WILDE ENTREVU
(Lettre de notre correspondent particulier)
Wormswood Scrubs, 28 juillet.

Deux fois seulement, en dehors des audiences d'Old-Bailey, j'ai aperçu Oscar Wilde.

D'abord, il y a cinq ans, à Stratford-on-Avon, quand fut inaugurée la fontaine monumentale dédiée à Shakespeare par ses admirateurs des Etats-Unis. Au banquet qui suivit la cérémonie avaient pris place, avec les membres du comité américain, un grand nombre de lettrés et d'artistes anglais ; et, parmi ces derniers, deux hommes fort entourés, différemment notoires, très en vue, que l'on se montrait : Henry Irving et Oscar Wilde.

Quand, au dessert, ils parlèrent, on s'étonna dans l'auditoire de les trouver si peu semblables à eux-mêmes comme à l'idée qu'on s'en pouvait faire. L'artiste dramatique se tenait et s'exprimait comme un poète, ne prononçant que des mots graves, tout au génie que l'on fêtait. C'était l'auteur, le poète, le romancier qui avait l'air d'un comédien et de réciter un rôle appris par cœur, calculé pour d'effet, avec moins de souci de Shakespeare que d'un succès personnel et tapageur. Henry Irving fut bref et touchant, parfaitement modeste. Wilde se montra bavard, longuet, préoccupé de sa réclame, allant jusqu'à prononcer le titre de deux ou trois de ses pièces, à deux pas du jardin où Shakespeare avait rêvé Cordélia, Desdémone et Juliette. Mais une telle séduction se dégageait de sa parole et de son geste, du son de sa voix surtout, tel était l'entrain de sa faconde, qu'il obtint le plus gros — non le meilleur — des bravos.

Il portait, en cet après-midi d'été, une redingote de drap gris clair fleurie d'œillets doubles, et une grosse cravate de foulard crème qui descendait sur son plastron métallique comme un jabot de soie. Sa chevelure épaisse, naturellement ondulée, flottait comme une crinière à chaque mouvement de sa tête, — une tête radieuse de jeunesse et de joie. Il avait trente-cinq ans déjà, mais n'en paraissait pas plus de vingt-cinq. Huit jours auparavant, il venait de triompher sur deux scènes, et son nom remplissait encore les gazettes. Rarement il m'avait été donné de contempler un homme aussi complètement épanoui; aussi sûr de lui-même, aussi confiant dans l'avenir. Une sorte de rayonnement l'entourait, et quand il eut fini de parler, buvant enfin à la mémoire du maître immortel, cent mains se tendirent vers sa main. Une rumeur d'éloges s'éleva autour de ce jeune triomphateur, et le cortège fut long des amis, intimes ou inconnus, qui défilèrent devant lui.

Quand vint l'heure de se séparer pour regagner Londres, Oscar Wilde ne prit pas le chemin de fer. A l'entrée de Stratford, au bord de la route, une élégante voiture l'attendait, déjà occupée par un jeune homme et deux jeunes femmes d'une parfaite élégance. Oscar Wilde y monta, et l'attelage disparut dans une poussière sous les grands arbres de la route de Leamington. Il y avait des armoiries sur la voiture et aux harnais des chevaux. L'auteur dramatique allait achever la soirée dans un château du Warwickshire.

J'ai revu Oscar Wilde ce matin dans le préau de la prison où il est détenu pour près de deux ans encore. Pas plus ici qu'à Stratford-on-Avon je ne lui ai parlé. Là-bas, je n'y songeai pas ; ici je ne l'aurais pu, quelle qu'eût été l'inspiration de ma pitié.

