Previous report Le Soleil - Saturday, July 27, 1895
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A PROPOS D’UNE PÉTITION

Il serait question, en ce moment, paraît-il, d’une pétition adressée à qui de droit, par des littérateurs français, dans le but d’obtenir une atténuation de la peine infligée, il y a quelques mois, par les tribunaux anglais, au littérateur Oscar Wilde, après des débats dont les scandales ne sont pas oubliés.

Cette démarche qui doit être internationale, puisque l'initiative en appartient à un poète américain, ne me paraît pas avoir de grandes chances de réussir ; d’abord parce que les Anglais ne sont pas les sentimentaux que nous sommes, ensuite parce que le cas n’est vraiment pas recommandable.

Parmi nos sommités littéraires interrogées, beaucoup hésitent, et cela se conçoit ; d’autres se dérobent par la tangente, et quelques-uns refusent catégoriquement leur concours. En quoi et comment Oscar Wilde mériterait-il tant de sollicitude ? Supposons que pareille aventure soit advenue à un littérateur français : pense-t-on que les confrères s’en iraient demander à M Félix Faure ou sa grâce, ou une atténuation de peine?

Parmi nos sommités littéraires interrogées, beaucoup hésitent, et cela se conçoit; d’autres se dérobent par la tangente, et quelques-uns refusent catégoriquement leur concours. En quoi et coin meut Oscar Wilde mériterait-il tant de sollicitude ? Supposons que pareille aventure soit advenue à un littérateur français : pense-t-on que les confrères s’en iraient demander à M. Félix Faure ou sa grâce, ou une atténuation de peine ?

Je sais que la prison anglaise n’est pas comparable à la nôtre, et que, de l’autre côté du détroit, on chercherait vainement un Pavillon des Princes, à l’usage des artistes et des littérateurs. La prison, chez nos voisins, c’est la prison avec toutes ses conséquences ; et le malheureux auteur la subit dans les conditions communes.

Je vois bien que la justice pénale anglaise n’a pas les tendresses que nous lui supposons ; et il se pourrait faire, au contraire, qu’à ses yeux, l’intelligence et le talent fussent des circonstances aggravantes, en ces sortes de causes. Aussi, serait-il peut-être téméraire, sinon puéril, de tenter une démarche vouée, j’en ai peur, à l’avortement.

Je vois bien que la justice pénale anglaise n’a pas les tendresses que nous lui supposons; et il se pourrait faire, au contraire, qu'a ses yeux, l'intelligence et le talent fussent des circonstances aggravantes en ces sortes de causes. Aussi, serait-il peut-être téméraire, sinon puéril, de tenter une démarche vouée, j’en ai peur, à l’avortement.

Où irait-on, si l’on se mettait à établir des distinctions entre les délits et les crimes, suivant la qualité intellectuelle des délinquants et des criminels ? Dans la réalité des faits, n’est-ce pas le plus dénué d’intelligence qui devrait être le plus digne de compassion?

Où irait-on, si l'on se mettait à établir des distinctions entre les délits et les crimes, suivant la qualité intellectuelle des délinquants et des criminels? Dans la réalité des faits, n’est-ce pas le plue dénué d'intelligence qui devrait être le plus digne de compassion ?

Il est pénible de voir un garçon doué comme l’était celui-ci soumis au rude régime des prisons anglaises ; mais ce serait se bercer d’un [...] d’attendre une modification exceptionnelle à la loi stricte, dans un pays qui la respecte jusqu’au fanatisme.

Il est pénible de voir un garçon doué comme l'était celui-ci soumis au rude régime des prisons anglaises; mais ce serait se bercer d'un vain espoir d'attendre une modification exceptionelle à la loi stricte, dans un pays qui la respecte jusqu'au fanatisme.

Jean de Nivelle.

ABOUT A PETITION

It would be question, at this moment, it seems, of a petition addressed to whom it may concern, by French writers, with the aim of obtaining a mitigation of the sentence imposed, a few months ago, by the English courts. , to the writer Oscar Wilde, after debates whose scandals are not forgotten.

This approach, which must be international, since the initiative belongs to an American poet, does not seem to me to have a great chance of succeeding; first because the English are not the sentimental people we are, then because the case is really not to be recommended.

Among our literary luminaries questioned, many hesitate, and this is understandable; others escape by the tangent, and some categorically refuse their assistance. In what and how would Oscar Wilde deserve so much concern? Suppose such an adventure had happened to a French writer: do you think that the colleagues would go and ask Madame Félix Faure for his pardon, or for an attenuation of his sentence?

I know that the English prison is not comparable to ours, and that, on the other side of the strait, one would look in vain for a Pavillon des Princes, for the use of artists and writers. Prison, with our neighbors, is prison with all its consequences; and the unfortunate author suffers it under common conditions.

I see very well that the English penal justice does not have the tenderness which we suppose of it; and it could happen, on the contrary, that in his eyes intelligence and talent were aggravating circumstances in these sorts of causes. Also, it would perhaps be reckless, if not childish, to attempt a process doomed, I fear, to abortion.

Where would we go if we began to establish distinctions between misdemeanors and crimes according to the intellectual quality of delinquents and criminals? In reality, isn't it the most devoid of intelligence who should be the most worthy of compassion?

It is painful to see a gifted boy like this subjected to the harsh regime of English prisons; but it would be rocking of one [...] to await an exceptional modification with the strict law, in a country which respects it until fanaticism.

Jean de Nivelle.

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