Journal des débats politiques et littéraires - Tuesday, November 26, 1895

Un rédacteur du Gaulois a interviewé, au sujet de la pétition en faveur de M. Oscar Wilde, M. Emile Zola, dont les promoteurs de l'idée tiennent surtout à avoir la signature:

–Eh bien ! mon cher maître, avez-vous signé la pétition en faveur d'Oscar Wilde ?

Non, et cela pour la bonne raison qu'on ne me l'a pas encore présentée.

« Et puis la signerai-je? Pourquoi? Avec qui? Quels en seront les termes? J'ai bien vu le texte que vous avez publié, mais celui-là je ne le signerai pas. Il me parait, en effet, inutile d'envisager le degré de culpabilité, -- même dans un sens favorable à Oscar Wilde.

« Du reste, je me demande pourquoi les écrivains français commenceraient plutôt que les Allemands, par exemple, et surtout plutôt que les Anglais? Enfin de qui émane la pétition ? De quel clan ? Veut-on se servir de notre nom pour se tailler une carte réclame sur le dos du prisonnier ? Autant de questions que je poserai avant de signer quoi que ce soit.

« Car, pour tout dire, je vois là trop de littérature, et pas assez d'humanité... Et j'ai peur d'être dupe ! »

La République Française - Wednesday, November 27, 1895

Du même journal, une brève interview de M. Emile Zola au sujet de cette étrange pétition qu’un certain nombre d’écrivains veulent adresser au gouvernement anglais en faveur de l’est hôte Oscar Wilde.

— Eh bien ! a demandé notre confrère au célèbre romancier, avez-vous signé la pétition en faveur d’Oscar Wilde ?

— Non, et cela pour la bonne raison qu'on ne me l’a pas encore présentée.

Et puis la signerai-je? Pourquoi? Avec qui ?

Quels en seront les termes ? J’ai bien vu le texte que vous avez publié, mais celui-là je ne le signerai pas. Il me parait, en effet, inutile d’envisager le degré de culpabilité — même dans un sens favorable à Oscar Wilde.

Du reste, je me demande pourquoi les écrivains français « commenceraient », plutôt que les Allemands par exemple, et surtout plutôt que les Anglais ? Enfin de qui émane la pétition? I)e quel clan ? Veut-on se servir de notre nom pour se tailler une carte-réclame sur le dos du prisonnier ? Autant de questions que je poserais avant de signer quoi que ce soit.

Car, pour tout dire, je vois là trop de littérature et pas assez d’humanité... Et j’ai peur d’ètre dupe !

Il nous semble bien que M. Emile Zola a mis, comme dit l’autre, dans le mille : tout comme à lui, l’affaire nous semble une bonne petite réclame organisée par des gens qui en ont sans doute besoin. Toutefois, le prétexte nous parait plus que bizarrement choisi.

L. Gondrecourt.

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