Des nouvelles alarmantes ayant circulé quant à la santé du prisonnier, l'administration a autorisé deux médecins à s'assurer de visu, mais seulement de visu, de l'état d'Oscar Wilde. Quelques membres de la presse ont pu se joindre à ces praticiens, dont l'un a été désigné par la famille même du condamné, à la condition qu'aucun de nous ne trahira sa présence tant que le prisonnier pourra en être averti. En conséquence, nous sommes introduits dans une pièce configuë au greffe et dont les fenêtres donnent sur un préau vide. Tout à l'heure, à dix heures précises, après la messe à laquelle il assiste en ce moment, Oscar Wilde sera amené là, comme il y sera désormais amené chaque dimanche au même moment. Les trois fenêtres derrière lesquelles nous prenons place sont défendues par un panneau de treillis de fil de fêr peint en vert, qui empêchera le condamné de nous apercevoir. Le préau s'étend en face de ces fenêtres, large d'environ six mètres et long de vingt, visible dans toute son étendue. A l'extrémité qui le ferme en face de nous, une porte de chêne à deux battants.

Des nouvelles alarmantes ayant circulé quant à la santé du prisonnier, l’administration a autorisé deux médecins à s’assurer de visu, mais seulement de visu, de l’état d’Oscar Wilde. Quelques membres de la presse ont pu se joindre à ces praticiens, dont l’un a été désigné par la famille même du condamné, à la condition qu’aucun de nous ne trahira sa présence tant que le prisonnier pourra en être averti. En conséquence, nous sommes introduits dans une pièce contiguë au greffe et dont les fenêtres donnent sur un préau vide, Tout à heure, à dix heures précises, après la messe laquelle il assiste en ce moment, Oscar Wilde sera amené là, comme il y sera désormais amené chaque dimanche au même moment. Les trois fenêtres derrière lesquelles nous prenons place sont défendues par un panneau de treillis de fil de fer peint en vert, qui empêchera le condamné de nous apercevoir. Le préau s’étend en face de ces fenêtres, large d’environ six mètres et long de vingt, visible dans toute son étendue. A l’extrémité qui le ferme en face de nous, une porte de chêne à deux battants.

Des nouvelles alarmantes ayant circulé quant à la santé du prisonnier, l'administration a autorisé deux médecins à s'assurer de visu, de l'état d'Oscar Wilde. Quelques membres de la presse ont pu se joindre à ces praticiens, dont l'un a été désigné par la famille même du condamné, à la condition qu'aucun de nous ne trahira sa présence tant que le prisonnier pourra en être averti. En conséquence, nous sommes introduits dans une pièce contiguë au greffe et dont les fenêtres donnent sur un préau vide. Tout a l'heure, a dix heures précises, après la messe à laquelle il assiste en ce moment, Oscar Wilde sera amené là, comme il y sera désormais amené chaque dimanche au même moment. Les trois fenêtres derrière lesquelles nous prenons place sont défendues par un panneau de treillis de fil de fer peint en vert, qui empêchera le condamné de nous apercevoir. Le préau s'étend en face de ces fenêtres, large d'environ six mètres et long de vingt, visible dans toute son étendue. A l'extrémité qui le ferme en face de nous, une porte de chêne à deux battants.

Nous sommes ici neuf. Un seul a été l'ami de Wilde. Les autres ne l'ont vu qu'au théàtre, ou devant sir John Bridge à la cour de Bow-Street, ou devant les juges Charles et Wills aux audiences du jury criminel. D'ailleurs, aucun désir de conversation entre nous. Attention. Voici que sonne le premier coup de dix heures...

Nous sommes ici neuf. Un seul a été l’ami de Wilde. Les autres ne l’ont vu qu’au théâtre, ou devant sir John Bridge à la cour de Bow-Street, ou devant les juges Charles et Wills aux audiences du jury criminel. D’ailleurs, aucun désir de conversation entre nous. Attention. Voici que sonne le premier coup de dix heures...

Nous sommes ici neuf. Un seul a été l'ami de Wilde. Les autres ne l'ont vu qu'au théâtre, ou devant sir John Bridge à la cour de Bow-Street, ou devant les juges Charles et Wills aux audiences du jury criminel. D'ailleurs, aucun désir de conversation entre nous. Attention. Voici que sonne le premier coup de dix heures...

