La Cravache parisienne - Saturday, June 8, 1895

Un mot de Jaurès l’[étoile] sur Oscar Wilde la [lune]

Ainsi ce pauvre Wilde a été condamné au « hard labour »; sa destinée ressemble d’une facon frappante à celle de son confrére Plaute qui fut réduit, il y a 2,000 ans, à tourner la meule.

J’ai demandé à Jaurès de me faire connaître son opinion pour les lecteurs de La Cravache. Le leader socialiste, qui a été professeur de philosophie, m’a répondu: « Vous désirez savoir ce que je pense de cette triste affaire? Eh bien! pour moi, le châtiment infligé n’est pas trop rigoureux; car Wilde a oublié ce précepte du philosophe Kant: « L’homme doit toujours servir de fin, et jamais de moyen ».

C’est vrai; et vous avez raison, Jaurès: vous êtes plein de bon sens et. . . de citations.

Certifié exact:

J. de L. C.

P. S. — Correspondance :

Monsier le Directeur de la Cravache,

Il est si facile d'impliquer un honnête homme dans une affaire fâcheuse, et les récents scandales m'ont telment effrayé, que je fais appel à votre impartialité et proteste par avance contre une calomnie que mes adversaires politiques ne manqueront pas de publier.

Il y a quelques mois, Mme Moulinet (les femmes sont si imprudentes!) me témoigna le désir d'avoir un poêle Godin pour chauffer notre cher petit intérieur. J'allai chez Allez frères en acheter un, pour la modique somme de soixante francs. Quelques jours après, comme vous le savez, on saisissait les livres de la maison Allez; mon nom honorable y figurait avec cette mention: soixante francs, pour un poêle.

Naturellement, comme je suis un homme politique, conseiller municipal de ma commune, on verra dans ce fait très simple un pot-de-vin déguisé; on m'accusera d'avoir trafiqué de mon mandat; j'aurai beau dire que j'ai acheté un poêle, on me rira au nez en m'appelant « fumiste » (et ce qu'il y a de terrible, c'est que, effectivement, le poêle rentre bien dans la femisterie)!

A word from Jaurès the [star] on Oscar Wilde the [moon]

So poor Wilde was condemned to "hard labour"; his destiny bears a striking resemblance to that of his colleague Plautus, who was reduced, 2,000 years ago, to turning the millstone.

I asked Jaurès to let me know his opinion for the readers of La Cravache. The Socialist leader, who was a professor of philosophy, answered me: “Do you want to know what I think of this sad affair? Well! for me, the punishment inflicted is not too severe; for Wilde has forgotten this precept of the philosopher Kant: "Man must always serve as an end, and never as a means".

It's true; and you are right, Jaurès: you are full of common sense and. . . of quotes.

Exactly certified:

J. from LC

PS — Correspondence:

Mr. Director of the Whip,

It is so easy to implicate an honest man in a troublesome affair, and the recent scandals have frightened me so much, that I appeal to your impartiality and protest in advance against a calumny which my political adversaries will not fail to publish.

A few months ago, Madame Moulinet (women are so imprudent!) expressed to me the desire to have a Godin stove to heat our dear little interior. I went to Go Brothers to buy one, for the modest sum of sixty francs. A few days later, as you know, the books from the Go house were seized; my honorable name appeared there with this mention: sixty francs, for a stove.

Naturally, as I am a politician, municipal councilor of my commune, one will see in this very simple fact a disguised bribe; I will be accused of having tampered with my mandate; no matter how much I say that I bought a stove, people will laugh in my face calling me a "humbug" (and what is terrible is that, indeed, the stove fits well into the femisterie )!