Compare Paragraphs
This page compares two reports at the paragraph level. The column on the left shows the first report in its entirety, and the column in the middle identifies paragraphs from the second report with significant matching content. The column on the right highlights any differences between the two matching paragraphs: pink shows differences in the first report and purple in the second report. The Match percentage underneath each comparison row in this column shows the percentage of similarity between the two paragraphs.
Original paragraph in
Le Jour - Wednesday, May 29, 1895
Le Jour - Wednesday, May 29, 1895
Most similar paragraph from
Le XIXe Siècle - Tuesday, June 4, 1895
Le XIXe Siècle - Tuesday, June 4, 1895
Difference
Inutile de chercher dans notre langue un mot pour traduire cette chose. Le « Hard Labour » est une invention anglaise, et je ne voudrais
pas qu'il y eût dans d'autres idiomes un synonyme pour dire ce que c'est. Cela appartient en propre à un pays qui se pique de civilisation et de
libéralisme ; cela tient de la place dans un Code que de savants législateurs ont rédigé.
Et voici ce qu'on appelle, de l'autre côté de la Manche, le « Hard Labour ». Au milieu d'une prison dont les hautes murailles ont des
airs de forteresse, une roue gigantesque est placée. On dirait la roue d’un bateau à vapeur. Les rayons de cet immense cylindre ont une longueur de quatre
mètres et le circonférence est divisée en palettes, dont l’extrémité supérieure aboutit à des cellules étroites disposées comme les marches fuyantes d'un
escalier.
Pour actionner cette énorme machine, qui nuit et jour fonctionne, la vapeur est dédaignée : ce sont des êtres humains qui le poussent, de
misérables créatures à qui la loi anglaise impose ce dur travail : hard labour. Suspendus des deux mains à des anneaux qui se balancent sur leur tête, les
forçats de cet affreux labeur s'agitent dans le vide, poussant du pied les lourdes palettes. Et nul ne voit leur tête douloureuse, car les cachots où ils
se tiennent les dérobent à toute curiosité.
Et dans te morne silence de la prison, la roue tourne, tourne ; et l'on entend, mélés au grondement sourd de l’hélice, les soupirs, les
plaintes étouffées des condamnés. Défense aux pieds meurtris qui s'agitent là-haut, en cadence, de s’arrêter un instant ; des gardiens sont là qui
veillent, le fouet à la main, et qui d’un coup de lanière réveillent les membres saignants et engourdis. Défense de jeter un cri de douleur, de pousser,
dans cet affreux martyre, les protestations déchirantes de tout être qui souffre et ne veut plus souffrir. Il faut que l’atroce besogne continue ; il faut
que la machine marche, arrachant les orteils, écorchant la peau, brisant au besoin quelque chose si le mouvement du condammné est trop lent ou
maladroit.
Et lorsque, pendant trois heures, le moulin de la discipline, tread mill, a tourné, le condamné quitte sa geôle, ou plutôt le
garde-chiourme l'en retire; car le misérable n'a plus de forces : accablé, geignant, perclus, il se traîne, lamentable, prét à succomber à chaque pas sous
la poussée de la brute qui l’emmène.
Alors, le châtiment n‘est pas fini: il recommence sous une autre forme. Dans une cellule, puante, et où la lumiére et l’air n'entrent
qu’a regret, le condamné s’assied par terre, ayant à ses côtés de vieux cordages de la marine. Il faut que ces cordages, goudronnés, longs et lourds,
deviennent de l'étoupe, et les doigts du forçat sont faits pour cette besogne. Les ongles saignent, le sang coule, les muscles de la main se raidissent à
ce travail de bête de somme: et tout le long de la journée ces gros câbles durs comme la pierre, seront le prétexte d'un travail inutile et
douloureux.
Puis, quand cette journée de supplice est finie, qu'il n'est plus possible d’exiger de la bête humaine le moindre effort, l'heure du
repos arrive: du pain sec, un morceau de graisse sont jetés au forçat par un vasistas, comme on jette derrière une grille un morceau de viande à un fauve.
Et dans un angle du cachot, un lit de camp en bois, sans matelas, avec une seule couverture, attend le malheureux qui s‘endort, et voudrait ne plus se
réveiller.
Enfin, quand cette journée de supplice est finie, qu'il n'est plus possible d'exiger de la bête humaine le moindre effort, l'heure du
repos arrive : du pain sec, un morceau de graisse sont jetés au forçat par un vasistas, comme on jette derrière une grille un morceau de viande à un
fauve. Et dans un angle du cachot, un lit de camp en bois, sans matelas, avec une seule couverture, attend le malheureux qui s'endort, et voudrait ne plus
se réveiller.
Voila ce que c'est que le « Hard Labour »; institution anglaise, inscrite dans les lois du gouvernement de la Reine pour punir, les
malfaiteurs. Et voila de quel châtiment a eté frappé l'esthète Oscar Wilde, pour avoir commis un attentat aux moeurs.
Et devant une pareille infamie légale, je me demande si cela se passe en Europe, à la fin d’un siècle qui se prétend civilisé. Faut-il,
en présence de ce supplice, que l'Inquisition oublia, mépriser les juges qui l’ont ordonné ou s'indigner contre ceux qui le tolérent.