A ce bruit, comme à un signal, les deux battants de la porte de chêne pivotent au fond du préau, sans que nous apercevions l'homme, les hommes, la force quelconque qui les fait mouvoir. Au delà de cette porte ouverte, nos yeux plongent dans un vaste trou noir auquel aboutissent les dernières marches d'un escalier de pierre. Un commis-greffier nous explique que Wilde est en route, entre la chapelle et le préau, â travers des couloirs où il ne rencontre personne, mais où il est épié. Il ne doit pas voir les gardiens qui se tiennent immobiles derrière les battants de chêne. Ce serait une distraction. Tout à l'heure, quand il sera arrivé, la porte se refermera comme si elle se refermait toute seule et un gardien restera derrière à surveiller le solitaire promeneur.

A ce bruit, comme à un signal, les deux battants de Ia porte de chêne pivotent au fond du préau, sans que nous apercevions l'homme, les hommes, la force quelconque qui les fait mouvoir. Au delà de cette porte ouverte, nos yeux plongent dans un vaste trou noir auquel aboutissent les dernieres marches d'un escalier de pierre. Un commis-greffier nous explique que Wilde est en route, entre la chapelle et le préau, à travers des couloirs où il ne rencontre personne, mais où il est épié. Il ne doit pas voir les gardiens qui se tiennent immobiles derrière les battants de chêne. Ce serait une distraction. Tout à l'heure, quand il sera arrivé, la porte se refermera comme si elle se refermait toute seule et un gardien restera derrière à surveiller le solitaire promeneur.

A ce bruit, comme à un signal, les deux battants de la porte de chêne pivotent au fond du préau, sans que nous apercevions l’homme, les hommes, la force quelconque qui les fait mouvoir. Au delà de cette porte ouverte, nos yeux plongent dans un vaste trou noir auquel aboutissent les dernières marches d’un escalier de pierre. Un commis-greffier noue explique que Wilde est en route, entre la chapelle et le préau, à travers des couloirs où il ne rencontre personne, mais où il est épié. Il ne doit pas voir les gardiens qui se tiennent immobiles derrière lus battants de chêne. Ce sérail une distraction. Tout a l’heure, quand il sera arrivé, la porte se refermera comme si elle se refermait toute seule et un gardien restera derrière à surveiller le solitaire promeneur.

Deux coups de sifflet partent du trou noir. Un homme apparaît, sortant peu à peu de cette ombre, arrivant doucement dans la lumière, d'un pas lent, sans bruit. Il est chaussé seulement de bas et tient dans sa main gauche une paire de sabots. La main droite glisse sur une rampe de cuivre. Est-ce lui ? Nous apercevons vaguement le raccourci de ses épaules, le dessin de sa casquette. Enfin il touche à la dernière marche, dépose sur le pavé ses sabots qu'il chausse, et descend dans le préau. Coup de sifflet. La porte se referme.

Deux coups de sifflet partent du trou noir. Un homme apparaît, sortant peu à peu de cette ombre, arrivant doucement dans la lumière, d’un pas lent, sans bruit. Il est chaussé seulement de bas et tient dans sa main gauche une paire de sabots. La main droite glisse sur une rampe de cuivre. Est-ce lui ? Nous apercevons vaguement le raccourci de ses épaules, le dessin de sa casquette. Enfin il touche à la dernière marche, dépose sur le pavé ses sabots qu'il chausse, et descend dans le préau. Coup de sifflet. La porte se referme.

Deux coups de sifflet partent du trou noir. Une homme apparaît, sortant peu à peu de cette ombre, arrivant doucement dans la lumière, d'un pas lent, sans bruit. Il est chassé seulement de bas et tient dans sa main gauche une paire de sabots. La main droite glisse sur une rampe de cuivre.Est-ce que lui? Nous apercevons vaguement le raccourci de ses épaules, le dessin de sa casquette. Enfin il touche à la dernière marche, dépose sur le pavé ses sabots qu'il chausse, et descend dans le préau. Coup de sifflet. La porte se referme.

C'est Wilde.

