La Petite Gironde - Saturday, May 25, 1895

Ce n’est pas à celui de ses fils qui a été mêlé à l’affaire Oscar Wilde, mais à son fils aîné, lord Douglas of Hawick, que le marquis de Queensbury a administré dans la rue une volée mémorable. Mon collaborateur Marsolleau vous en a parlé hier, d’après les premières dépêches. Mais les renseignements se complètent et se précisent. Ils sont d'une saveur réjouissante dans leur simplicité.

La cause de la querelle, d’abord. Le marquis de Queensbury écrivait à la femme de son fils aîné des lettres d’une obscénité et d’une grossièreté révoltantes. Lord Douglas rencontre son père dans Piccadilly, à l’angle de Bow-Street, lui reproche sa conduite et le menace de le châtier.

Ici la scène devient très anglaise. On voit les adversaires se camper en position de boxe. C’est ce que traduit bien une correspondance adressée de Londres aux Débats :

« Le marquis répondit qu’il était prêt à combattre son fils partout et en tout temps, mais qu’il désirait éviter une scène dans la rue.

» En même temps, le père et le fils levèrent leurs parapluies et, sans plus de paroles, le marquis porta soudain à lord Alfred un formidable coup. Une lutte s’ensuivit, et le jeune homme eut son chapeau renversé, tandis que le marquis, voulant éviter une violente attaque de son fils, allait tomber dans les bras d’un policeman.

» Comme c’est l’habitude en ces sortes d’incidents, le principal dommage a été infligé à la tierce-partie, à l’infortuné policeman, qui reçut un énorme soufflet sur la bouche et fut jeté à terre. A ce moment, cette partie de l’incident prit fin ; mais ce n’était pas tout.

» Quand le marquis traversa Bow-Street, il fut suivi par lord Douglas qui reprit les hostilités. Cette fois, l’assaut fut encore plus violent et furieux que le premier. Le marquis déploya beaucoup plus d’habileté que son fils et, en fin de compte, il s’en tira beaucoup mieux, car lord Alfred Douglas reçut une sérieuse volée et, sans parler d’autres blessures, il eut un oeil affreusement poché.

» Cependant, la police arriva en force et les combattants furent conduits au poste de police de Vine-Street, où le marquis exprima encore l’opinion que, malgré la différence d’âge, il aurait battu son fils sans difficulté. »

Vous voyez : le point de vue sportif, si j’ose m’exprimer ainsi, parait seul en cause ; le point de vue familial est secondaire. Qui a le mieux boxé ? That is the question. Aussi, le jeune Douglas, l’ami d’Oscar Wilde, qui est en ce moment à Rouen, en écrivant aux journaux, au Figaro et au Temps, pour rectifier la confusion faite entre son frère et lui, s’exprime ainsi :

« Ce n’est pas moi, malheureusement, qui s’est (sic) battu avec lord Queensbury... »

Et il ajoute qu’il regrette vivement de n’avoir pu « corriger » de sa main le marquis son père.

Au reste, le tribunal de police devant lequel ont comparu lord Queensbury et son fils aîné pour désordre dans la rue ne paraît pas se faire illusion sur l’esprit qui anime les membres de cette noble famille. Il a condamné les boxeurs à fournir une caution de cinq cents livres comme garantie que « pendant six mois il ne se produirait pas de querelle entre eux en public. »

Sans commentaires. Mais la famille Alphonse, du Gros-Caillou, remonte dans mon estime !

P. B.

Journal des débats politiques et littéraires - Wednesday, May 22, 1895

Le scandale Wilde a eu, hier soir, une conséquence singulière pour le marquis de Queensberry et son fils, lord Alfred Douglas. Ces deux gentlemen ont été arrêtés dans Piccadilly pour désordre et rixe sur la voie publique.

Le marquis et lord Alfred Douglas se rencontrèrent dans Piccadilly, à l'angle de Bond-Street, et le fils commença la querelle en demandant avec éclat à son père quelle avait été son intention en écrivant certaines lettres et s'il était résolu à les cesser. Il fit même remarquer qu'il serait en droit de châtier le marquis de ce procédé. Ce dernier répondit qu'il était prêt à combattre son fils partout et en tout temps, mais qu'il désirait éviter une scène dans la rue.

En même temps, le père et le fils levèrent leurs parapluies et, sans plus de paroles, le marquis porta soudain à lord Alfred un formidable coup. Une lutte s'ensuivit, et le jeune homme eut son chapeau renversé, tandis que le marquis, voulant éviter une violente attaque de son fils, allait tomber dans les bras d'un policeman. Comme c'est l'habitude en ces sortes d'incident, le principal dommage a été infligé à la tierce-partie, à l'infortuné policeman qui reçut un énorme soufflet sur la bouche et fut jeté à terre. A ce moment, cette partir de l'incident prit fin; mais ce n'était pas tout.

Quand le marquis traversa Bond-Street, il fut suivi par lord-Alfred Douglas qui reprit les hostilités. Cette fois, l'assaut fut encore plus furieux que le premier. Le marquis déploya beaucoup plus d'habileté que son fils et, en fin de compte, il s'en tira beaucoup mieux, car lord Alfred Douglas reçut une sérieuse volée et, sans parler d'autres blessures, il eut un oeil affreusement poché.

Cependant la police arriva en force et les combattants furent conduits au poste de police de Vine-Street, où le marquis exprima encore l'opinion que, malgré la différence d'âge, il aurait battu son fils sans difficulté.

En réponse aux questions de l'officier de police, il refusa absolument de porter plainte contre son fils pour voies de fait, et lord Alfred Douglas observa la même attitude.

Après quelques explications, les deux gentlemen furent relaxés moyennant caution, de 40 shillings chacun, et comparaîtront aujourd'hui devant le tribunal de police de Marlborough-Street, sous la prévention de désordre et rixe. En sortant du bureau de police, ils appelèrent des fiacres et s'éloignèrent.

Cet incident a été, hier soir, le sujet de toutes les conversations dans le monde des Clubs.

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