qualities, with his grace and his seduction, tasted as he was, Mr. Oscar Wilde was in a better position than anyone to promulgate aesthetic creeds. And these creeds, which fell from his lips, piously collected, were to conquer for him enthusiastic followers, to bow, at the breath of his words, the prettiest brows.

However, when it comes to plastic, Mr. Oscar Wilde shows somewhat disconcerting predilections for his devotees. Even if Mrs. Laura Lakspirit and her co-religionists in "Wildism" would not belong to any feminist league, would not have engaged, in the name of the dignity of their sex, any fight against the unjust and monopolizing tyranny of men, I I doubt very much that the accusations formulated by Lord Queensberry and the revelations of the trial leave them indifferent and do not disturb their faith a little.

And then the very principles of Mr. Wilde's aesthetics and the fine disdain he displayed for anyone who was not his admirer, lends his affair a singularly acute and amusing interest. One cannot forget that the poet proclaimed, a few weeks ago, this solemn aphorism: "Only mediocrity progresses." And he added that a man like him, at all the dates of his career, is constantly equal to himself. He hasn't progressed. It was thus, always.

Come on, that's good, M. Wilde's aestheticism is a circle whose center is everywhere—not quite, all the same, he chose it—and the circumference nowhere.

It is for this reason, no doubt, that he was claimed to be divine.

Must we say that this divinity was pure literature?

Literature has done nothing to be blamed for such ridicule. Nor art, either.

Admittedly, there are in Paris, as in London, bands of little gods and flocks of vague goddesses who, more or less "wildize", set themselves up or lie down in snobic paradises from which they smoke, Jehovahs without breath, mystical decalogues.

These gods and goddesses are surprisingly fruitless. M. Brunetiere, who at first was violently hostile to them, had been smiling at them a little for some time. M. de Vogüé had spoken to him for them. But their impotence is disastrous. M. Brunetière expected from these gods an argument in favor of Creation, at least of aesthetic creation! Ah! good yes.

But that's no reason to gossip about art and literature. This is not a reason to run on the pre-Raphaelite movement, nor this or that school, which Mr. Oscar Wilde could claim.

"I'm not doing anything but extraordinary," he told the judge.

It is a word of God. Let's burn perfumes on him, and let it all be said.

B. Guinaudeau.