En son premier mouvement il se détire, tend les bras ; puis il retire sa casquette. C'est Wilde, à peine reconnaissable. Non qu'il ait beaucoup maigri. La charpente a conservé sa puissance, les épaules leur largeur et leur carrure ; le volume de l'abdomen a peu varié. Le visage même rassure par une apparence de santé, malgré la pâleur jaunâtre qui a remplacé les fraiches couleurs roses d'autrefois. La transformation est toute dans la tête hideusement rasée, presque chauve, dans cette tonte affreuse de la prison qui réduit la tête de Wilde à un volume insignifiant, poupard, bête, sans expression.

En son premier mouvement il se détire, tend les bras; puis il retire sa casquette. C’est Wilde, à peine reconnaissable. Non qu’il ait beaucoup maigri. La charpente a conservé sa puissance, les épaules leur largeur et leur carrure; le volume de l’abdomen a peu varié. Le visage même rassure par une apparence de santé, malgré la pâleur jaunâtre qui a remplacé les fraîches couleurs roses d’autrefois. La transformation est toute dans la tête hideusement rasée, presque chauve, dans cette tonte affreuse de la prison qui réduit la tête de Wilde à un volume insignifiant, poupard, bête, sans expression.

En son premier mouvement il se détire, tend les bras; puis il retire sa casquette. C'est Wilde, à peine reconnaissable. Non qu'il ait beaucoup maigri. La charpente a conservé sa puissance, les épaules leur largeur et leur carrure; le volume de l'abdomen a peu varié. Le visage même rassuré par une apparence de santé, malgré la pâleur jaunâtre qui a remplacé les fraîches couleurs roses d'autrefois. La transformation est toute dans la tête hideusement rasée, presque chauve, dans cette tonte affreuse de la prison qui réduit la tête de Wilde à un volume insignifiant, poupard, bête, sans expression.

Sans doute il y a dans la casquette que le condamné secoue sur sa main un pli, une poussière qui le gêne, car il tarde à la remettre et nous l'examinons plus longuement. La crinière d'autrefois tombée, reste un crâne aux protubérances violentes, marqué d'accents, de méplats, presque de trous et de bosses, pareil à une boule de glaise tourmentée par les coups de pouce d'un sculpteur enfant, d'un sauvage qui aurait taillé, dans la masse avec une serpe. Ce n'est point le crâne plat, écrasé, d'une dément ou d'une brute, mais il manque aux lignes l'harmonie sereine où Lavater reconnaît la puissance créatrice et la conception supérieure du beau. Et l'idée me vient qu'elle ressemble à l'art compliqué, maniéré de Wilde, cette tête de Wilde, avec ses vallons et ses volcans, son dessin paradoxal, son ensemble sans physionomie, ses ondulations qui semblent évoquer une intellectualité trouble, son manque de forme. Quelle apparence, quel déguisement dans l'opulente chevelure flottante d'autrefois !

Sans doute il y a dans la casquette que le condamné secoue sur sa main un pli, une poussière qui le gêne, car il tarde à la remettre et nous l’examinons plus longuement. La crinière d’autrefois tombée, reste un crâne aux protubérances violentes, marqué d’accents, de méplats, presque de trous et de bosses, pareil à une boule de glaise tourmentée par les coups de pouce d’un sculpteur enfant, d’un sauvage qui aurait taillé dans la masse avec une serpe. Ce n'est point le crâne plat, écrasé, d'un dément ou d'une brute, mais il manque aux lignes l’harmonie sereine où Lavater reconnaît la puissance créatrice et la conception supérieure du beau. Et l’idée me vient qu’elle ressemble à l’art compliqué, maniéré de Wilde, cette tête de Wilde, avec ses vallons et ses volcans, son dessin paradoxal, son ensemble sans physionomie, ses ondulations qui semblent évoquer une intellectualité trouble, son manque de forme. Quelle apparence, quel déguisement dans l’opulente chevelure flottante d’autrefois !

