Au jour le jour
UNE PÉTITION

Une vaillante petite revue, rédigée par de vrais jeunes et où grandissent des talents qui feront du bruit demain, — la Plume, — vient d’avoir une noble et courageuse idée. Pour mettre un terme à l’infamie légale qui se poursuit à Londres depuis bientôt un an, pour arracher de sa prison un écrivain dont la faute eût revelé chez nous de la police correctionnelle et que les magistrats anglais ont assimilée à un odieux forfait, la Plume fait appel à des écrivains, à des poètes. Une pétition va circuler dans tous les milieux d’art et de lettres, et des noms viendront s’y inscrire, qui sont célèbres et partout respectés. Déjà Emile Zola, Alphonse Daudet, François Coppée, Octave Mirbeau, J.-M. De Heredin, en France ; Swinburne, Owen Meredith, Thomas Hardy, Henry James, William Blach, en Angleterre, sont prêts à réunir leurs protestations éloquentes en faveur d’Oscar Wilde.

Il ne s’agit pas, bien entendu, de défendre le polisson immonde qui s’amusait là où d’autres auraient eu des nausées ; le cas de ce malheureux esthète ne saurait éveiller la moindre sympathie : notre pays n’aime pas les choses et les gens qui vont à rebours, et les esthétiques les plus extravagantes ne sont défendables qu’à la condition de ne rien prendre à l’envers.

Mais la pétition qui va circuler demain, laissant de côté l’homme, qui est méprisable, ne veut voir que la victime de la Loi. Ce n’est plus du débauché qu’il est question, mais de l’homme que peu à peu l’on assassine ; du prisonnier que les geôliers torturent, et qui, dans le cachot de Pentonvile, laissera, si l’on n’en ouvre tout de suite les portes, ou son cadavre ou sa raison.

Et pour défendre ce malheureux qui fut poète, des poètes vont se lever. Leur voix parlera d’humanité méconnue, de pitié et de pardon ; elle dira des paroles miséricordieuses ; elle sera éloquente parce qu’elle proclamera des pensées justes. Et vous verrez que la justice anglaise ne les entendra pas.

Car ce pays, qui se pique de marcher à la tête du progrès, dont le drapeau ambitieux flotte sous toutes les latitudes, est resté fermé aux idées généreuses : il a beau voyager sur tous les océans, étudier les continents lointains, se pencher sur les civilisations nouvelles, un seul résultat l’intéresse : celui qui touche la prospérité de son commerce e l’augmentation de ses revenus. D’idées larges, de sentiments élevés, il n’en a pas, il n’en aura jamais. Les poètes et la poésie n’ont rien à voir dans cette nation essentiellement prosaïque ; et les vers, là-bas, sont une langue que personne ne parle et ne comprend.

Et c’est pour cela que la pétition de la Plume sera sans résultat.

Mais elle circulera tout de même, cette page que couvriront bientôt des signatures illustres ; elle dira des vérités qui ne seront pas entendues, mais qui auront pourtant des échos. Et cette pétition repoussée sera un affront pour la magistrature anglaise, qui ferme l’oreille à des protestations d’écrivains et de poètes pour ne l’ouvrir sans doute qu’à des plaintes de commis-voyageurs.

Jean Bavard.

Day by day
A PETITION

A valiant little magazine, written by real young people and where talents are growing that will make noise tomorrow, — La Plume, — has just had a noble and courageous idea. To put an end to the legal infamy which has been going on in London for nearly a year, to tear from his prison a writer whose fault would have been revealed to us by the correctional police and whom the English magistrates have assimilated to an odious crime, the Plume calls on writers and poets. A petition will circulate in all circles of art and letters, and names will come to register, which are famous and everywhere respected. Already Emile Zola, Alphonse Daudet, François Coppée, Octave Mirbeau, J.-M. De Heredin, in France; Swinburne, Owen Meredith, Thomas Hardy, Henry James, William Blach, in England, are ready to unite their eloquent protests in favor of Oscar Wilde.

It is not, of course, a question of defending the filthy prank who amused himself where others would have had nausea; the case of this unfortunate esthete cannot arouse the slightest sympathy: our country does not like things and people who go backwards, and the most extravagant aesthetics are only defensible on the condition of taking nothing at face value. towards.

But the petition that will circulate tomorrow, leaving aside the man, who is despicable, only wants to see the victim of the law. It is no longer the debauchee that is in question, but the man who is being murdered little by little; of the prisoner whom the jailers torture, and who, in the dungeon of Pentonvile, will leave, if the doors are not immediately opened, either his corpse or his reason.

And to defend this unfortunate who was a poet, poets will rise up. Their voice will speak of unrecognized humanity, of pity and forgiveness; she will speak merciful words; it will be eloquent because it will proclaim righteous thoughts. And you will see that English justice will not hear them.

Because this country, which prides itself on marching at the head of progress, whose ambitious flag flies in all latitudes, has remained closed to generous ideas: in vain it travels on all the oceans, studies distant continents, leans on the new civilizations, only one result interests him: that which affects the prosperity of his trade and the increase in his income. Broad ideas, lofty feelings, he has none, he never will. Poets and poetry have nothing to do with this essentially prosaic nation; and verse over there is a language that no one speaks and understands.

And that is why La Plume's petition will be without result.

But it will circulate all the same, this page which will soon be covered by illustrious signatures; she will speak truths which will not be heard, but which will nevertheless have echoes. And this rejected petition will be an affront to the English magistracy, which closes its ears to the protests of writers and poets to open it no doubt only to complaints from traveling salesmen.

John Talker.

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