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On sait, ou on ne sait pas, qu’un certain nombre d’écrivains français — à la remorque d’un Américain — ont eu l’idée — assez singulière — d’adresser aux autorités anglaises une pétition en faveur de l’esthète Oscar Wilde, condamné à deux ans de hard labour pour des actes qu'il n’est pas besoin de rappeler. Mais il ne paraît pas que le projet rencontre beaucoup d’adhésions : Sardou, notamment, a refusé net sa signature, et Alphonse Daudet a fait la grimace.

On sait, ou on ne sait pas, qu’un certtain nombre d’écrivains français — à la remorque d’un Américain — ont eu l'idée — assez singulière — d’adresser aux autorités anglaises une pétition en faveur de l’esthète Oscar Wilde, condamné à deux ans de hard labour pour des actes qu’il n’est pas besoin de rappeler. Mais il ne parait pas que le projet rencontre beaucoup d’adhésions : Sardou, notamment, a refusé net sa signature, et Alphonse Daudet a fait giimace.

Voici ce qu’en dit aujourd’hui Jean de Nivelle, dans le Soleil:

Parmi nos sommités littéraires interrogées, beaucoup hésitent, et cela se conçoit; d’autres se dérobent par la tangente, et quelques-uns refusent catégoriquement leur concours. En quoi et coin meut Oscar Wilde mériterait-il tant de sollicitude ? Supposons que pareille aventure soit advenue à un littérateur français : pense-t-on que les confrères s’en iraient demander à M. Félix Faure ou sa grâce, ou une atténuation de peine ?

Parmi nos sommités littéraires interrogées, beaucoup hésitent, et cela se conçoit ; d’autres se dérobent par la tangente, et quelques-uns refusent catégoriquement leur concours. En quoi et comment Oscar Wilde mériterait-il tant de sollicitude ? Supposons que pareille aventure soit advenue à un littérateur français : pense-t-on que les confrères s’en iraient demander à M Félix Faure ou sa grâce, ou une atténuation de peine?

Je vois bien que la justice pénale anglaise n’a pas les tendresses que nous lui supposons; et il se pourrait faire, au contraire, qu'a ses yeux, l'intelligence et le talent fussent des circonstances aggravantes en ces sortes de causes. Aussi, serait-il peut-être téméraire, sinon puéril, de tenter une démarche vouée, j’en ai peur, à l’avortement.

Je vois bien que la justice pénale anglaise n’a pas les tendresses que nous lui supposons ; et il se pourrait faire, au contraire, qu’à ses yeux, l’intelligence et le talent fussent des circonstances aggravantes, en ces sortes de causes. Aussi, serait-il peut-être téméraire, sinon puéril, de tenter une démarche vouée, j’en ai peur, à l’avortement.

Où irait-on, si l'on se mettait à établir des distinctions entre les délits et les crimes, suivant la qualité intellectuelle des délinquants et des criminels? Dans la réalité des faits, n’est-ce pas le plue dénué d'intelligence qui devrait être le plus digne de compassion ?

Où irait-on, si l’on se mettait à établir des distinctions entre les délits et les crimes, suivant la qualité intellectuelle des délinquants et des criminels ? Dans la réalité des faits, n’est-ce pas le plus dénué d’intelligence qui devrait être le plus digne de compassion?

Il est pénible de voir un garçon doué comme l'était celui-ci soumis au rude régime des prisons anglaises; mais ce serait se bercer d'un vain espoir d'attendre une modification exceptionelle à la loi stricte, dans un pays qui la respecte jusqu'au fanatisme.

Il est pénible de voir un garçon doué comme l’était celui-ci soumis au rude régime des prisons anglaises ; mais ce serait se bercer d’un [...] d’attendre une modification exceptionnelle à la loi stricte, dans un pays qui la respecte jusqu’au fanatisme.

Le seul résultat de l'affaire sera, inevitablement, de provoquer, dans la presse anglaise, de nouvelles injures à l'égard des Français — dont les effroyables moeurs, on ne l'ignore point, scandalisent justement les compatriotes de Wilde et des chastes héros de la Pall Mall Gazette.

L. Gondrecourt.

NEWS

We know, or we don't know, that a certain number of French writers - in tow of an American - had the - rather singular - idea of addressing a petition to the English authorities in favor of the aesthete Oscar Wilde, sentenced to two years of hard labor for acts that need not be recalled. But it does not seem that the project meets with many adhesions: Sardou, in particular, flatly refused his signature, and Alphonse Daudet made a face.

Here is what Jean de Nivelle says about it today, in Le Soleil:

Among our literary luminaries questioned, many hesitate, and that is understandable; others escape by the tangent, and some categorically refuse their assistance. In what way would Oscar Wilde deserve so much concern? Suppose such an adventure happened to a French writer: do you think that the colleagues would go and ask M. Félix Faure for his pardon, or for an attenuation of his sentence?

I see clearly that the English penal justice does not have the tenderness which we suppose of it; and it could happen, on the contrary, that in his eyes, intelligence and talent were aggravating circumstances in these sorts of causes. Also, it would perhaps be reckless, if not childish, to attempt a process doomed, I fear, to abortion.

Where would we go if we began to establish distinctions between misdemeanors and crimes according to the intellectual quality of delinquents and criminals? In reality, isn't it the most devoid of intelligence who should be the most worthy of compassion?

It is painful to see a gifted boy like this subjected to the harsh regime of English prisons; but it would be cradling oneself in a vain hope to wait for an exceptional modification to the strict law, in a country which respects it to the point of fanaticism.

The only result of the affair will inevitably be to provoke, in the English press, new insults towards the French - whose appalling morals, as we all know, justly scandalize the compatriots of Wilde and the chaste hero of the Pall Mall Gazette.

L. Gondrecourt.

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