Sans doute il y a dans la casquette que le condamné secoue sur sa main un pli. une poussière qui le gêne, car il tarde à la remettre et nous l'examinons plus longuement. La crinière d'autrefois tombée, reste un crâne aux protubérances violentes, marqué d'accents, de méplats, presque de trous et de bosses, pareil à une boule de glaise tourmentés par les coups de pouce d'un sculpteur enfant, d'un sauvage qui aurait taillé dans la masse avec une serpe. Ce n'est point le crâne plat, acras, d'un dement ou d'une brute, mais il manque aux lignes l'harmonie sereine où Lavater reconnaît la puissance créatrice et la conception supérieure du beau. Et l'idée me vient qu'elle ressemble à l'art compliqué, manière de Wilde, cette tête de Wilde, avec ses vallons et ses volcans, son dessin paradoxal, son ensemble sans physionomie, ses ondulations qui semblent évoquer une intellectualité trouble, son manque de forme. Quelle apparence, quel déguisement dans l'opulente chevelure flottante d'autrefois!

Le condamné maintenant se promène, d'abord d'un pas brusque, d'une allure rapide, en vue d'un exercice ; puis lentement, plus lentement encore. Il y a là une mince ligne d'ombre sous le mur, dans cette ombre un banc. Wilde s'y assied. Ses mouvements sont d'un homme qui se croit seul, se gratte la tête, se cure le nez. Puis il s'adosse, croise les bras sur sa poitrine, renverse contre le mur sa tête, décolorée. Et il s'endort. Nous en doutons un moment. Non. C'est bien l'inconscient sommeil, fait de lassitude, d'oubli, peut-être de rêve, qui s'est appesanti sans heurt sur ce front déshonoré et qui le berce doucement. Une respiration régulière soulève cette poitrine où tant de sanglots ont passé. Pauvre diable !

Le condamné maintenant se promène, d’abord d’un pas brusque, d’une allure rapide, en vue d'un exercice; puis lentement, plus lentement encore. Il y a là une mince ligne d’ombre sous le mur, dans cette ombre un banc. Wilde s’y assied. Ses mouvements sont d’un homme qui se croit seul, se gratte la tête, se cure le nez. Puis il s’adosse, croise les bras sur sa poitrine, renverse contre le mur sa tête décolorée. Et il s’endort. Nous en doutons un moment. Non. C'est bien l'inconscient sommeil, fait de lassitude, d’oubli, peut-être de rêve, qui s’est appesanti sans heurt sur ce front déshonoré et qui le berce doucement. Une respiration régulière soulève cette poitrine où tant de sanglots ont passé. Pauvre diable !

Le condamné maintenant se promène d'abord d'un pas brusque, d'une allure rapide, en vue d'un exercice; puis lentement encore. Il y a là une mince ligne d'ombre sous le mur, dans cette ombre un banc. Wilde s'y assied. Ses mouvements sont d'un homme qui se croit seul, se gratte la tête, se cure le nez. Puis il s'adosse, croise les bras sur sa poitrine, renverse contre le mur sa tête décolorée. Et il s'endort. Nous en doutons un moment Non. C'est bien l'inconscient sommeil, fait de lassitude, d'oubli, peut-être de rêve, qui s'est appesanti sans heurt sur ce front déshonoré et qui le berce doucement. Une respiration régulière soulève cette poitrine où tant de sanglots ont passé. Pauvre diable!

On nous emmène. Aussi bien plusieurs d'entre nous ont déjà quitté leur poste d'observation derrière la fenêtre grillée, tant ce spectacle nous étreint. Pensez donc ! L'homme qui ronfle là dans ce coin de prison, vêtu de la livrée des galériens, docile aux coups de sifflet, était, il y a moins de trois mois, un des heureux de Londres. Si répugnante que soit la tare qui l'a amené là, on ne peut s'empêcher de songer que, partout ailleurs qu'en Angleterre, il aurait achevé déjà la moitié de sa peine, sinon toute sa peine, et que la flétrissure suffisait.

On nous emmène. Aussi bien plusieurs d’entre nous ont déjà quitté leur poste d’observation derrière la fenêtre grillée, tant ce spectacle nous étreint. Pensez donc ! L’homme qui ronfle là dans ce coin de prison, vêtu de la livrée des galériens, docile aux coups de sifflet, était, il y a moins de trois mois, un des heureux de Londres. Si répugnante que soit la tare qui l’a amené là, cm ne peut s’empêcher de songer que, partout ailleurs qu’en Angleterre, il aurait achevé déjà la moitié de sa peine, sinon toute sa peine, et que la flétrissure suffisait.

