Un Compagnon d’Ulysse

La pudique Albion ne s’embête pas une minute! S’il est vrai, comme on l’a répété à propos de Byron, qu’un pays n’a que la littérature qu’il mérite, il faut convenir que les œuvres littéraires et « autres » de M. Oscar Wilde sont faites pour nous donner une singulière idée de l’état d’âme — si j’ose m’exprimer ainsi — de nos voisins d’outre-Manche.

Toutes les publications dont se régalent les Anglais, sont pleines de diatribes contre ce qu’on appelle là-bas la corruption de la Babylone moderne; et je ne sais que les Allemands pour se montrer aussi sévères à notre égard.

Ce n’est pourtant pas nous qui avons inventé les édifiantes histoires des petits télégraphistes, qui fleurissent sur les bords de la Tamise; ce n’est pas nous qui fabriquons les cartes transparentes, qui nous viennent des bords de la Sprée; ce ne sont pas des anecdotes parisiennes que nous contait naguère la Pall Mall Gazette. Si un grand poète anglais n’a pas été nommé « poète-lauréat », et si M. Oscar Wilde passe devant la Criminal Court, ce n’est pas pour des faits relevant de la corruption française.

Il faut espérer qu’à l’avenir, Messieurs les Anglais se montreront plus avares de remontrances; et ce qui me surprend, dans toute cette ignoble aventure, c’est l’étonnement hypocrite qu’ils manifestent

Ils devaient pourtant s’y attendre: au début de sa carrière, M. Oscar Wilde se promenait avec un lys à la main. Et on sait ce que sont devenus les compagnons d’Ulysse. . .

Un Compagnon d’Ulysse

La pudique Albion ne s’embête pas une minute! S’il est vrai, comme on l’a répété à propos de Byron, qu’un pays n’a que la littérature qu’il mérite, il faut convenir que les œuvres littéraires et « autres » de M. Oscar Wilde sont faites pour nous donner une singulière idée de l’état d’âme — si j’ose m’exprimer ainsi — de nos voisins d’outre-Manche.

Toutes les publications dont se régalent les Anglais, sont pleines de diatribes contre ce qu’on appelle là-bas la corruption de la Babylone moderne; et je ne sais que les Allemands pour se montrer aussi sévères à notre égard.

Ce n’est pourtant pas nous qui avons inventé les édifiantes histoires des petits télégraphistes, qui fleurissent sur les bords de la Tamise; ce n’est pas nous qui fabriquons les cartes transparentes, qui nous viennent des bords de la Sprée; ce ne sont pas des anecdotes parisiennes que nous contait naguère la Pall Mall Gazette. Si un grand poète anglais n’a pas été nommé « poète-lauréat », et si M. Oscar Wilde passe devant la Criminal Court, ce n’est pas pour des faits relevant de la corruption française.

Il faut espérer qu’à l’avenir, Messieurs les Anglais se montreront plus avares de remontrances; et ce qui me surprend, dans toute cette ignoble aventure, c’est l’étonnement hypocrite qu’ils manifestent

Ils devaient pourtant s’y attendre: au début de sa carrière, M. Oscar Wilde se promenait avec un lys à la main. Et on sait ce que sont devenus les compagnons d’Ulysse. . .

A Companion of Odysseus

The modest Albion does not bother for a minute! If it is true, as has been repeated in connection with Byron, that a country has only the literature it deserves, it must be admitted that the literary and "other" works of Mr. Oscar Wilde are made to give us a unique idea of the state of mind — if I dare say so — of our neighbors across the Channel.

All the publications which the English delight in are full of diatribes against what is called there the corruption of modern Babylon; and I know only the Germans to be so severe towards us.

It is not, however, we who invented the edifying stories of the little telegraphists who flourish on the banks of the Thames; it is not we who make the transparent cards, which come to us from the banks of the Spree; these are not Parisian anecdotes that the Pall Mall Gazette once told us. If a great English poet has not been named "poet-laureate", and if Mr. Oscar Wilde goes before the Criminal Court, it is not for acts relating to French corruption.

It is to be hoped that in future, the English gentlemen will show themselves to be more sparing of remonstrances; and what surprises me, in all this ignoble adventure, is the hypocritical astonishment they manifest

Yet they were to expect it: at the start of his career, Mr. Oscar Wilde walked around with a lily in his hand. And we know what became of Ulysses' companions. . .

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