Le Matin - Friday, August 2, 1895

LE HAVRE, 1er août. -- D'un correspondant. Lord Alfred Douglas, dont le Journal du Havre a signalé la présence dans notre ville, adresse au directeur de ce journal la lettre suivante :

1er août, boul. François-Ier, no 60. Monsieur,

Je viens de lire dans votre journal des choses insultantes que vous avez écrites sur moi.

Pour moi, qui a déjà tant souffert, ça ne fait absolument rien du tout, si un petit journal provincial accuse de tous les crimes qu'on peut s'imaginer mais pour mon petit mousse, ce pauvre innocent, et les autres braves gens, ses amis, dont vous parlez si légèrement, ça doit être autre chose.

Constatons, Monsieurs, que j'ai loué un petit yacht et que j'ai aussi engagé un mousse et que j'ai fait dans ce yacht et avec ce mousse et un de ses camarades et avec plusieurs des pécheurs du Havre qui ont l'habitude de promenader les étrangers, plusieurs promenades en mer; est-ce là une raison pour insulter et salir, je ne dis pas moi, mais ces autres braves gens, vos compatriotes.

Pour moi, c'est déjà trop évident que tous le monde a le droit de m'insulter et de m'injurier parce que je suis l'ami d'Oscar Wilde.

Voilà mon crime, non pas que j'étais son ami, mais que je le suis toujours, et que je le serai jusqu la'mort (et même après, si Dieu le veut). Eh bien monsieur, ça n'entre pas dans mon système de moraliser, de lâcheur un ami, ni de renier même si cet ami est en prison ou dans l'enfer.

Peut-être que j'ai tort, mais en tout cas je préfère consulter ma conscience que celle du Journal du Havre.

Agréez, monsieur, mes compliments et mes excuses pour les fautes que j'ai sans doute fait dans une langue étrangère.

Le Temps - Saturday, August 3, 1895

UNE LETTRE DE LORD DOUGLAS. L'ami d'OScar Wilde a adressé au Journal du Havre la lettre suivante que nous reproduisons à titre de curiosité:

1er août. Boulevard François-Ier, 66. Monsieur,

Je viens de lire dans votre journal les choses insultantes que vous avez écrit sur moi. Pour moi qui a déjà tant souffert, ça ne fait absolument rien du tout si un petit journal provincial m'accuse de tous les crimes qu'on peut s'imaginer, mais pour mon petit mousse, ce pauvre innocent, et les autres braves gens, ces « amis » dont vous parlez si légèrement, ça doit être autre chose. Constatons, monsieur, que j ai loué un petit yacht et que j'ai aussi engagé un mousse, et que j'ai fait dans ce yacht et avec ce mousse et un de ses camarades, et avec plusieurs des pficheurs du Havre qui ont l'habitude de promenader les étrangers, plusieurs promenades en mer; est-ce là une raison pour insulter et salir, je ne dis pas moi, mais ces autres braves gens vos compatriotes?

Pour moi, c'est déjà trop évident que tous le monde a le droit de m'insulter et de m'injurier, parce que je suis l'ami d'Oscar Wilde. Voila mon crime, non pas que j'étais son ami mais que je le suis toujours, et que je le serai jusqu'à la mort (et même après si Dieu veut).

Et bien, monsieur, ça n'entre pas dans mon système de moralité de lâcher un ami ni de le renier, même si cet ami est en prison ou dans l'enfer.

Peut-être que j'ai tort, mais en tout cas, je préfère consulter ma conscience que celle du Petit Havrais. Agréez, monsieur, mes compliments et mes excuses pour les fautes que j'ai sans doute fait dans une langue étrangère.

ALFRED DOUGLAS.

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