On nous emmène. Aussi bien plusieurs d'entre nous ont déjà quitté leur poste d'observation derrière la fenêtre grillée, tant ce spectacle nous étreint. Pensez done! L'homme qui ronfle là dans ce coin de prison, vêtu de la livrés des galériens, docile aux coups de sifflet, était, il y a moins de trois mois, un des heureux de Londres. Si répugnante que soit le taré qui l'a amené là, on ne peut s'empêcher de songer que, partout ailleurs qu'en Angleterre, il aurait achevé déjà la moitié de sa peine, sinon toute sa peine, et que la flétrissure suffisait.

Enfin, comme disent les bonnes gens, l'important, c'est qu'il se porte bien.

Enfin, comme disent les bonnes gens, l’important, c’est qu’il se porte bien.

Enfin, comme disent les bonnes gens, l'important, c'est qu'il se porte bien.

WILDE INTERVIEWED
(Letter from our private correspondent)
Wormswood Scrubs, July 28.

Only twice, outside of the Old-Bailey hearings, have I seen Oscar Wilde.

First, five years ago, in Stratford-on-Avon, when the monumental fountain dedicated to Shakespeare was inaugurated by his admirers from the United States. At the banquet which followed the ceremony were seated, with the members of the American committee, a large number of English scholars and artists; and, among the latter, two well-connected men, differently notorious, very prominent, who were seen: Henry Irving and Oscar Wilde.

When, at dessert, they spoke, the audience was astonished to find them so unlike themselves as to the idea one might have of them. The dramatic artist stood and spoke like a poet, uttering only serious words, all about the genius that was being celebrated. It was the author, the poet, the novelist who looked like a comedian and recited a memorized role, calculated for effect, with less concern for Shakespeare than for personal and raucous success. . Henry Irving was brief and touching, perfectly modest. Wilde was talkative, long-winded, preoccupied with his publicity, going so far as to pronounce the title of two or three of his plays, a stone's throw from the garden where Shakespeare had dreamed of Cordelia, Desdemona and Juliet. But such seduction emanated from his words and his gestures, especially from the sound of his voice, such was the liveliness of his talk, that he received the biggest—not the best—bravos.

He wore, on this summer afternoon, a frock coat of light gray cloth adorned with double eyelets, and a thick cream scarf tie which fell over his metallic breastplate like a silk jabot. Her thick, naturally wavy hair floated like a mane with every movement of her head—a head radiant with youth and joy. He was thirty-five already, but didn't look more than twenty-five. Eight days before, he had just triumphed on two stages, and his name was still filling the gazettes. Rarely had it been given to me to contemplate a man so completely fulfilled; so sure of himself, so confident in the future. A kind of radiance surrounded him, and when he finished speaking, finally drinking in the memory of the immortal master, a hundred hands reached out to his hand. A murmur of praise rose around this triumphant young man, and the procession was long of friends, intimates or strangers, who filed past him.

When it was time to part ways to return to London, Oscar Wilde did not take the train. At the entrance to Stratford, at the edge of the road, an elegant car was waiting for him, already occupied by a young man and two young women of perfect elegance. Oscar Wilde climbed into it, and the team disappeared in a dust under the tall trees of the Leamington road. There were coats of arms on the carriage and on the harnesses of the horses. The playwright was going to end the evening in a castle in Warwickshire.

I saw Oscar Wilde again this morning in the courtyard of the prison where he is being held for nearly two more years. No more here than in Stratford-on-Avon have I spoken to him. Over there, I did not think of it; here I could not have, whatever had been the inspiration of my pity.

Alarming news having circulated about the prisoner's health, the administration authorized two doctors to check firsthand, but only firsthand, on Oscar Wilde's condition. A few members of the press were able to join these practitioners, one of whom was appointed by the condemned man's own family, on the condition that none of us betray his presence as long as the prisoner can be informed. As a result, we are introduced into a room configured in the registry and whose windows overlook an empty courtyard. Presently, at ten o'clock precisely, after the mass he is attending at this moment, Oscar Wilde will be brought there, as he will henceforth be brought there every Sunday at the same time. The three windows behind which we sit are defended by a panel of wire mesh painted green, which will prevent the condemned from seeing us. The courtyard extends in front of these windows, about six meters wide and twenty long, visible in all its extent. At the end which closes it in front of us, a double oak door.

We are here nine. Only one has been Wilde's friend. The others have only seen him in the theatre, or before Sir John Bridge at Bow Street Court, or before Judges Charles and Wills at the hearings of the criminal jury. Besides, no desire for conversation between us. Attention. Here comes the first stroke of ten o'clock...

At this sound, as if at a signal, the two leaves of the oak door pivot at the back of the courtyard, without our seeing the man, the men, whatever force makes them move. Beyond this open door, our eyes plunge into a vast black hole to which end the last steps of a stone staircase. A clerk explains to us that Wilde is on his way, between the chapel and the courtyard, through corridors where he meets no one, but where he is watched. He must not see the guards who stand motionless behind the oak leaves. It would be a distraction. Presently, when he arrives, the door will close as if it were closing by itself and a guard will remain behind to watch the solitary walker.

Two whistles sound from the black hole. A man appears, emerging little by little from this shadow, arriving gently in the light, with a slow, noiseless step. He wears only stockings and holds a pair of clogs in his left hand. The right hand slides on a copper ramp. Is the one ? We vaguely see the shortening of his shoulders, the design of his cap. Finally he reaches the last step, places his clogs on the pavement, which he puts on, and descends into the courtyard. Whistle. The door closes.

It's Wilde.

In his first movement he stretches, stretches out his arms; then he takes off his cap. It's Wilde, barely recognizable. Not that he has lost much weight. The framework has retained its power, the shoulders their width and build; the volume of the abdomen varied little. The very face reassures with an appearance of health, despite the yellowish pallor which has replaced the fresh pink colors of yesteryear. The transformation is all in the hideously shaved, almost bald head, in that awful prison clipping that reduces Wilde's head to an insignificant volume, chubby, dumb, expressionless.

No doubt there is a crease in the cap that the condemned man is shaking on his hand, a dust that bothers him, because he is slow to put it back on and we take a longer look at it. The once-fallen mane remains a skull with violent protuberances, marked with accents, flat spots, almost holes and bumps, like a ball of clay tormented by the nudges of a child sculptor, a savage who would have cut, in the mass with a sickle. It is not the flat, crushed skull of a lunatic or a brute, but the lines lack the serene harmony in which Lavater recognizes the creative power and the superior conception of beauty. And the idea comes to me that it resembles the complicated, mannered art of Wilde, this head of Wilde, with its valleys and its volcanoes, its paradoxical design, its ensemble without physiognomy, its undulations which seem to evoke a troubled intellectuality, his lack of form. What an appearance, what a disguise in the opulent flowing hair of yesteryear!

The condemned man now walks about, at first with a brisk step, at a rapid pace, in view of an exercise; then slowly, more slowly still. There is a thin line of shadow there under the wall, in this shadow a bench. Wilde sits there. His movements are of a man who thinks he is alone, scratches his head, picks his nose. Then he leans back, crosses his arms over his chest, leans his discolored head against the wall. And he falls asleep. We doubt it for a moment. No. It is indeed the unconscious sleep, made of lassitude, oblivion, perhaps of dreams, which has weighed down smoothly on this dishonored brow and which rocks it gently. Regular breathing raises this chest where so many sobs have passed. Poor devil !

We are taken. Many of us have already left their observation post behind the grilled window, so gripping is this spectacle. So think! The man who snores there in this corner of the prison, dressed in the livery of the galley slaves, docile to the whistles, was, less than three months ago, one of the lucky ones in London. However repugnant the blemish that brought him there, one cannot help thinking that, anywhere else but in England, he would have already completed half his sentence, if not all his sentence, and that the stigma was enough. .

Finally, as the good people say, the important thing is that he is well.